vendredi 29 décembre 2017

Le long d'une route bordurée d'arbres


(Découvrir le poème. Comme si depuis la découverte de cette citation de Skacel, je le ressentais plus que je le créais, le sachant pas loin, dans cet endroit impalpable et imprécis juste derrière les façades ou terrer dans les failles, comme s'il n'y avait que la finesse d'un atome qui séparait l'existence des choses et leur révélation. Il n'en tient qu'à quoi désormais? À l'acuité du regard? À l'intuition et l'écoute des sens? Ou à cette subtilité d'éther qui dissimule ce qui cherche à naître? --- Par les temps qui courent - parce qu'il ne passe plus, le temps, il semble s'être hélas conformé à nous et n'a de cesse de courir désormais - le vers libre m'ennuie, comme s'il était l'avatar réduit (on dirait toujours qu'il faut qu'il soit court l'estie de vers libre) d'un simulacre de liberté, complètement illusoire. Ça va passer, ou courir, j'imagine. Mon esprit fonctionne en haïkus, en sonnets et en rimes idiotes (parce qu'à la fin de l'envoie, je touche); "la liberté dans la contrainte" m'a déjà dit une amie poète. Chercher la fissure, la trouver puis l'agrandir, la structurer en y soufflant des mots-succédanés de désirs et de beautés révélées... En attendant, la prose.)

L'hiver s'est installé. Ici, un jour de nuages assoupis ronflant de gros flocons; là, un soleil bien éveillé s'élançant sur la neige aveuglante. Les jours se suivent sans leur angoisse habituelle, le silence est moins lourd parce qu'habité par les images bienfaitrices d'un sourire bien précis. Les secondes sont plus lentes, plus souples. À l'aller, une tempête gronde dans le Parc des Laurentides. À la brunante, le blanc est devenu bleu. Agnes Obel échoue à calmer les pleurs de ma nièce de 21 mois, mais m'insuffle une patience d'or. Le long d'une route bordurée d'arbres, des kilomètres et des kilomètres de conifères enneigés. Les flocons scintillent comme des feux follets hivernaux dans les phares engouffrant la route et se fracassent dans le vent sur la tôle glacée et fumante de la voiture. Retour aux sources.

Trois jours plus tard, au retour, le froid glacial s'est amené sans être invité. La petite Rose a finalement fini par s'endormir. C'est à cause du Bach qui joue depuis que nous sommes partis j'en suis sûr. Quatre heures de suites anglaise et française et de partitas pour violon seul. Je m'amuse à croire que cette musique est une bénédiction pour cette enfant, qu'elle la calme; si ça peut faire ça pour nous, ça peut faire ça pour elle. Mis-à-part l'accident, des jours comme celui-ci semblent avoir été créés pour une musique comme celle-ci (et non l'inverse). Mon beau-frère conduit comme un irréductible planqué en son fief imprenable. Ma soeur peut finalement relaxer, pu obligée qu'elle est d'entretenir son dialogue de sourd avec sa petite aux besoins primaires, qui comprend pas assez encore. Elle est sur la banquette arrière, elle enlève ses bottes pour pouvoir changer de position et dépose ses pieds en pieds-de-bas sur l'accoudoir entre les sièges passager et conducteur, non sans préciser de ne pas s'inquiéter, que "ses pieds puent pas." Son caniche somnole sur ses cuisses depuis le début du trajet, la passagère exemplaire. On revient du Saguenay avec une trâlée de cadeaux, pis des produits du patelin natal : de la vraie tourtière, de l'orignal, des truites mouchetées et des bières. La valise du char en est pleine. Plus tôt sur la route, dans le Parc, on a croisé un carambolage monstre. Une dizaine de voitures facile, y'en avait qui étaient carrément tranchées en deux, les carcasses métalliques laissaient imaginer le pire, mais non, que des blessures mineures. On partait vingt minutes plus tard, on restait pogné au moins deux heures dans le Parc bloqué; avec la petite Rose pas capable de se tenir, ça aurait été l'enfer mais dans un frette glacial. On partait dix minutes plus tôt, c'était nous qui carambolions pis mon imagination veut pas aller là. Bourrasques de neiges et chaussée glissante due froid extrême qu'ils ont dit aux nouvelles. Tant qu'il y a pas de morts; le reste c'est juste du métal. On avale les kilomètres et passé Trois-Rivières, on voit au loin une longue ceinture de lumière jaune rose annonçant notre destination. Les vitres de la Hyundai sont complètement givrées, un problème de chaufferette (quel mot étrange) et je me demande si un algorithme quelconque définit la création, le déploiement aléatoire du givre sur la vitre. Un jardin, a dit le poète. On dirait en fait l'hiver et le froid en train de dessiner. Les nuages sont revenus sans que je m'en aperçoive, ils voilent les rayons du soleil qui ressemble à une lune de jour, précise, toute blanche. Une heure plus tard, sur le point de se coucher, le soleil, énorme, va enflammer l'horizon; un spectaculaire soleil brutal jaune orange or tirant sur le rose lorsque il touche les nuages bleus.

Je quitte mes origines une autre fois, je retourne chez moi. Le coeur gros de tout ce qu'il a à déposer aux pieds de la douce. (Et cet haïku qui s'obstine dans ma tête : depuis ton départ / la neige tombe et protège / chacun de tes pas). J'ai pas ouvert de livre de la journée mais c'est pas grave, celle-ci me raconte une histoire quand même.


































mercredi 6 décembre 2017





un matin mutilé
nuages déchirés de lumière
où à travers la vitre
le soleil déploie son spectre
des myriades de rayons incomplets
comme des flèches sans arc
les mêmes signes se répètent
de jour en jour
où les sondes
          insuffisantes
peinent à traduire les mystères

(la muse est à bout de
souffle ta magie sur les cendres
et ravive les braises bleues de décembre)

toujours cet entre-deux
toujours pris dans l'étau des contraires
          entre le jour et la nuit
          entre hier et demain
          entre l'idée et l'image
          entre la mémoire et l'oubli
          entre le coeur et la main
à l'intersection des sensations
disséquées à la pointe de la plume
je n'y vois qu'un amas de chemins
                        troubles et brumeux









lundi 4 décembre 2017








Les poètes n'invente pas les poèmes
Le poème est quelque part là-derrière
Depuis très très longtemps il est là
Le poète ne fait que le découvrir.
                                            
                                                        ~ Jan Skacel
 











vendredi 1 décembre 2017

(aphorisme?)





Dans chaque minute se cache une seconde d'éternité.





























lundi 27 novembre 2017

petite épiphanie








Le long de la route menant à toi, les lampadaires se succèdent comme un pouls régulier et gardent froidement le temps. Tes yeux dans chaque lumière, ton sourire dans chaque coup de vent. Sous ces lampadaires une première neige jaunâtre presque d'or rose compose le sujet amené (je corrige trop) de l'hiver. Les rues sont vides et désertes et n'attendent que tes pas, ta démarche fuselée. Plus loin, des forêts d'ombres frissonnent. Squelettes de novembre, les arbres dansent sous le poids d'une nouvelle saison à venir. Sufjan souffle son spleen dans le silence pendant que les fjords défilent, immenses. Mes oreilles ruinées des échos de ta voix rythment ces images pleines de nous. Je vais à toi, sublime vice vital, jusqu'à ce que la nuit diaphane souffle des vaisseaux de lumière glacée sur les talons du jour, illuminant la nécessité de dompter la bête, et l'on naît alors que l'automne se fane dans un crépuscule tressé de flocons de neige incandescents.




















samedi 18 novembre 2017





continue d'épuiser le fulgurant silence
quand le passé souffle ses lueurs diaphanes
arrivé à l'automne d'un été profane
l'hiver se dépose puis le calme s'élance

par-dessus la soirée à l'écume de glace
je tisse ma toile sur le feu endormi
j'entrelace égarés des souvenirs hormis
ceux insistants où elle prend toute la place

à broder le métal des absences inutiles
adviendra lentement une rouille futile
dans les lits sclérosées un baiser agonise

parfum de sulfure des amours embaumés
cette image versée que le temps tétanise
quelques larmes à la mort d'une pure beauté

























mardi 31 octobre 2017





Se tenir droit devant aucun regard constitue l'inutile nécessaire.
























dimanche 29 octobre 2017

haïkus du dimanche


je suis un poète
n'ayant pas publié
un poète inédit
     _____

il nous faut apprendre
à vivre selon le pouls
le rythme des arbres
     _____

pluie torrentielle?
les repères se perdent :
de minuscules tempêtes
     _____

ce qu'il y a
entre le ciel et la terre?
des rafales d'oublis
     _____

des morts heureuses ou
tragiques égrainent le sable
des heures et du vent
     _____

encens et parfums
nos charmes sorciers
un jour qui ne finit plus
     _____

lèvres mordillées
des gemmes brillent, nocturnes,
tues pas ses paupières
     _____

les lits grincent et jouissent
à l'unisson des ébats
des amants secrets
     _____

son visage comme
l'unique faisceau fatal
transgressant la nuit
     _____

son corps océan
frêle mais inépuisable
répare les brèches
     _____

Changes de Lana Del Rey
des larmes muettes
belles, un moment pur
     _____

et elle a laissé
des marques de vernis à ongles
sur le plancher
     _____

mon désir de tout dire
n'a d'égal furieux
que celui de tout vivre

































vendredi 27 octobre 2017




En attendant le calme, abolir le vertige et sauter, une bonne fois pour toutes. Il nous faut éprouver et sentir et connaître le néant de notre âme. On ne peut avoir peur que de ce que l'on ne connait pas.






















mercredi 25 octobre 2017






Mon âme est un orchestre secret; j'ignore quels instruments je pince et lesquels grincent à l'intérieur de moi. Je ne me connais que comme une symphonie.
                                                                                      ~ Fernando Pessoa






















mardi 24 octobre 2017











un ciel de soie rose lacéré
de soleil et d'orage
en alternance
les déclinaisons du feu
tes regards trainent partout
autour une odeur d'écorce
et d'asphalte mouillés

pulsant le silence
les échos des secrets que tes mains
ont déposés sur ma peau




























mercredi 18 octobre 2017







Créer, c'est vivre deux fois.

[...]


Travailler et créer "pour rien", sculpter dans l'argile, savoir que sa création n'a pas d'avenir, voir son oeuvre détruite en un jour en étant conscient que, profondément, cela n'a pas plus d'importance que de bâtir pour des siècles, c'est la sagesse difficile que la pensée absurde autorise. Mener de front ces deux taches, nier d'un côté et exalter de l'autre, c'est la voie qui s'ouvre au créateur absurde. Il doit donner au vide ses couleurs.

                                       ~ Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe




















lundi 16 octobre 2017










plus les jours passent plus
je n'ai rien à faire ici
et me referme
     _____

un cri sourd apporté
par l'écho, une porte
donnant sur le vide
     _____

une main imprévue
m'effleure, je suis rendu
à bout de masques
     _____

ciel ivre d'orage
un corps blessé de désir
le coeur bat, pesant
     _____

être un présent
que personne ne consomme
un éclair en avance
     _____

elle ouvre la voie
puis la referme, son ombre
s'éteint dans la brume
     _____

un effondrement
le miroir s'obscurcit
en strates de contraires











jeudi 12 octobre 2017

hasards objectifs



Petit atelier de création surréaliste fait en classe. Le principe est simple: la moitié des étudiants trouve une question, l'autre moitié trouve une réponse ; on mélange le tout puis on pige. Des fois ça donne n'importe quoi, mais c'est rare, j'en ai bisbaillé à peine une dizaine. Voici les perles que ça peut donner. Je ne change absolument rien (d'où les erreurs d'accord en début de phrase parfois) ni pronoms ni déterminants, je n'invente absolument rien non plus (d'où certaines répétitions et un petit manque d'originalité ici et là) et je les transcris dans l'ordre où je les ai pigés.

C'est quoi les jours qui passent? 
          C'est un courant d'air glacial.
C'est quoi la terre? 
          C'est la douceur d'une brise d'automne.
C'est quoi une rivière de larmes dans l'océan? 
          C'est la distance entre les étoiles.
C'est quoi la vie d'un amoureux fou?   
          C'est les murmures de ta belle-mère. (c'est hilarant ça)
C'est quoi la faim qui gruge dans le regard?
          C'est la voix de la raison.
C'est quoi le visage de l'amour?
          C'est le temps qui passe.
C'est quoi le souvenir?
          C'est une prison.
C'est quoi la peau?
          C'est le vent qui souffle sur les champs de blé.
C'est quoi la pensée?
          C'est le bonheur d'entendre ta voix.
C'est quoi le sang qui coule dans tes veines?
          C'est l'émerveillement.
C'est quoi la vie sans toi?
          C'est l'image qu'on retrouve dans les nuages.
C'est quoi la conscience?
          C'est inspirer du bonheur.
C'est quoi être vivant?
          C'est toute une aventure.
C'est quoi la vie?
          C'est le temps qui passe.
C'est quoi le sentiment amoureux?
          C'est ton regard plein de silence.
C'est quoi le savoir?
          C'est l'amour.
C'est quoi le bonheur?
          C'est un rideau qui flotte au vent.
C'est quoi la vie?
          C'est n'importe quoi.
C'est quoi ce beau sourire qui s'affiche sur ton visage?
          C'est l'écho de son coeur qui bat.
C'est quoi ce frisson que j'ai en te regardant?
          C'est ton regard sublime qui me traverse le corps.
C'est quoi le bonheur?
          C'est prendre son courage pour répondre à son désir.
C'est quoi la vie à tes côtés?
          C'est ton visage plein d'automne.
C'est quoi l'amour?
          C'est la chaleur de ton corps.
C'est quoi la beauté de la nuit?
          C'est la couleur rouge.
C'est quoi cette couleur provenant du ciel?
          C'est le sourire que tu as sur les lèvres.
C'est quoi cette émotion charitable qui émane de ton être?
          C'est la joie de pouvoir ressentir de nouveau.
C'est quoi la mort?
          C'est ça qui est ça.
C'est quoi un souvenir oublié?
          C'est ton souffle sur ma peau comme la brise du matin sur l'herbe.
C'est quoi la brise qui m'étouffe?
          C'est une amère jalousie pénétrant ton âme.
C'est quoi un baiser de ta part?
          C'est le brouillard qui tombe silencieux sur la mer.
C'est quoi la chaleur du vent?
          C'est l'espoir qui fait vivre.
C'est quoi l'homme?
          C'est l'odeur du matin.
C'est quoi une vague?
          C'est le temps perdu.
C'est quoi le vide?
          C'est un ciel étoilé qui se reflète dans tes yeux.
C'est quoi le rire d'un enfant?
          C'est ce champ de blé comme tes cheveux blonds.
C'est quoi cet éclat dans ton regard?
          C'est deux camions qui se rentrent dedans.
C'est quoi la peur?
          C'est la chaleur de ton amour.


Et un dernier que j'ajoute et qui n'est pas objectif pantoute :

C'est quoi la poésie?
          C'est ce qu'on attend pas, qui arrive de nulle part et qui se trouve n'importe où.















samedi 7 octobre 2017





Une langue lacée inconnue. Les lentes progressions de Godspeed you! Black emperor marquent le rythme de l'aube. Les trottoirs sont déserts. De l'asphalte vide. Sédiments de poussières des passants, des couches de pas invisibles. Belles âmes-en-peine au gré du vent. Le ciel aux cent tons du soleil qui se lève. Du rose au pourpre. Anthem for no state. Juste avant l'asphyxie, l'horizon est en feu. Les rues désertes comme des gouffres bleus prêts à encaisser les souvenirs à construire ; parades des petites routines, a great vain carnival!! L'écho de la ville endormie résonne. Tranquillement, les rues se rempliront pendant la journée d'encore plus de vide. Au bout de la rue, la montagne domine sous un sombreciel. Elle semble être dans un autre pays, toute recouverte d'ombre. Les arbres grondent, les rues nous avalent pour mieux nous recracher le soir. Nous aurons été un peu plus digérés. Jusqu'à l'effondrement, la disparition. Et le temps qui ne se lasse pas de nous tendre des miroirs changeants, comme si chaque pensée chaque visage chaque souvenirs étaient pluriels. Infinis. Un éternel maintenant à contrecoup des ailleurs inexistants. Les autres arrivent. Les fossiles s'amoncellent. Tous des borgnes maîtres d'aucun royaume sinon leur nombril. Échines courbées sur le sacro-saint-écran. L'on ne peut rien bâtir sur des colonnes molles. Atonie des corps pliés, comateuse volonté... Que des soupirs tus. Que des encens obscurs. Des doigts de fumée dansent. Effluves. Douceur et délicatesse du bruit chaorchestré. Qui du monde ou moi éprouve l'autre? Le derme effleuré, la peau comme écorce rouillée. Des veines tranchées. Dans les larmes de la lame, une lave pâle. 

Du rouge, presque transparent.





































vendredi 29 septembre 2017

sonnet






claustrale solitude dans la nuit nocturne
fardeau et silence du Sisyphe moderne
des fouets de lumières d'une lente lanterne
éclairent et nourrissent de cendres riches l'urne

alternent deuils et mémoires au parfum voilé
où luit la taille lactée d'un proche infini
à toi nymphe omise ton office in-fini
t'as oublié tes mains sur mon torse étoilé

tous ces ongles d'onyx farfouillant l'épiderme
et trouvant le rêve dans la fièvre des thermes
nébuleuse effilée d'un obstiné mirage

si près dans l'ombre des murmures de désastre
sitôt chassés par la promesse d'un visage
Sisyphe continue de respirer les astres



















enfin toute chaleur tuée
dehors un septembre brûlé laisse
sa place à l'octobre superbe
un calme immense s'est installé
au plus profond de l'aube
dans la simplicité d'une tasse de café
buée et fumées des effluves
cette rencontre du feu et du froid
c'est l'automne qui rentre en moi
























mardi 26 septembre 2017

au compte-gouttes





plus fou que son cri
son silence, l'écho
de son indifférence


























dimanche 24 septembre 2017










des corps plaqués       purs
la symbiose des sueurs
           juste un peu de feu


***





"Je m'entête affreusement à adorer la liberté libre." 
                                                                                    ~ Arthur Rimbaud

































  "We'll take up where we left off, Esther," she said, with her sweet martyr's smile. "We'll act as if all this were a bad dream."
   A bad dream.
  To the person in the bell jar, blank and stopped as a dead baby, the world itself is a bad dream.    
   A bad dream.
   I remember everything.
   I remember the cadavers and Doreen and the story of the fig-tree and Marco's diamond and the sailor on the Common and Doctor Gordon's wall-eyed nurse and the broken thermometers and the negro with his two kinds of beans and the twenty pounds I gained on insulin and the rock that bulged between sky and sea like a grey skull.
   Maybe forgotfulness, like a kind snow, should numb and cover them.
   But they were part of me. They were my landscape.

~ Sylvia Plath, The Bell jar








mardi 19 septembre 2017






que des jours horloges
les battements des tempes
réglées horloges aux temples
au crépuscule violet

et les nuages jurent jouets
semblant blasphèmes durs
des jours aux puérils caprices
qui passent révoltes latentes

s'affalant sur les azurs lisses
l'asphalte brûlant des augures
la fugue d'une antique toge
révèle pure la nuit éclatante



























dimanche 17 septembre 2017

ah pis fuck la ponctuation l'ami m'a conseillé d'écrire un texte question d'extérioriser le spleen des derniers jours pis parce que j'écris pas assez ces temps-ci mais écrire sur quoi quand des acouphènes d'inepties se montrent trop pinsistants partout autour des rumeurs dans la rue des visages indifférents indifférés dans les artères bouchées de la ville cette impression que la crise est imminente et le pontage impossible quand ce n'est pas une insouciance généralisée ou une vacuité crasse et déprimante l'absolu est porté disparu et personne à part quelques anachroniques le cherche un tant soit peu quoi écrire quand tout ces petits irritants s'immiscent malgré soi entre l'arbre et l'écorce ou entre l'Arabe et le Corse comme disait l'autre par exemple au parc cette fille prenant un selfie devant une fontaine prenant un autre selfie à côté de canards prenant un autre autre selfie à côté d'écureuils la tête savamment de biais semi-profil étudié qui saura la rendre plus belle cette self-obsession de la beauté physique si banale parfois parce que décidément dénuée de poésie inhérente parce que complètement stagée cette beauté tout sauf naturelle parce que complètement désertée par le feu comme un volcan complètement mort quoi écrire quand je me suis tellement garroché dans ma rentrée que j'ai de la difficulté à prendre le temps d'écrire trop pris que je suis dans mes lubies et mes obsessions par la littérature cette vie pleinement vécue encore lui Marcel le clairvoyant comme si j'avais sacrifié l'appréciation de ma solitude pour 140 étudiants à qui j'ignore s'ils le savent je donne absolument tout ce que j'ai une vocation qu'ils disaient pfff le mot est faible quoi écrire quand depuis trois jours déchirés ce goût de cendres froides dans la gorge comme du goudron séché sur quoi j'écrirais de toute façon sûrement pas sur toute l'énergie que je déploie à expliquer Baudelaire Rimbaud Mallarmé Proust et Joyce à des étudiants qui ne lisent pratiquement pas cette génération d'humains courbés distraits de l'ici et qui sont nulle part avec passion comme disait Luchini même si je sais qu'au final ils ne l'oublieront pas quinze semaines à forger un souvenir quand même incertain ou peut-être que je devrais écrire à propos de cette étudiante venue me voir me disant qu'elle a un projet de livre et qu'elle aurait besoin de mon aide pour l'épauler parce qu'elle veut écrire un essai sous forme de lettres adressées à ceux qui l'ont agressée lorsque qu'elle était prise dans l'engrenage débile d'une gang de rue non mais qu'est-ce que je peux écrire alors que son aveu me trouble tellement mais pourquoi câlisse qu'elle est venue me dire ça à moi quoi écrire sinon que j'accumule les fantômes ces êtres qui m'ont ghosté parce que je leur ai montré juste un tout petit peu d'absolu par-delà les aubes en lambeaux que j'ai envie de déchirer de la vitre en arpentant les rues d'une ville complètement déserte les pieds pris dans la terre à m'enivrer de la poussière des promontoires stériles dessinant des reliefs bâclés faut écrire en bloc amener la gloire tu disais l'ami n'est-ce pas si tu passes comme dans un rêve sache que je passe comme dans un cauchemar quoi écrire sinon sur des yeux en éclipses de feu ou sur mes yeux qui se perdent au rythme du déhanchement des reines ou encore sur les parfums laissés les souvenirs maquillés comblant les sillages des départs irréversibles ou encore écrire sur ce poème impossible complètement hallucinant écrit pour moi et personne d'autre par Emily Dickinson il y a plus de 150 ans c'est fou à quel point l'arc des astres semble parfois à portée d'atteinte il suffit juste d'un pincement de doigts pour lancer des flèches au coeur de l'infini sur cet été qui ne finit plus ce sale soleil que j'ai juste envie de défenestrer abruti que je suis comme Meursault complètement étranger abruti par cette chaleur accablante sur quoi écrire sûrement pas sur les cheveux que je ne trouve plus ici et là avec des yeux et des sourires pendus après vieux restants de passions tellement éphémères ces moments où l'on a envoyé la nuit et le temps se coucher des corps étrangers sur le sol et des faces plein ma tête et un vide un inévitable vide le monde cet incapable de m'apporter ce que j'attends de lui la chair est triste hélas et j'ai lu tous les livres non ce n'est pas facile d'écrire sur rien mais je continuerai quand même de faire vibrer la corde tendue aussi discordante soit-elle de l'inexprimable à l'exprimé même si ça se fera pour l'instant à coups d'inoffensifs haïkus
     _____

un été étrange
à compter les fantômes
les espoirs incréés
     _____

tout ce que j'ai à offrir
ce sont mes mains
pleines d'un peu de foudre
     _____

arrive automne
viens déposer tout autour
la rouille de l'été


























samedi 9 septembre 2017









je suis las de cette nuit insistante
aux formes fatiguées d'ébène bleue
comme si elle était insuffisante
à défaire les inlassables noeuds

aux limites des canopées de pluie
poli de nuages inconnues le soir
déchante seul son chagrin de minuit
une tristesse perdue dans la moire

plus loin les éclats d'un silex flou
vaguent sur le fil de nuits invisibles
où sur un étang de sang noir le fou
danse nu sa partition illisible





















vendredi 8 septembre 2017





mon cerveau vit, meurt et renaît...

à chaque fois...



"Mon crime, c'est d'avoir, gai de vaincre ces peurs
Traîtresses, divisé la touffe échevelée
De baisers que ces dieux gardaient si bien mêlée;
Car à peine j'allais cacher un rire ardent
Sous les replis heureux d'une seule (gardant
Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
Se teignît à l'émoi de sa soeur qui s'allume,
La petite, naïve et ne rougissant pas :)
Que mes bras, défaits par de vagues trépas,
Cette proie, jamais ingrate, se délivre
Sans pitié du sanglot dont j'étais encore ivre."

                                                           ~ Stéphane Mallarmé















mercredi 30 août 2017

sonnet en hendécasyllabes


terrassé et subjugué d'odieuses entraves
je fuis malade en solitude brumaire
ce sillon ton corps robe d'odeurs amères
ton corps nuité de brume et de grandes draves

l'écart entre nous que le silence lisse
et vaine essence qu'on inhale les lèvres
exsangues sous la morsure de la fièvre
rendent éphémères nos délires complices

exhalaisons de l'échancrure du gouffre
sans toi ma peau distille sueur et soufre
ma gorge sèche à l'outre du souvenir

mon être ce fjord attend un nouveau schisme
mais les amours ces démons déploient leur rire
et chassent cruels l'essentiel exorcisme

























samedi 26 août 2017

Pédagogie


INT. CLASSE - Vendredi 5h p.m.

Les murs sont beiges, sans fenêtres. Quarante étudiants regardent le prof, ils sont blasés et ils ont juste hâte de s'en aller parce que la première semaine fut brutale. 

LE PROF
Donc, comme je le disais, vous devez commencer la lecture de 
Dublinois en fin de semaine et question de vous imprégner de la 
culture irlandaise un peu, - on vient de voir que vous aviez du
rattrapage à faire à ce sujet - vous devrez aller dans un des
nombreux pubs irlandais de Montréal boire une pinte de Guinness.
Pas une rousse, une blonde ou n'importe quelle bière, une Guinness.
Et ce n'est pas une suggestion, c'est un devoir. 

(Les étudiants prennent à la légère cette boutade, la plupart d'entre eux sourit. Le prof ne démord pas et affiche un faciès imperturbable. Antoine le remarque, son sourire s'estompe.)

ANTOINE (interloqué)
Euh, vous êtes sérieux monsieur?

LE PROF
Absolument. Est-ce que j'ai l'air de blaguer?

(Les étudiants cessent de rire, un silence s'installe rapidement.)

Est-ce que quelqu'un y voit une objection?
(sans leur laisser le temps de répondre) Non? Parfait excellent!
Par solidarité, évidemment, je vais m'imposer ce devoir aussi.
Bonne lecture et bonne fin de semaine!

(Les étudiants se lèvent et sortent en blaguant, l'esprit léger, contents de cette première fin de semaine qui commence, contents de leur premier devoir.)



















quelle fin


"As he sat there, living over his life with her and evoking alternately the two images in which he now conceived her, he realised that she was dead, that she had ceased to exist, that she had become a memory. He began to feel ill at ease. He asked himself what else could he have done. He could not have carried on a comedy of deception with her; he could not have lived with her openly. He had done what seemed to him best. How was he to blame? Now that she was gone he understood how lonely hey life must have been, sitting night after night alone in that room. His life would be lonely too until he, too, died, ceased to exist, became a memory -- if anyone remembered him.

It was after nine o'clock when he left the shop. The night was cold and gloomy. He entered the Park by the first gate and walked along under the gaunt trees. He walked through the bleak alleys where they had walked four years before. She seemed to be near him in the darkness. At moments he seemed to feel her voice touch his ear, her hand touch his. He stood still to listen. Why had he withheld life from her? What had he sentenced her to death? He felt his moral nature falling to pieces.

When he gained the crest of the Magazine Hill he halted and looked along the river towards Dublin, the lights of which burned redly and hospitably in the cold night. He looked down the slope and, at the base, in the shadow of the wall of the Park, he saw some human figures lying. Those venal and furtive loves filled him with despair. He gnawed the rectitude of his life; he felt that he has been outcast from life's feast. One human being had seemed to love him and he had denied her life and happiness: he had sentenced her to ignominy, a death of shame. He knew that the prostrate creatures down by the wall were watching him and wished him gone. No one wanted him; he was outcast from life's feast. He turn his eyes to the grey gleaming river, winding along towards Dublin. Beyond the river he saw a goods train winding out of Kingsbridge Station, like a worm with a fiery head winding through the darkness, obstinately and laboriously. It passed slowly out of sight; but still he heard in his ears the laborious drone of the engine reiterating the syllabes of her name.

He turned back the way he had come, the rhythm of the engine pounding in his ears. He began to doubt the reality of what memory told him. He halted under a tree and allowed the rhythm to die away. He could not feel her near him in the darkness nor her voice touch his ear. He waited for some minutes listening. He could hear nothing: the night was perfectly silent. He listened again: perfectly silent. He felt that he was alone."

- James Joyce, A painful case











jeudi 24 août 2017

haïkus de fin de vacances, de rentrée, épars ici épars là-bas


arpenter la ville
aux aléas de nos soifs
la nuit est à nous
      _____

chaque fois que la
porte sonne je fais un
tabarnac de saut
     ______

une canicule
le soleil plie le métal
l'asphalte suffoque
     _____

il faudrait écrire
un poème de pure eau
froide de silence
     _____

le plus souvent les
mots ne servent qu'à
habiller notre néant
     _____

estie qu'y a des gens
sur le Mont-Royal
qui courent comme d'la marde
     _____

(faut tellement pas
prendre tout ce que j'écris
au premier degré)
     _____

à chaque poème
de Mallarmé mon cerveau
vit meurt et renaît
     _____

elle me sourit
une aut' fois de même
et je lui mange les jambes
     _____

en te regardant
elle mordillait sa lèvre
un désir brûlant
     _____

une peau de bronze
effleurée par mille vents
et mes deux mains vaines
































samedi 19 août 2017

aphorisme de comptoir de binerie



"Accept the fact that some days you are the pigeon and some days you are the statue."









vendredi 18 août 2017

(c'est l'fun les sonnets)




au grand déraillement on déchiffre les vagues
l'écume épileptique des terreurs marines
le salin fretin d'une lépreuse narine
humecte la poupe les sirènes divaguent

le mat du radeau scinde l'horizon l'hypnose
radieuse l'or d'un néant déguisé détonne
les regards se blessent sur la mer monotone
et ils se noient tous en une vibrante osmose

dans la nuit l'eau verte souffle un vent acéré
sur les souvenirs cannibales sidérés
se nourrissant de chair plutôt que de sextant

quand l'errance la folie revêt plusieurs formes
déroutes borgnes et coites des astres existants
sereins les egos s'égarent en noyades et normes
























jeudi 17 août 2017





les pierres du soleil auréolé d'Orient
jadis ramenèrent les éclipses égarées
les vestales aveugles de prières amarrées
transpercent les paupières d'un chant luxuriant

augures confus et dithyrambe païen
au berceau des symboles ont exposé les lieux
où le silence le seul signe des dieux
chante la bacchanale d'un corps mitoyen

ivre la valse étranglée des amants profanes
larmes et sueurs suspendus aux cils diaphanes
ils se sont retrouvés dans l'abandon des fauves

faisant fi des devins des auspices et du temps
leurs chevelures empêtrées dans le matin mauve
étendent encore l'éternité de l'instant



















mercredi 16 août 2017

haïcul






et son orgasme était
tellement puissant
qu'elle a saigné du nez



























mardi 15 août 2017

délire en décasyllabes


d'un coeur résineux les rythmes hérétiques
cadencent la marche d'un jour plus vieux
le tambour d'un requiem archaïque
la conduit aux inévitables aveux

nous avons enfoncé nos sexes dans
l'éternité noire d'une nuit douce
l'équation multicolore du vent
sur nos corps suant et mouillés de mousse

tous nos nus exténués de tendresse
les doloires enflammés de nos étreintes
brasiers infirmes de pures caresses
les promesses de nos nobles absinthes

fendre l'écorce d'un arbre serein
tout mon espoir adopté à tes vices
nos échecs et errances sans lent demain
l'épave de nos naufrages complices

des yeux inconnus assoient sur ma page
les églogues affamés des premiers jours
voir dans le prisme glorieux du langage
toutes les variables inouïes d'un détour

le jade joyaux sublime dès l'or
et ta perte en l'escalier aboli
nimbée d'étoiles la poussière dort
gracieuse nymphe des plaines accomplies

la torche funéraire d'une ombre fine
permets-moi de mourir un tant soit peu
tes égarements de panthère opaline
à l'orée éphémère de tes yeux























samedi 12 août 2017

immense




After long silence 

Speech after long silence ; it is right,
All other lovers being estranged or dead,
Unfriendly lamplight hid under its shade,
The curtains drawn upon unfriendly night,
That we descant and yet again descant
Upon the supreme theme of Art and Song :
Bodily decrepitude is wisdom ; young 
We loved each others and were ignorant.

                                                             - William Butler Yeats



















jeudi 10 août 2017

écrits épars, écris et pars


En faisant la file au Archambault, un présentoir avec le livre d'un jeune comptable dans le vent(!), un brin moralisateur : "En as-tu vraiment besoin?" Quel bizarre placement de produit. Dans ma main, les Poésies de Mallarmé, mets-en que j'en ai besoin!

O, reason not the need! Our basest beggars
Are in the poorest thing superfluous. 
Allow not nature more than nature needs, 
Man's life is cheap as beast's.
                                                               - King Lear, II, II

L'humain s'entoure de superflu, c'est ce qui le distingue de la bête.

*

La musique est une vibration du vide, de l'air déplacé, une force de l'invisible.

*

Au bar un jeune homme me fait signe : "Scuse, t'es-tu en train de lire Gaston Miron?" Je lui montre le bouquin : Glenn Gould piano solo, de Michel Schneider. "Mais ça peut se ressembler à quelque part, que je lui réponds, ce sont deux chercheurs d'Absolu."


*

défait des idées
je me soumets aux sens
ils forment des images

*

Joyce a commencé
son histoire du monde
en brouillons d'un baiser

*

quatre dimensions
le passé le présent
le futur et l'absence

*

"En poésie, chaque mot est une page." - Éric Bourbonnais

*

Une fille d'Edmonton avec un français cassé craquant. Une artiste qui fait des dessins abstraits tellement magnifiques qu'on pourrait s'y perdre ou s'y trouver, c'est selon. Sur son poignet un tatouage, que Walt aurait sûrement approuvé : We are infinite. J'en doute pas une seconde en ce qui la concerne.

*

"L'invention de Glenn Gould, ce qu'il me dit? Que l'art n'est qu'un souvenir que Dieu aurait laissé avant de s'en aller."  

                                        - Michel Schneider, Glenn Gould piano solo

*

Son départ un peu comme un écho qui dure... un peu comme une fugue continue...















mardi 8 août 2017



Une nuit fragmentée d'aciers bleus. D'errances en érosions, entre le frisson et la foudre, des peaux mortes vivent encore sous les ongles. Un peu de ciel pur caché dans ses yeux, là, juste en arrière d'où ça se trouble. Nous sommes les prémices d'un avenir encore incertain. Que des traces de pieds nus, des ornements dans le sable que la mer efface. Que des élans et des transports, les spasmes d'échos déchaînés d'un Éros hurlant dans les canons conjugués, dans un lit aux mille parfums nus, un pour chaque geste dans les entrelacs fulgurants des symbioses. Au plus profond de la solitude de l'encre, vouloir à même les ténèbres la beauté. 
















lundi 7 août 2017




Totalise, Walt, totalise...


The weakest and shallowest is deathless with me,
What I do and say the same waits for them,
Every thought that flounders in me the same flounders in
       them.

I know perfectly well my own egotism,
And know my omniverous words, and cannot say any less,
And would fetch you whoever you are flush with myself.


                                                                    - Walt Whitman












Les nuages comme des grosses faces rocheuses dénuées de mystère ce matin. L'aube est froide et légère. Exhalaisons et souffles se transforment en vapeur ; la respiration se condense en poussière de pluie. Très tranquille il est mon arbre ce matin, trop fatigué d'avoir dansé toute la journée hier. C'est qu'il a venté pour quasiment un an, dans ses feuilles et ses ramures, ça rugissait ferme et fort, ça a démasqué le fauve invisible maître en ses cimes. L'été s'achève, les nuits en témoignent. Ne regretterai de l'été que d'être resté sur une île trop grosse. Suis en manque d'océan ces temps-ci. Même si je me tape des marées et des vagues, leurs va-et-vient imprévisibles et capricieux, je reste en manque d'océan, de ce qui se cache sous le fil de l'eau. Chaos et inconnus encore et toujours. Quand ce que l'on sait ne suffit plus... 

Je devrais me remettre au travail, mais je procrastine. Je devrais arrêter de procrastiner... Oui c'est ça qui faut, c'est décidé! J'arrête de procrastiner et je commence ça... demain. 












samedi 5 août 2017

Francis, mon ami mon frère
mon âme-frère
hier on n'a pas changé le monde
on l'a fait
l'ivresse comme l'infini déployé
un tapis sur lequel coucher l'âme et le coeur
sur lequel étendre nos vies
on a fendu le marbre des doutes
je reste à cause de toi
une amitié de diamant
mille mercis, tu me comprends
(ses cheveux sur le
plancher de la chambre éteignent
la poussière, la cristallisent
ses cheveux comme un compliment fait au vent)
mille mercis, t'entends!?
on va l'faire notre road trip
aller au bout de nous-mêmes
aller au bout de la poésie
qui n'a pas à rougir de nous
la vie est d'hommage
j'brauille comme Ti-Jean à matin
d'être encore en vie
d'être encore vivant
grâce à toi










mercredi 2 août 2017

haïkus épars au parc


au Parc La Fontaine
des papillons virevoltent
comme flocons d'été
     _____

à même l'écorce
des amoureux inconnus
ont gravé leurs noms
     _____

tout le poivre blond
grisant de sa chevelure
étendu au sol
     _____

nous n'avons rien fait
sinon humer nos odeurs
de thé et de scotch
     _____

coquine coquine
je te boirais à la paille
si j'en avais une
     _____

il faut remplir l'encre
en explosion de trous blancs
l'espace et le temps
     _____

un bref abandon
dans le velours nocturne et
souple de nos corps
     _____

étreintes possibles
mes mains pleines de ta peau
laissent passer le temps

mardi 1 août 2017






Partout autour somnolent les ruines de demain. Le vent souffle sous les arches et dans les alcôves ; un parfum sauvage de pierres, des échos à prévoir. Sous la chaleur lourde, les corps exsudent de nouveaux désirs. Bruissements des baisers absents. La morsure d'un ciel ocre. Et tout s'arrête. Inerte. Faire confiance à l'entropie du silence...

























mercredi 26 juillet 2017

contrainte d'écriture : haïkus à l'Unique


suaves vertiges
ta voix d'ivresse éraillée
tes cheveux de cuivre
     _____

maîtresse toxique
tu es mon ange en exil
un spleen éclatant
     _____

voix de perles douces
mythologie à toi seule
me perdre en ton âme
     _____

orage de vivre
tu es la nouvelle muse
l'ombre lumineuse
     _____

tu es un pays
un poison béni des dieux
embrassant le sang
     _____

mon écorchée vive
your life is a work of art
transcendant le temps
     _____

sirène lascive
je maintiens mon aphorisme
la femme, c'est toi

lundi 24 juillet 2017

Mad as the mist and snow

Bolt and bar the shutter,
For the fouls wind blow :
Our minds are at their best this night,
And I seem to know
That everything outside us is 
Mad as the mist and snow.

Horace there by Homer stands,
Plato stands below,
And here is Tully's open page.
How many years ago
Were you and I unlettered lads
Mad as the mist and snow.

You ask what makes me sigh, old friend, 
What makes me shudder so?
I shudder and sigh to think
That even Cicero
And many-minded Homer were
Mad as the mist and snow.

- William Butler Yeats

vendredi 21 juillet 2017

exercice de style - monologue intérieur

Crissement du crayon sur le papier. Le bruit reste quand même occulté par le vrombissement de la clim - drone incessant fluctuant selon les inéquations liquides servant à la fabrication du froid artificiel. Caniculaire journée à l'ombre de laquelle lire représente la meilleure chose à faire. Ai dû fermer la portepatio quand même. Les bruits des rénos dans la ruelle, bancs de scie, morsure de la lame sur le bois qui gémit à répétition aliénante - le son comme origine de l'image - tous ces bruits perdus dans la succion de la porte fermée. En même temps repoussés les bruits des oisillons chantant depuis le tout début du jour, parades nuptiales d'écureuils en rut, caquetant étrangement comme mitraillette, langue claquée sur les dents, à la jonction des incisives et du palais, couraillant sur le toit de tôle, couacs piaillés. Ciel vent et nuages en conclave à se demander à quand le prochain orage. Mon arbre j'ai vraiment hâte de savoir c't'un quoi danse en silence. Rythme des branches, syncopée, pour qui s'y arrête et regarde : un peu de pur chaos. Vin rouge en milieu d'après-midi, entre quatre livres. Comme des piliers sur lesquels j'échafaude un semblant de pensée. Tu devrais lui écrire, qu'il me disait l'Autre l'autre jour. À quoi bon... essayer de comprendre ce qui ne se comprend pas. Retourne à l'Ulysses, miroir de tout plein de questions. Beaucoup de choses ont changé récemment, mais ceci ne changera pas. Livre de la parfaite déroute, des nécessaires détours ; titre opportun s'il en est un et qui précède pourtant cette ultime découverte. Ça aussi ça ne changera pas. L'on vit à une époque démythifiée, dénuée de légendes. Exacerbe l'anachronisme. Y retourner va de soi. Perfection is a mythical beast. Relent de veille. Dialogues plein de verve, parfois abscons, erreur d'interprétation. Pourtant c'était si vrai. Star'd eyes shinnin' upon a darksoul. A deepnight bluekiss, lipsealed, frôlements des doigts et des mains sans moiteur. Ai lu trop d'anglais, je pense en deux langues par les temps qui tantôt courent, tantôt marchent, tantôt restent. Poids du soleil sur la pensée. Me suis montré très vulnérable, témoignage d'une confiance regagnée, mais qui reste incompréhensible pour plusieurs parce que contradictoire. C'est paradoxal, mais pourtant tellement vrai. Il ne reste qu'une poignée d'humains à qui parler. Peu pas dépenser d'énergie pour les autres, ça va me draîner, m'épuiser. It's better to burn out than to fade away? Cette grosse semaine commencée en ayant vu la mort dans les yeux d'un chat noir va se terminer autrement. Quelque chose s'est éteint dans la pupille d'onyx vitreuse. Tristesse de la femme décennale à mes côtés. Étreinte échangée, larmes partagées. Un deuil supplantant l'autre. I have loved better than my soul for all my words, a dit Yeats. Elle restera à jamais et pour toujours un tiers de ma vie. Trop de morts cette semaine, y'a toujours trop de morts. Odeur de cendres froides, ghostnight talk, fearless'spy of one's loneliness... Amour désappris, la déconstruction est terminée. Dix mille mots abrutis englutinés dans les mêmes mille qui reviennent comme marées. Nous boirons ensemble toutes les absinthes. Regards plongés en soi, un métal inconnu raclant l'os, une vitalité implose en flocons de marbre, en rubans de papier carbonisés ; à prévoir : des bouillons assurés dans le tourbillon de vivre et la violence des vagues. 

mercredi 19 juillet 2017

crépuscule grissombre sur la ville
aucune orée d'arbres aux mille repos
aucun abri
qu'une jungle de buildings de béton
désuet de ciment de phares désertés
qui tracent des esquisses
en frontispice d'un ciel incertain
on auréole le lieu de reflets verts
pour lui donner davantage d'artifice

raz-de-marée d'humains indifférés foule
monstre où tous s'avalent avant la métamorphose
mais où ressortent parfois
des corps perlés de lumière bronze
mais ça reste un dithyrambe de décadence prude
les abandons ne sont pas complets
la transe n'est pas totale

plus tard dans les embruns troubles de la nuit
des brouillards d'ombres multicolores
suis entré pas confiant mais incandescent
dans l'antre hostile presque profane
fauve dans la faune
aucunement en manque de proie
parce que conquérant déjà
une blessure comme seul secret bien gardé
une plaie où puiser une volonté de faire
il ne faut pas chercher la faille dans l'armure
il faut trouver l'armure dans la faille

encore une fois tout brûle
mille mots et images distillés en point de fuite
ivresse fusant veines et vaisseaux
les vases débordent
le coeur peine à contenir tout ce qu'il y a de beau
ce mot de Nietzsche

"Non! là il nous est trop difficile de vivre : que pouvons-nous au fait d'être nés pour l'air pur, nous autres émules du rayon de lumière, qui aimerions de préférence chevaucher une parcelle d'éther, semblables à lui, mais en sens opposé, courant vers le soleil! Voilà qui est impossible: - faisons donc ce que nous pouvons : portons à la terre la lumière, soyons la "lumière de la terre"! C'est pour cela que nous sommes ailés, rapides et sévères, c'est à cause de cela que nous sommes virils, même terribles, semblables au feu. Que ceux-là nous craignent, qui ne savent se réchauffer ni s'éclairer auprès du feu que nous sommes!"

il faut désamorcer Prométhée
pourquoi voler aux dieux ce que nous avons déjà en nous?
il faut créer l'oeuvre par le désir même de l'oeuvre

finir la soirée à gueuler des haïkus
dans le confort de l'épuisement
toute gloire dépensée
en n'ayant comme auditoire que les oreilles de la nuit
dans l'ombre a brillé un peu de poésie

je n'ai partagé mon secret qu'au jour naissant
dans tes horizons souviens-toi de toutes mes passions

mardi 11 juillet 2017

courant d'inconscience

littéralement, les trois premières phrases de The Subterraneans s'échelonnant sur trop de lignes ont implosé explosé les trois à la fois dans une entreprise de déponctuation massive, y'a fallu les relire deux trois sinon quatre fois, tout alambiquées qu'elles sont ces phrases, prédelyrium très manse, comme un prélude jazz magistralement improvisé - souffle blowé, rythme marqué, un "it" haletant et réussi - cadence prosodique de l'encre liquoreuse, inspiration délétère des phylactères enfumés : [the subterraneans] are hip without being slick, they're are intelligent without being corny, they are intellectuel as hell and know all about Pound (again!?) without being pretentious or talking too much about it, they were very quiet, they are very Christlike ; plus ou moins ému par le dernier trait, mais les cibles sont différentes pour chacun et l'important c'est que les aigus du cuivre caressent les hanches de nos présents; solfège défait assujetti aux intuitions plus primaires, urgence impossible du tout-dire - l'homme fit le feu bien avant le miroir et il s'y vit quand même, beaucoup plus sûr, beaucoup plus pur - l'encre coule par-dessus les ombres, l'éclair obscure ce qui reste de nous, on s'étiole on s'égraine comme chapelet d'apocalypses superflues, cette prose comme cire solidifiée trop vieille où l'on a oublié de graver nos souples portraits à fins traits d'acier incandescent - cette esthétique du labyrinthe a de quoi dérouter, tous ces débordements ne sont qu'hommages collatéraux, chants des sirènes qui épilent l'écorce de nos tympans, de nos troncs, de nos mâts et nos phares, cherche et aimer tous les mollusques au sang noir, n'être que corail insatiable, plein banc de grand vent, tout blanc et maculé d'émail - ça fera juste un petit contraste avec la ténèbre autour -, tes marées me manquent chère lune diaphane, tout petit désastre irisé de diamant; va, retourne lire ton préféré prophète du banal proféré, cette phrase n'a aucun sens, comme le monde d'ailleurs, auréolé de magie négligeable, un sort désuet est jeté, alea jacta est estie, encore et encore

jeudi 6 juillet 2017

Bourbon
tout ce qu'on a dit hier était du feu
we were Dharma bums, enlighted    
tout enlumièrés
"toi te dépasser, c'est n'être que litotes et euphémismes"
dans les entrelacs des alcools sans fin
on n'a pas vidé des bouteilles
on s'est remplis de flammes

Ma voix, mourant dans l'écho des paroles qu'elle a prononcées, meurt comme rendue de sagesse la voix de l'Éternel appelant Abraham à travers les collines qui la répercutent. Elle se tient adossée aux coussins contre le mur : profilée comme une odalisque dans la ténèbre luxurieuse. Ses yeux ont bu mes pensées : et dans l'obscur de son humide chaude consentante accueillante féminité mon âme, elle-même se dissolvant, a fait jaillir, a répandu et déversé une liquide et profuse semence... Maintenant la prenne qui voudra!...

estie de Giacomo Joyce narré
fulgurance du roman-poème
amour furieux parce qu'interdit
qui n'aura jamais lieu
et qui pour cette raison
demeure immortel

...les longs cils battent, se redressent : une brûlante piqûre d'aiguille darde et tremble dans le velours de l'iris. 

Doyeq en la demeure
drônes et glitchs nocturnes
astrélectroniques d'une nouvelle architecture
I would like to introduce to you
Miss Mary-Jane Bowmore
haleine de phosphorescente fumée
une robe de cendres d'or
fine comme toile d'araignée

une lune aux trois quarts aura suffi
à nous réinventer
même si on croit pas ben ben en Dieu
we were really Dharma bums, enlighted

tout enlumièrés

dimanche 2 juillet 2017

une heure d'haïkus


trop de fulgurances
dernièrement, il me faut
entendre un peu d'eau
     _____

un jour de grands vents
la douceur de Sôseki
un silence d'or
     _____

Je l'ai enterré
Là où le vent de l'automne
Ne l'atteindra plus.
     _____

les heures sont lentes
des nuages pommelés
la montagne dort
     _____

des images frêles
nimbées de lumière grise
divaguent et s'apaisent
     _____

à mes tempes tièdes
l'horloge étire son charme
et je m'oublie, calme
     _____

prête l'oreille à
la conscience du passé
avant qu'elle se taise
     _____

je garde en mémoire
sa superbe mystique et
sa totalité
     _____

dans le coeur de chacun
une infinité de choses
cherchant à vivre
     _____

Ti-Jean, c'est pas tant
le haïku qui est sacré
mais bien le moment

vendredi 30 juin 2017

Pub crawl commencé en Escalier. Ça gronde d'instruments, le plug and play est désaccordé et tant de clients rentrent. Un bus de touristes on dirait. Différentes langues se superposent en-dessous des cordes des guitare, basse et violons qui jouent pèle-mêlés. Cacophonie inoffensive. On veut une autre vibe, une autre ambiance ondée. En Cheval blanc ça se terminera non sans une parenthèse où commença réellement cette soirée. On est gris, état parfait de l'ivresse où toutes les particules dans l'air semblent définies, perceptibles et palpables. On philosophe, on poétise, convaincus que nous sommes les seuls à le faire dans ce pub où la vitaliénante s'arrête pour permettre à tous de vivre vraiment pour un instant déserté des maux. Octobre en juin dehors, un été irlandais écossais anglais peu importe, tout sauf montréalais c'est. Esthétique nordique ; un temps fait pour nous. "Y'annonce de la pluie pour les deux prochains jours." Parfait, ça fera plus de temps pour lire. - Amenez l'orage! Nous nous sommes unis dans des souvenirs à naître. Défaits puis refaits, reflets rouges comme coeurs battants. - Les doigts se font fourmis travaillantes sur le minuscule écran où l'on écrit ce que l'on ne doit pas oublier. Dehors, la nuit est bien tombée, tout ennoirée de pluie. Bitume immaculé. Ce mot de Joyce : Ce que nous sommes? Un peu de pluie. Bam! That's it! Quelle hénaurme vérité! Une fille au bar, souverainement seule, elle est en plein contrôle. Elle ressemble à une tragédienne emo. Elle défait le noeud de ses cheveux avec une nonchalance innée, un geste fait mille fois mais qui n'a rien perdu de sa poésie. Elle a une beauté mythologique, un autre siècle qui passe, un millénaire. J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. Barnack Baudelaire que t'es grand! Tous ses gestes semblent parfaitement calculés et imposent la contemplation. Pas hypers mais ultrasensibles on est. Elle aura été seule même pas un quart d'heure, un téméraire aura eu l'audace de l'aborder, peut-être finiront-ils en chambre rouge eux aussi où elle assoira son parfum de pourpre sombre sur lui. Baisers lovés dans la profondeur inouïe de l'intimité. Mais pour nous ça se terminera bien enbièré en parc La Fontaine débordé de nuit. Aucun vent, personne sinon nous en ce lieu pourtant de jour si occupé. Je ferme les yeux pour voir et j'entends toujours son corps porté par le silence. C'était organique. Mais nos infinis personnels nous séparent désormais. Ensuite, la poésie devient plus paillarde. On multiplie traits, flèches et aphorismes. Il me reste seulement six semaines de vacances. On rit à s'en faire mal aux cuisses de taper dessus. Moment extra-ordinaire. La banalité du quotidien n'existe plus pour qui s'épiphanise un tant soit peu. La réelle liberté sera toujours dans l'inconnu. On a décidé de faire de nos vies des quêtes d'absolu parce que le langage des dieux est à notre portée.

mercredi 28 juin 2017

Faudrait écrire au passé décomposé. Autre nuit échappée dans l'aube. N'ai pas rêvé parce que n'atteins plus le sommeil paradoxal. L'oeil du dormeur se dilate prêt à entendre les secrets du jour - il n'y a rien que l'on aime autant partager que des secrets, pourquoi? À méditer - Verdorure de mon arbre dehors, me salue à grands mouvements de ramures. J'essaie d'entendre l'écho de qui n'en fait pas. Ce sentiment d'être rendu au-delà des exigences de la solitude, lumière criarde des feuilles nervurées, presque diaphane c'est. Sur mon séant je regarde mais ne vois rien. Shut your eyes and see disait le Haut-Tonnant. Des phosphènes naissent dans le ventre des paupières, rien de plus. Trop d'encre dans les circonvolutions, toute l'énergie concentrée dans les yeux, ai trop lu récemment. Si tu relis pour le plaisir une brique de onze cents pages, y'a pas de doute, t'es vraiment en vacances, m'a dit ma soeur. En est-ce vraiment si l'on ne s'arrête jamais? Reprends la grosse brique verte, véelbé en est à pelleter le Wake de l'Ébranleur de la Terre. Tellement truculent c'est, et puissant jusqu'à l'impossible. Déferlement spiraloïde de lettres, à jouer dans les entrailles du langage, un grand déluge totalisant de mots, et cette phrase énigmatique qui reste incrustée et qui bat dans le coeur étourdi, faudrait la mettre en exergue de l'être : Là où j'existe, c'est dans l'omnirêve de toute chose.

mardi 27 juin 2017


I hope
           you sleeping well
listening to Sufjan Stevens
again
           and again
                             an' again
                                                n'again ...

mercredi 21 juin 2017

Les muses parties, suis en manque de mythologie. Parties jouer sur les supercordres des grandes orgues d'autres cosmogonies. Ainsi désertés, le temps, l'espace, les lieux, les images et les objets perdent de leur superbe et le banal refait surface. Trouver l'épique dans le banal, odyssée joycienne vampirisante. Les mots retrouvent leur état premier, ils ne sont que d'abolis bibelots d'inanité sonore comme dirait Bienarmé. Ils perdent en signifiance même s'ils sont totalement libres. Ou peut-être que chacun d'eux devient point de fuite, une succession de centres de toiles de tout acabit, chaque mot comme coeur de labyrinthe où il faut terrasser le minotaure en soi. (Nuages compacts aube diaphane et ajourée où ses cheveux font entrelacs inouïs jusqu'à ce que l'orage rougisse jaloux) Mais se peut que je délyre. Des milliers d'images suspendues au-dessus des têtes et des mots parmi celles des autres formant des constellations désaccordées. Aucune superbasse ne vibre sinon l'adéquation du coeur et du cerveau. Superbasse si perdue en-deça du son strident du quotidien qu'il faut l'oreille de l'autre couchée sur ma poitrine pour l'entendre, pour en percevoir le pouls, pour pouvoir le faire vivre et lui donner un sens. Sans cela impalpable c'est et se répercute dans aucun mot... ai passé toute la journée tout entière à lyre et à écrire, à tisonner le feu de l'en-soi, à dompter les volcans sauvages. Les particules de l'atmosphère décrépusculée deviennent invisibles, des poussières décolorées. (Condensations de flammes absolues je cherche ça me prend il me faut de nouveaux sourires comme autant de révélations pour apaiser un peu l'énergie de l'homme libre) Ce n'est pas facile d'écrire sur rien. Page blanche océane, dessins des sillons aqueux sur l'écume miroir où se reflète un soleil sans fin. Les vagues retombent et s'évanouissent. Coma sonore d'attentes ajournées. La forme du langage des muses muettes. Frêles tremblements des lèvres bleues épanchant le silence souple. Entends-je une parole, un mot, une brève syllabe? Fluet spasme, oméga murmuré entre ténèbres et lumière. Torsade des doigts dans sa chevelure mordorée. Se resserre puis se défait le noeud qui nous unit. Regards plongés dans l'acier du temps. Oui qu'elle me dit. À répétition dans des accords couplés. Ce oui n'est rien d'autre que l'ultime titre du mythe imaginé.

vendredi 16 juin 2017

fragments

Entre ce présent qui avale l'avenir et celui emporté par le passé. La lumière du soleil se déploie sur les pages du livre en un éclat violent. Les lettres prennent un sens nouveau et forment des alliages inconnus. En arrière sur le fond de la page se dessinent pensées, images et souvenirs qui viennent distraire la lecture. S'inventent alors des poèmes éphémères qui naissent et meurent comme se tournent les pages. Leur vie est brève, gratuite et libre. Devrais prendre le temps de retranscrire l'inconnu au connu, faut pas se fier à la mémoire, mais n'en fais rien, soumis à leur révélation aléatoire. Chapelet d'épiphanies égrainées mentalement jusqu'à leur disparition, elles tombent dans l'eau sale et opaque de l'oubli. Mais elles reviendront de toute façon, portant différents masques et arborant nouvelles couleurs, mais toujours surchargées des mêmes émotions, comme des succédanés sublimés de puissants désirs. 

***

"Le retour, en grec, se dit nostos. Algos signifie souffrance. La nostalgie est donc la souffrance causée par le désir inassouvi de retourner. Pour cette notion fondamentale, la majorité des Européens peuvent utiliser un mot d'origine grecque (nostalgie, nostalgia) puis d'autres mots dans la langue nationale : añoranza, disent les Espagnols : saudade, disent les Portugais. Dans chaque langue, ces mots possèdent une nuance sémantique différente. Souvent, ils signifient seulement la tristesse causée par l'impossibilité du retour au pays. Mal du pays. Mal du chez-soi. [...] Les Tchèques, à côté du mot nostalgie pris du grec, ont pour cette notion leur propre substantif, stesk, et leur propre verbe ; la phrase d'amour tchèque la plus émouvante : stýská se mi po tobě : j'ai la nostalgie de toi ; je ne peux supporter la douleur de ton absence. En espagnol, añorar (avoir de la nostalgie) qui vient du catalan enyorar, dérivé, lui, du mot latin ignorare (ignorer). Sous cet éclairage étymologique, la nostalgie apparaît comme la souffrance de l'ignorance. Tu es loin, et je ne sais pas ce que tu deviens. Mon pays est loin, et je ne sais pas ce qui s'y passe. [...] C'est à l'aube de l'antique culture grecque qu'est née L'Odyssée, l'épopée fondatrice de la nostalgie. Soulignons-le : Ulysse, le plus grand aventurier de tous les temps, est aussi le plus grand nostalgique. [...] Pourtant, entre la dolce vita à l'étranger et le retour risqué à la maison, il choisit le retour. À l'exploration passionnée de l'inconnu (l'aventure), il préféra l'apothéose du connu (le retour). À l'infini (car l'aventure ne prétend jamais finir), il préféra la fin (car le retour est la réconciliation avec la finitude de la vie)."

-  Milan Kundera, dans l'énooorme L'ignorance

***

une aube orageuse
odeur de pluie et de terre
retour impossible
     _____

belle écarlate
écartelée à jamais
la pierre s'est fendue
     _____

un matin d'été
la nuit a tissé le vent
seuls les arbres dansent
     _____

sur l'écorce humide
un parchemin délavé
stries aléatoires
     _____

on boirait le jour
liberté mélancolique
jusqu'à la noyade

***

Chris, un ex-taulard d'origine québécoise qui a grandi dans les pires ghettos de Miami, m'interpelle par hasard pour avoir un peu d'argent. Une phrase glanée dans son très long soliloque : 

"... pis là man you know he fucking cut the throat of the guy next to me and I was scared like shit like am I the next one so fait que là j'me tasse dans un coin d'la douche la tête baissée les deux mains su' mon dick pass'qu'j'ai peur qu'y me l'coupe ou qu'y me rape j'avais du blood partout su'moé pis les blacks y sont partis comme si de rien n'était le latinos 'tait couché à terre la gorge tranchée pis y'avait du blood partout autour ch'tais tuseul ch'savais pas si y fallait que j'aille voir les screws fait que I shut my mouth and got the fuck outta there man en rentrant dans mon cell j'ai essayé de dormir to forget all that shit you know mais ch'tais pas capab' I mean blood fucking everywhere ch'tais sûr j'en vais encore su'moé so I tried to sleep man et les nightmares ont commencé c'est là que les nightmares ont commencé the fucking nightmares que j'ai faites ça faisait même pas un mois que ch'tais là pis j'en avais pour huit ans man this fucking prison drove me insane pis là j'essaie d'm'en sortir you know ch'cherche quequ'un pour raconter mon histoire des histoires comme ça j'en ai tellement pis it has to got out you know tout le monde me dit d'écrire un livre mais je sais pas écrire you know man j'sais juste raconter y'a personne qui veut m'aider icitte toé t'es écrivain tu peux m'aider right man on va faire ça 50/50 man ça va se vendre c'est sûr we could make tons a cash man the people they have to know what's happening fait que tu veux-tu la raconter mon histoire?"

Bouleversé par son récit mais en même temps effrayé par ce personnage transpirant une violence folle, j'ai rien répondu. Lui ai donné un peu de cash pour qu'il puisse manger à sa faim. Il m'a serré la main et m'a remercié. En retournant chez moi, je réfléchissais sans cesse, tentant de me justifier de n'avoir pu l'aider. Je n'ai retenu que cette pensée : "I'm so sorry dude, j'peux pas écrire ton histoire, j'suis pas capable d'écrire ça des histoires, j'(essaie d')en oublie(r) ; j'écris pas ça des livres, j'écris de la poésie."

mardi 13 juin 2017

heure bleue en parc La Fontaine
échangerais mon cerveau avec n'importe qui
cinq minutes juste pour voir
à part peut-être avec la fille là-bas
qui fait les mêmes trois accords sur sa guitare
la do sol depuis dix minutes
quand la répétition est aliénante
c'est peut-être une lésée du préfrontal
un couple à côté
cinq minutes seulement
juste pour comparer le poids de leur amour
juste pour voir ce que le monde voit

Where is my mind des Pixies joue su' repeat
(l'autocorrecteur me propose "quête" au lieu de "where"
ça fait quasiment du sens)
ma tête est partout
couchée sur l'herbe fraîche
perdue dans le ciel en face
noyée dans l'étang en bas
le présent en train de m'envoyer sa flèche direct dans l'oeil
le temps verse son enfance sur l'espace

l'eau bouge toujours en peu
et permet de faire le plein de calme
avant le concert des cordes dissonantes
avant distorsion mur de son et orage électrique des guitares
crinquées à fond
à prévoir sans faute plus tard au show des Dales

arrivé dans le ventre-ville
du monde à plus finir d'exister
grouille tout autour
weekend de F1 oblige
des guedailles asiatiques en face de moi
sont venues poser
et exposer leur silicone vulgaire
les silhouettes se fanent en des amas de vers

serai seul en foule pendant un bon moment
m'enivrant de fougue et de foudre illusoire
jusqu'à une apparition improbable
ce qu'on appelle un heureux hasard
elle ne m'a pas vu la voir
sa robe est passée auréolée
d'une couronne dans son sillage
cheveux d'ébène dans la découpe de la nuit
de jais brillant des yeux chantent l'encre du soir
charme d'un sourire de feu félin de bronze
aux déhanchements méthodiques
comme un pont entre deux mondes
une conjonction de beauté pure
Where is my mind? je sais pu
elle a oublié son visage dans ma tête