mardi 19 juillet 2016

"In retrospect, it seems clear that the 'monster', as Joyce several times called Finnegans Wake in these days, had to be written, and that he had to write it. Readers may still sigh because he did not approach them more directly, but it does not appear that this alternative was open to him. In Dubliners he had explored the waking consciousness form outside, in A Portrait and Ulysses from inside. He had begun to impinge, but gingerly, upon the mind asleep. There lay before him, as in 1922 he well knew, this almost totally unexplored expanse. That the great psychological discovery of this century was the night world he was, of course, aware, but he frowned on using that world as a means of therapy. Joyce's purpose was not didactic; he wishes, unassumingly enough, to amuse men with it.

The night attracted him also for another reason.* He had begun his writing by asserting his difference from other men, and now increasingly he recognized his similarity with them. This point of view was more easily demonstrable in sleeping than in waking life. Sleep is the great democratizer: in their dreams people become one, and everything about them becomes one. Nationalities lose their borders, levels of discourse and society are no longer separable, time and space surrender their demarcations. All human activities begin to fuse into all other human activities, printing a book into bearing a baby, fighting a war into courting a woman. By day we attempt originality; by night plagiarism is forced upon us. In A Portrait of the artist as a young man Joyce had demonstrated the repetition of traits in the first twenty years of one person's life; in Ulysses he had displayed this repetition in the day of two persons; in Finnegans Wake he displayed it in the lives of everyone.

The language of the new book was as necessary to it as the verbal arrangements of his previous works to them. He had already succeeded in adapting English to suit the states of mind and even times of day, but chiefly by special arrangements and special kinds of words in different chapters. Now, in Finnegans Wake, a polyglot language had to be brought, even more daringly, to its own making-house.** To imitate the sophistication of word- and image-formation in the unconscious mind (for Joyce discarded the notion that the mind's basic movements were primitive), he took settled words and images, then dismembered et reconstitute them.

In his earlier books Joyce forced modern literature to accept new styles, new subject matter, new kind of plot and characterization. In his last book he forced it to accept a new area of being and a new language. What is ultimately most impressive is the sureness with which, in the midst of such technical accomplishments, he achieved his special mixture of attachment and detachment, of gaiety and lugubriousness. He was no saturnine artificer contriving devices, but one of life's celebrants, in bad circumstances cracking good jokes, foisting upon ennuis and miseries his comic vision."

(*The theory that Joyce wrote his book for the ear because he could not see is not only an insult to creative imagination, but an error of fact. Joyce could see; to be for periods half-blind is not at all the same thing as being permanently blind. The eyes are closed in Finnegans Wake because to open them would change to book's postulate.
**Joyce insisted to Jacques Mercanton that he worked strictly in accord with laws of phonetics. 'The only difference is that, in my imitation of the dream-state, I effect in a few minutes what may have taken centuries to bring about.')

- Richard Ellman (1959 : 616-7)

mercredi 13 juillet 2016

un autre livre neuf ouvert ce matin
et des pages et des pages lues
sans voir le temps passer
j'enchaîne les livres à un rythme peu commun
les jours qui défilent me semblant être
une longue et minutieuse addition de lectures
mais ne sont en fait que l'accumulation de mes obsessions
je lis et n'écris pas assez mais je sens en moi
se distiller l'absinthe qui amènera la création
je dois seulement prendre mon temps

Mrs Dalloway où Virginia Woolf
déploie lentement toutes les pages de sa pensée
les délicates impressions si furtives parfois
un parfum une chevelure une démarche
que des parties des infimes particules
de la grande synecdoque du monde
que le regard et l'être cherchent
désespérément à embrasser et à déchiffrer
mais qui ne resteront bien souvent que
les brouillons de nos impressions

les jours passent et se réchauffent
canicule de course au mitan de la semaine
mais même pas près d'un jour à Delhi
où j'étais à pareille date il y a trois ans
en train de découvrir l'inconnu et les vraies amitiés
que je chéris encore aujourd'hui et à tous les jours
Inde folle impossible où j'irais me perdre encore et encore
mais non je ne peux que subir l'atmosphère lourde
d'une ville que je connais déjà trop
ralenti par les lieux communs d'un exil stagnant

rouvrir un autre livre retour à l'autre à l'inépuisable
à celui à qui on collait souvent quatre sangsues sur l'oeil
pour qu'elles drainent le sang qui s'y accumulait
à celui à qui on arracha toutes ses dents à quarante ans
alors qu'il venait d'écrire l'histoire d'un grand jour et qui
s'apprêtait à écrire l'Histoire du monde dans sa grande et longue nuit
"Of Ulysses, I made it out of next to nothing. 
Work in progress I am making out of nothing.
But there are thunderbolts in it."
Les fameux "ten hundredletters thunderwords" du Wake

voilà ce qui m'attend et mon impatience est fébrile
même si je crains ce livre plus que tout autre
livre de la nuit monde du rêve invention d'un nouveau langage
pour exprimer les incertitudes noctambules
avatars de la conscience et de l'inconscience
et de toutes les perceptions naviguant entre les deux
cet état inévitable entre le sommeil et l'éveil
celui où je perds pied alors que je ne marche pas
celui où je me tords de spasmes sous des coups inexistants
celui où nous sommes complètement impuissants de nous-mêmes

chute et renaissance cathédrale de nocturnes
il me semble entendre le piano angoissé mais sublime de Chopin
connections ordinaires et prévisibles
en attendant celles terribles et absconses
pluralité des sens et volonté de détruire les barrières des langues
joli rêve quand même que celui de vouloir terrasser
l'incommunicabilité des êtres de la Terre
mais le prix à payer fut énorme et pire, immortel
être voué à l'incompréhension quasi totale
mais cela ne fait que décupler mon insatiable curiosité

mercredi 6 juillet 2016

tennis as a religious experience

fait que je voulais faire plein de choses aujourd'hui
mais j'écouté Wimbledon
Federer contre Cilic
puis Tsonga contre Murray
10 manches
3 heures 17 minutes
puis 3 heures 53 minutes
fait que j'ai pas tant fait de choses finalement
sinon vivre une trâlée d'émotions
des plus que bienvenues

mardi 5 juillet 2016

Au soixantième kilomètre de vélo, les muscles sollicités de mes jambes m'empêchent de focuser. Pourtant ça se tiraille ferme dans ma tête multitâche. Énorme boucle le long du fleuve Saint-Laurent. Les piétons marchent sur la piste cyclable et je me retiens pour ne pas leur crier après. Je file à toute allure. Je ne sens pas le soleil mais demain mes bras seront brûlés. Pendant que je pédale comme un fou - un hamster dans sa roue -, je tente de faire le point sur l'horizon devant moi que je repousse à chaque coup de pédale. Mais la ligne que dissipe la chaleur est trouble. Et cette imprécision me nargue. (Qu'est-ce qui m'apporte satisfaction? En quoi suis-je insatisfait? Les vacances sont en train de devenir ce que je redoutais. Mon esprit est incapable de se reposer. J'ai lu 300 pages one shot dimanche pour terminer L'immortalité de Kundera ;  ça faisait trrrèès longtemps que ça m'était arrivé. Ce livre est de la bombe. À lire et relire. Autant les deux autres bouquins que j'ai lus de Kundera m'avaient laissé sur ma faim que celui-ci m'a hypnotisé. L'iimmortalité dans l'image de soi et non dans l'objet, il faut méditer sur ce sujet plus bouillant que jamais - je suis mûr pour un sonnet) Mes amis me manquent. Sachent-ils que je pense souvent à eux? Même en essayant d'éviter les inévitables essaims de bestioles en tout genre sur la piste cyclable faisant le tour de Verdun? Mais j'en n'ai avalé aucune. (Une phrase dans ma tête qui ne veut pas mourir : "Les ondées brûlantes déploient des pétales de chaleurs invisibles, lames d'éther qui pénètrent jusqu'en mon for impuissant ; détourner le regard et le corps est inutile dans la prison du vide aux barreaux forgés à même nos désirs insatisfaits." Encore une phrase qui persiste dans mes pattes de mouche d'encre agglutinée. Je fais du surplace dans mon exil) Trouver mes satisfactions. Dans toutes les actions que nous posons, dans tous les regards que nous lançons, dans les livres que nous lisons et l'alcool que nous buvons. Mais la solitude et l'ennui des nuages l'emportent parfois sur nos perceptions. Je ne vois qu'un voile dans la toile de fond bleue du ciel. Le ciel manque de turbulence, de fulgurance, de ces tempêtes que je cherche en vain, comme si j'étais incapable de me satisfaire de ce qui est. Ce texte n'aura pas de chute, comme les jours qui le nourrissent, prévisibles et manquant cruellement de mouvement. Prévisibles dans leurs crépuscules banals, dans leurs insupportables cris d'enfants de ruelle, dans la nonchalance feinte des passants - tout le monde semble si content de l'été, mais l'été est une enclume chauffée à blanc, et le soleil, son impitoyable marteau. Et ma tête qui reçoit péniblement tous ces coups.

vendredi 1 juillet 2016

Du lourd

"L'homme n'est rien d'autre que son image. Les philosophes peuvent bien nous expliquer que l'opinion du monde importe peu et que seul compte ce que nous sommes. Mais les philosophes ne comprennent rien. Tant que nous vivrons parmi les humains, nous serons ce pour quoi les humains nous tiennent. On passe pour un fourbe ou un roublard quand on se demande sans cesse comment les autres nous voient, quand on s'évertue à paraître aussi sympathique que possible. Mais entre mon moi et celui de l'autre, existe-t-il un contact direct, sans l'intermédiaire des yeux? L'amour est-il pensable sans la poursuite angoissée de sa propre image dans la pensée de la personne aimée? Dès que nous ne nous soucions plus de la façon dont l'autre nous voit, nous ne l'aimons plus."
- Milan Kundera, L'immortalité

descendre Saint-Denis
à toute vitesse
je dégrise en trente secondes
mode multitâche des réflexes
je risque l'accident
à chaque portière
à chaque personne
qui ne me voit pas
parce qu'elle ne pense pas
aux autres
(quasiment tout le temps finalement)
mais dans le passé
j'ai failli mourir deux fois
je vais la voir venir
quand ce sera la bonne
en attendant
juste quelques sensations fortes
pluie d'éclairs de l'adrénaline

j'ai failli faire un flat
mais c'est juste mon coeur
qui en a fait un