mardi 13 février 2018

flashs



Murs des toilettes archi-graffités - le plus souvent des tags illisibles, des niaiseries et des banalités, et quelques rares traits d'esprit ici et là qui font tantôt sourire tantôt réfléchir - puis repeints encore, quasiment à chaque mois. "Les écrits restent"? Pas tous, dans des toilettes crades d'un bar hipsto-bohème sur Sainte-Cath, certains disparaissent sous des couches de solvant.

*

Après sa bière, un homme assez âgé - un original - m'interpelle : "Avez-vous remarqué? Toutes les femmes ici ont un front assez dégarni, c'est un signe d'intelligence." (Phrénologie? Peut-être est-il plus âgé qu'il n'y paraît.) Il quitte sans attendre de réplique. Et la fille à côté replace sa tuque avec un sourire malaisé.

*

Vers 17h, on annonce un band (se présentant comme du punk-folk) qui s'appelle Spatül. Le band commence à monter son kit. On voit le drum, on craint trop de bruit donc on change de place, on s'en va dans le fond du bar. Finalement, sont pas punk pantoute, c'est un superbe trio jazz; au lieu de tout décrisser, ils ne font que construire une magnifique ambiance.

*

À la table d'à côté, un cliché ambulant : l'étudiante en philosophie de l'UQAM. Elle parle sans arrêt.  Non-fucking-stop. Elle a environ 21 ans et elle chie sur Kant. Ce sont ses mots. J'essaie d'écrire verbatim ce qu'elle dit : "On ne peut pas imposer l'intellectualité masculine à l'intellectualité féminine je ne me considère pas comme une femme selon les standards sociaux de la féminité blablabla..." Je toffe même pas une phrase. Je soupire fort tuseul dans mon coin, si bien qu'elle se retourne, avec toute l'arrogance de sa jeunesse dans le regard, puis continue ses tergiversations (c'est le meilleur mot possible dans le contexte).

*

Après le départ de l'ami, je change de bord de table, question de voir un brin ce qui se passe, question de ne plus avoir que les reflets flous renvoyés par cette tapisserie aluminum sur les murs qui, je le constate, sont complètement immondes. Il y a du monde mais la pièce est vide, sans écho, comme si y'avait rien au-delà du visible; ça pue le connu à plein nez.

*

Sur ma table, une pinte de rousse cheap, mon cours à venir monté ficelé solide, 1000 pages de poésie québécoise et ce livre du mammouth laineux racontant des héroïnes oubliées par l'Histoire. Cette Amérique bâtie guerre sur guerre, dans une suite de génocides ignorés. Le passé a une odeur de sang.

*

La fillosophe de tantôt n'arrête pas, c'est lourd, très lourd. Son pauvre interlocuteur peine à placer deux phrases. Elle est insupportable et ce qu'elle dit est remarquablement abscons. On peut presque entendre les mouches non-consentantes dénoncer, avec raison. J'ai juste envie de lui lâcher un "ta yeule" bien senti. Mais je dois être plus bienveillant, je m'emmure donc dans le silence et je pars...

... Je traverse Berri, dans la station de métro, un junky se shoote live devant tout le monde, la masse arrive en troupeau de la ligne verte et s'engouffre dans une autre artère souterraine - qu'est-ce que je crisse icitte? Je ne vois plus rien. Sauf ses yeux, son sourire.

... Avec cette estie de toune-là dans les oreilles qui ne mourra pas de sitôt (majestueusement intitulée La fin du monde, du très singulier Philippe Brach) : 

Le calme a pris la place du froid
La mer a marché sur les toits
Si les anges ont rendu l'âme
Si les murs s'effondrent à même l'espoir
Si le soleil parle pour la dernière fois
Je veux crever 
Dans tes bras
Avec toi 
Ô toi

Les kamikazes ont perdu la foi
La misère des hommes s'en va
S'en va
Si l'enfer a levé l'encre
Le passé, signé sons testament 
Si enfin les bunkers et les îles se meurent Prends-moi
Dans tes bras 
Avec toi
Ô toi




















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire