samedi 31 décembre 2016

        j'attends
        sans honte
               mais dans la crainte
   dans le silence des météores
         la prochaine fièvre à venir
   sans savoir
              si elle sera
                       enivrante  
              ou            terrassante

lundi 26 décembre 2016

euh wow...


"Son parfum m'enveloppait, nuée d'anges capiteux qui dégommaient molécule par molécule les émanations soufrées de mes diables grimaçants."
Stéphane Larue, Le Plongeur

samedi 24 décembre 2016

Y'a tellement eu de poésie dans les dernières soixante-douze heures pis je parle pas de Noël pantoute que j'suis incapable de tout structurer comme du monde pas d'ponctuation pour ce texte comme une longue partition inaudible et chaotique bruit et fureur toujours et encore parce qu'on peut pas tuer les créatures qui grondent sous la peau je laisse les pauses les arrêts les temps morts à ceux qui prendront le temps de s'arrêter ce qui ne peut être mon cas parce que le creuset du souvenir a fissuré éclaté explosé en mille morceaux de peau corps frissonnant dans les nuits bleues qui n'appartiennent qu'à nous en mille fragments et notes de la plus belle voix du monde my fate cries out and make each petty artery in this body as hardy as Nemean lion's nerve Hamlet câlisse j'aimerais tellement ça des fois que t'aies pas tout le temps réponse à tout estie écrire décrire étudier disserter la marche du train ininterrompable écrire marcher sur le fil d'une lame impitoyable qui pourrait me trancher pieds jambes tronc et tête en attendant j'écartèle les fils emmêlés de mon coeur et de mon cerveau crâne globe détraqué le destin peut cogner à la porte Symphonie no.5 de Beethov comme il peut se matérialiser dans la sonnerie d'un téléphone que je pensais impossible fulgurante impulsion imbibée de la rosée du passé pas si loin quand même fulgurante impulsion que je dois à mon ami mon frère fulgurante impulsion dans le silence total et complet de mon ivresse et au hasard d'un troisième de couverture d'un vieux livre dont je n'ai jamais pu me départir prendre un risque Un coup de dés jamais n'abolira le hasard comme disait Trèsbienarmé la fontaine d'encre semble sur le point de déborder peut-être entachera-t-elle à jamais la déferlante de mots tanguant entre la chorégraphie de la neige et les entrailles d'un abîme séduisant je suis sur l'enclume et attend la sentence du marteau sans maître frissons corps tétanisé mon dos me lance pris du nerf d'avoir marché hier vingt mille pas légers sur la terre dans les artères de Montréal à l'ombre des buildings et du Mont-Royal jour d'hiver sans vent à tonitruer le débit démentiel du Québec Redneck Bluegrass Project mon sang de bleuet en ébullition ne pas anesthésier la douleur vive du corps qui veut trop vivre art de la fugue impossible titan baroque la folle allure estie oeil humide quémandant la protection de la paupière une barrière de cils dressés desquels s'écoule lentement le sel de l'âme se défoncer le crâne à coup de Kerouac et de Whitman I contain multitudes tabarnac les mains tremblent en tournant les pages mentales la pensée entièrement tournée vers la matérialisation de ce qui ne fût qu'un songe d'une nuit d'été revécue mille fois dans mes détours et mes déroutes et la confusion du rêve ma tête décapitée trône sur la lance de mes obsessions au vu et au su de tous ceux dont je sens l'absence mais le regard scrutateur un jour je terrasserai la honte pour renaître une envie irrépressible de lire The Dead du maître une des plus extraordinaires fins de l'histoire de la vie le trouble revient ma tête va exploser trop d'images incongrues de mots insensés tertres déferlant de peur sourde harasser la nuit qu'on m'arrache les ongles suite au démembrement de l'écorché cataplexie ankylosée brume et frémissement du stupre possible incandescence des failles où partout elle se révèle dans son mystère canonique catharsis spectrale aura et halo des parfums défaits que je reconstruis dans les bribes narcotiques des blues de Ti-Jean j'irai au Mexique avec tes poèmes Ti-Jean pour sentir ta folie tes excès et ta liberté me gravir m'envahir la colonne vertèbre par vertèbre poème par poème tantôt dans la ténèbre délétère tantôt dans la brûlure d'un ciel infini toujours s'enivrer avec éthique et volonté je cueille les absinthes du soir et bois la fée verte de ses yeux dénués d'éclipses The Castle was a Dream Now learn that the water is a dream For when the Tide of Disaster Rises water will disintegrate And all will be left Is the Successful Savior Abiding Everywhere in Beginningless Ecstatic Nobody Ti-Jean du câlisse aux mille têtes chercheuses tes beats me rentrent dedans et tapent et vivent fort dans ma pauvre poitrine amaigrie spiritualité décalée que je n'ai pas j'ai choisi malgré moi le verbe apostat des fois je me dis que ça serait tellement plus simple de croire en dieu pas de majuscule désolé mais non rienàfaire dionysos peut-être à bien y penser pourrait me servir d'auguste patron le dyonisiaque nietzschéen me définit assez bien finalement dissolution du soi dans le Tout et la Nature fougue erratique insaisissable et sensuelle je suis une pierre brûlante relents des vapeurs du bronze et du feu qui tapissent mes sens uisge beatha inestimable limon fleuve marée fauve d'une orfèvrerie nouvelle nous ne souffrirons pas de rupture de la fébrilité de l'intensité de l'émotion à l'état pur c'est pas de la colère câlisse c'est de l'énergie et j'en ai plein troplein mon être ahuri ce n'est pas un spasme ni une tempête c'est une avalanche interminable dans laquelle je n'entends que l'écho de sa voix impossible qui court dans l'errance et l'aléa superbe mot de mon globe détraqué et pourtant au bout de mon souffle qu'est-ce tout cela sinon a quintessence of dust?

dimanche 18 décembre 2016

Le temps, encore lui.

Dimanche soir, un peu avant la tombée de la nuit, je suis sorti dehors par -12 degrés avant que le froid polaire de la nuit ne s'installe. J'ai descendu Fullum du nord au sud, en ligne droite, avant de bifurquer direction ouest vers le parc Lafontaine pour me laisser aller aux aléas des dédales du soir. Pendant ma marche, je suis passé près de trois patinoires en manque de froid qui n'attendent qu'à servir de glace aux nobles confrontations qui n'existent que dans le temps qu'on leur consacre. J'écoutais C'est fou, troisième émission sur le thème du temps. Ça leur aura pris tout ce temps pour enfin parler de l'ultime Oeuvre sur le sujet : À la recherche du temps perdu. Pendant un court instant, en guise d'ouverture, ils ont souligné l'importance de l'épisode de la madeleine. Un cliché s'il en est un, mais qui au moins leur a permis de s'attarder un temps soit peu sur ce miracle littéraire. Cette madeleine certes importante, mais qui ne serait quand même rien sans le pavé mal équarri non loin des clochers de Martinville où la vocation de Marcel s'est révélée, où il a su cristalliser la matière du temps à l'état pur pour en faire le sens de sa vie. La voix grave et lente de Serge Bouchard faisait le contrepoint de ma marche rapide, je respirais à pleins poumons un air que je connaissais à peine ; Montréal vide dans le froid de décembre, un dimanche soir de surcroit, m'a permis de jeter un nouvel oeil sur le lieu que j'habite désormais, un quartier où il fait bon marcher lorsque les rues sont vides de gens, où il n'y a que la lumière des lampadaires pour surveiller ma cadence et que le bruit de mes pas sur la chaussée gelée pour fournir de l'écho à l'espace. Un croissant de lune discrète dans la soirée frisquette m'illumine de son sourire timide mais imperturbable. Cela changera demain, comme nous le ferons tous d'ailleurs. Ce soir j'ai pris le temps de prendre une marche, j'ai oublié cinquante soucis, et je m'en suis créé d'autres ; troc de tracas, je ne perds rien au change. Ce soir j'ai pris le temps de prendre une marche, j'ai tracé un trajet qui m'est propre et qui m'appartient ; j'ai bouclé une autre boucle en défaisant un des nombreux noeuds qui me traversent. En rentrant chez moi, pour me réchauffer, j'ai pris un petit dram, un tout petit wee dram de Laphroaig 18 ans, un whisky fait avec une tourbe millénaire et un feu immémorial, un whisky fait par une poignée d'hommes du nord comme moi, un whisky fait avant le faux bug de l'an 2000, avant le 11 septembre, avant notre ère débile, avant le posthumanisme et la postvérité, avant la naissance de la majorité de mes étudiants, avant que je déménage cinq fois en onze ans, avant que ma vie ne parte en déroute dans les deux derniers mois pour maintenant se replacer - si maintenant existe vraiment -, avant que je devienne qui je suis ; cette impression de me nourrir du temps alors que j'avale son feu, son métal brûlant, de pouvoir créer avec ce que je détruis, avec ce qui disparait et cesse d'exister. 

jeudi 15 décembre 2016

Sousveillance

Traditionnel post de fin de session. Huit heures de surveillance obligent. Mon local n'a pas de fenêtres, mais sur le beige des murs repose une multitude de cadres, de découpures de journaux jaunies vieillies et des photos d'enfants du tiers-monde. Quelle expression détestable que celle de tiers-monde quand même... Un local prévu pour les sciences humaines c'est sûr. Quatre gros encadrés sur le mur nord : Sociologie allemande, Sociologie française, Sociologie québécoise, Sociologie américaine. Visiblement, ma sociologie est loin, car à part Marx, Durkheim, Bourdieu et Dumont, je n'en connait aucun autre. C'est Marx qui trône au-dessous de tous autres, avec les airs d'un Walt Whitman fâché. Il ne m'a jamais vraiment intéressé, faut que je le reconnaisse.

Juste à côté, une carte du monde où c'est inscrit "Les trous noirs du web", une publicité de Reporters sans frontières. Arabie Saoudite, Biélorussie, Birmanie, Chine, Corée du Nord, Cuba, Iran, Libye, Maldives, Népal, Ouzbékistan, Syrie, Tunisie, Turkménistan et Viêt Nam. Tous des pays où les choses vont trrrrrrrès bien dans le monde. À l'exception de la Biélorussie, tous ces pays sont situés dans la même "ceinture orientale". Je pense à Alep, à ceux qui ne font rien et qui pourraient faire quelque chose. Ma bouche devient soudainement très pâteuse, un puissant arrière-goût de malaise s'installe dans mon palais et sur ma langue, et les mots horreur et génocide meurent dans le fond de la gorge parce que malgré leur violence, ils ne rendent pas compte du réel. But to flee in words, words, words...

Sur le mur est, différentes unes de journaux jaunies et plastifiées d'une vingtaine de pays que personne ici n'a jamais lues et sur le mur sud de la classe, quinze petits portraits d'enfants d'Asie et d'Amérique du Sud. Ils jouent, ils ont l'air heureux, malgré la misère et la pauvreté. Je me demande bien pourquoi certaines personnes ont décidé de mettre de tels portraits dans une salle de classe, - comme si les étudiants prenaient le temps de les regarder : cellulaire : 1 - Ti-zenfants : 0 - une volonté "d'habiller" les murs? Il y a quelque chose de tragique dans la phrase "suspendre un portrait", mais c'est quand même moins pire que "prendre un égoportrait"... La journée sera longue.

***

six semaines
de montagnes russes 
épileptiques
l'écume monte 
à la bouche 
du temps

ou c'est juste 
la mousse 
de ma bière flat
qui reste 
pognée 
dans ma barbe
et se mêle 
à mes larmes

***

J'ai terminé mes cours cette semaine. Quinze semaines passées avec eux. Je les ai vus changer sous mes yeux. Y'a pas à dire, ça torche en crisse Hamlet. J'ai eu plus de poignées de main que je l'espérais, en plus d'un lapsus de course fait par une étudiante qui m'a dit que j'étais "son-mec-euh-son-prof-préféré". Et elle de sortir de la classe d'un pas allègre et léger, comme si de rien n'était. J'imagine facilement l'odeur safranée du désert de sa peau. Avant de m'endormir hier, j'ai cherché dans mes draps que je ne lave plus ton odeur évanouie, mais je n'ai trouvé que celle de mes sueurs froides et de mes frissons. Errances dans les golfes dolents de courbes qui se sont dérobées, que je ne connaitrai plus. Back to Kerouac. C'est officiel, je ne surveille pas aujourd'hui, je sousveille. Je suis d'une inefficacité exemplaire. Kerouac et Shakespeare, voilà métaux bien plus attirants. Je continue d'arpenter les dédales étranges des délires des Blues de Ti-Jean ; à travers les nombreuses incompréhensions non-dénuées de beauté et poésie, sa prose transpire une liberté pure, une fureur de vivre peu commune même si elle est sublimée en une déroutante autodestruction. Dépasser les limites, est-ce là qu'on vit le plus? Vu mon état, Kerouac est un dangereux poète pour moi présentement. Et c'est pour cette raison qu'il est terriblement fascinant.

***

jeudi soir dernier
je devais écrire 
après notre rencontre
à l'Escalier - murs
de vieilles bibles 
médiévales allemandes -
mais j'ai perdu 
mes poèmes
dans la tempête

- quel est la différence
entre la douleur 
et la souffrance? -
l'encre ne suffit pas 
à éteindre
le volcan qui implose
le soufre et la cendre
que je respire
il me faut des eaux-de-vie
plus intenses

je fossoie
ma tombe morale
dans l'excès de 
transports éthyliques

***

First witch : All hail, Macbeth!! Hail to thee, Thane of Glamis!
Second witch : All hail, Macbeth! Hail to thee, Thane of Cawdor!
Third witch : All hail, Macbeth that shalt be king hereafter!

C'est une malédiction cette pièce! Pleine de vérités révélées dans la puissance des ténèbres. Le bruit et la fureur résonnent dans chaque scène. Les ombres séduisantes de nos ambitions nous trompent et l'on se perd dans le chaos labyrinthique de notre cerveau. O, full of scorpions is my mind, dear wife!

Present fears 
Are less than horrible imaginings. 
My thoughts, whose murder yet is but fantastical,
Shake so my single state of man that function
Is smother'ed in surmise, and nothing is
But what is not.

Seul est ce qui n'est pas. Songes et désirs terribles d'un homme à qui l'on promet gloire et pouvoir, que ne ferait-il pas pour l'atteindre quand en plus le charme et le chantage du succube aimé opèrent sur son orgueil les plus viles mélodies? Art thou afeard / To be the same in thine own act, and valour, / As thou art in desire? Ça doit faire 20 fois que je lis cette pièce et elle me hante quand même à chaque fois. Quoi de mieux pour habiller les murs beiges de ma classe sans fenêtres que la superbe sinistre d'une passion meurtrière à l'état pur?

***

j'aimerais voir 
tomber sur le jour
sur le soir et ton corps
un voile de soie
diaphane

les mains en manque 
d'épiderme dans
l'absence de ta chair
ne frôleraient 
que la douceur
du tissu sur 
ton être évadé

le souvenir restera
mais s'étiolera
et fera du futur
un nouveau présent
où je continuerai
d'être qui je suis

mardi 6 décembre 2016

Une autre nuit de sommeil infirme, de rêves amputés. Dans l'insomnie, un souvenir d'il y a quelques jours à peine me revient, mais ce souvenir est tel que j'ai l'impression qu'une année complète vient de passer. De la lenteur du temps qui passe dans la solitude. (L'autre soir, la chaussée mouillée augmentait les bruits de pas de la foule dans ses reflets de lumière foncée, cette atmosphère me rappelait systématiquement Eyes wide shut de Stanley Kubrick, toutes ces scènes où Tom Cruise déambule dans un New York glauque à la recherche de fantasmes qu'il croit avoir mais non. Révéler à chaque pas un peu plus d'inconnu. L'insatisfaction du désir à portée de main crée le désordre, l'amertume, la frustration. Habituel mardi trop long, j'ai eu très hâte, pour une première fois, de rentrer chez moi. La déprime postbrosse passée, il faut rapprivoiser la solitude. Mais le dialogue est incomplet, il manque une partie.) Comme d'habitude, trop d'idées me courent dans la tête, incapacité d'en faire le ménage. Échos de mes pensées qui me répondent. Obsessions et ouroboros des songes s'autodévorant en même temps qu'un appétit anémique où le corps s'autodigère. Le matin, alité, les tempes bouillantes, je peine à me lever. Réveillé, je le suis depuis trop longtemps déjà. Illusion du sommeil bercé par la musique qui joue sans cesse. Rapprivoiser la solitude. Me rappelle à quel point je suis un consommateur d'art. Si je namedroppais tout ce que j'ai regardé, lu et écouté, mon post ferait le double de tout ce que j'ai écris depuis des mois. Recul de 12 ans en arrière lorsque, dans mon Saguenay natal quand je travaillais au Archambault, je clenchais tout ce qui se faisait de nouveau. Je suis de retour en mode tête chercheuse. Lentement mon insatiable curiosité fait peau neuve. En me dirigeant vers le travail, c'est le parc Angrignon qui fait ma journée. Il a neigé toute la nuit. Torpeur des tertres endormis sous le tapis de neige. Les eaux grises de l'étang insufflent toute leur mélancolie à la scène. Florilège éphémère. Les flocons tombent dans l'indifférence et n'estompent pas ma douleur. Serait-ce la crainte des jours à venir? La quarantième de Mozart est tout ce qui compte aujourd'hui... Est-ce que je dois ordonner tout ça? Peaufiner le chaos de la spontanéité? Ce n'est pas de la neige, c'est de la cendre. Le bruit sourd de mes pas résonne, je suis la seule présence dans le parc vide. Prémisse de l'hiver souhaité? Et les pensées s'éparpillent et meurent comme des flocons que le vent dépose sur ma fièvre.