mercredi 25 mai 2016

exercice de style - sonnet spontané

Je recherche sans cesse l'harmonie des corps,
Que nous avons égarée dans nos labyrinthes,
Où les tours et aléas d'imparables feintes
Taillent le silence qui conjure nos sorts.

Gauche, je bégaie dans l'asphyxie de l'effort;
Ton indifférence est l'avatar de mes craintes,
Dans nos fosses noires s'épuisent nos étreintes,
De ce vil bourbier naissent amertume et remords.

D'un geste banal tu désaccordes la lyre,
De nos chants imparfaits, du passé de nos rires,
Et nous nous éloignons dans la nuit capiteuse,

Où tu me laisses en proie à de nouveaux périls;
Le délire de cette solitude affreuse
Dans laquelle rapetisse mon coeur stérile.

dimanche 15 mai 2016

"Coming at roughly the half-way point of his output, Hamlet marks a sea-change in Shakespeare's view of himself and his abilities. Everything he had written seems like preparation for this moment, as he reaches higher and wider than ever before, going out of his way to show off every aspect of his consummate art, dazzling his audience with flights of fancy and psycho-analytical wisdom whose mysteries will never be fully fathomed. This sizzling display of poetry and philosophy, wit and insight, finds it central focus in one man, one very mortal man, perhaps the most complex creation in literary history, in whom every subsequent generation has found multiple reflections of itself. 
Not merely is Hamlet Shakespeare's longest play, and technically his most ambitious. As it lurches from comedy to tragedy, high art to low, violence to stillness, love to hatred, confusion to redemption, it tells the story of Everyman as never before or since, distilling as much individual and collective experience as can be contained in one frail, confused man of action, a poet-philosopher confronting all our own everyday problems while trying to solve one none of us will ever have to face."
- Anthony Holden, William Shakespeare  (1999 : 190-1)

Et ça continue comme ça pendant des lignes et des lignes et des lignes encore et encore et encore...

vendredi 13 mai 2016

courant de conscience

Vendredi matin au diable la ponctuation mes étudiants rédigent en silence que le bruit des crayons sur les feuilles qui se tournent au-dessus du drone de la ventilation défectueuse de la classe plafond suspendu grugé par les moisissures sur le point de tomber fissures sur les murs travail des poutres sur les fondations fatiguées pourquoi ce gris et ce beige pigments monochromes symboles de l'ennui total à quoi pensent-ils exactement toute leur énergie déployée sur un travail qui peut faire ou défaire leur session ébullition de cerveaux que j'espère avoir un tant soit peu allumés au fil de cette session plus je les regarde on me permettra de généraliser un peu et plus je pense que la nervosité l'emporte sur la réflexion les plus agités transpirent intérieurement je compatis un peu mais ce n'est pourtant pas si compliqué ils sont victimes de leur stress c'est ce qui paralyse le plus souvent leurs connaissances et fait naître leur insécurité et leur manque de confiance peut-on vraiment les blâmer ce n'est pas tous les jours qu'on se fait évaluer ce sacrosaint souci de performance du câlice semblant de vertus sociétales qui tétanisent jusque dans leurs fibres les corps naissants du lendemain mon café est froid et dégueulasse j'ai oublié d'y mettre du lait et c'est de l'eau de vaisselle non de l'eau d'aisselle que je bois en ce moment en attendant la bière Guinness or noir irlandais je m'ennuie de Dublin du Stag's Head des musiciens de rue des pintes qui s'entrechoquent de la bière qui coule à flots sur les vieilles rues pavées sols imbibés des excès des hommes de la ville dédale labyrinthe où se terrent les minotaures de notre conscience de ce soir qui s'est faite attendre depuis mardi je passerais la fin de semaine à ne rien faire pour une fois depuis quinze semaines mais dernier rush de correction qui commence y aller lentement posément avec ponctuation mais non phoque off une étudiante a un chandail avec Amor écrit dessus Amor fati Nietzsche encore lui est partout où je tourne mon esprit amour du destin accepter son destin c'est vrai que c'est pas fou irruption nerveuse discussion l'autre jour avec une amie qui me revient en tête à ce moment à propos d'une certaine poésie que je lis ces temps-ci et est-ce une impression peut-être fautive mais tout est tellement précieux découpé intimiste sculpté au scalpel treize mots uniquement pour dire quelque chose on dirait de tout petits feux d'artifice treize mots vendredi treize aujourd'hui si seulement les superstitions existaient encore un peu question qu'on se foute la chienne bien candidement mon discours est décousu ce n'est rien qu'un peu de prose directe dirait l'autre et qu'est-ce que ça peut bien faire je devrais les surveiller davantage je suis parti dans ma tête mon texte s'écrit tout seul je ne censure rien peut-être que certains trichent ils triompheront sans gloire fiers de dire qu'ils auront triché as-tu déjà triché pendant un examen toi moi jamais j'ignore pourquoi d'ailleurs irruption d'un stimulus une distraction survient une de mes étudiantes est en sandales et je vois son tatouage sur son pied believe in yourself évidemment c'est en anglais faudrait surtout pas se faire tatouer du français ou du joual sur le corps quand tu te crisses de l'anglais dans le sang je ne peux m'empêcher de penser que tu te crisses royalement de ta langue et de qui tu es bons Canadiens-français-québécois assimilés jusque dans leur sang encore une fois je généralise elle est belle la quête identitaire de Loup une idée d'ouverture monsieur ouais pensez à tirer une leçon de Forêts juste tirer une leçon par vous-mêmes sans que j'aie à vous donner la bonne réponse pour une fois mais je suis ce paradoxe aussi dévorant en anglais Shakespeare et Joyce je n'ai pas choisi d'aimer ces deux fous-là mais je me défends je connais mon Québec et je connais mon français j'ai fait mes classes pause j'aimerais entendre le bruit de l'eau en cascades envie de retourner vers Proust très bientôt drette là ce qu'il me manque mon malade préféré vous êtes un océan cher Marcel et vous vous êtes un volcan mon cher Jimi et Shakespeare le Barde il est quoi lui grand artificier inventeur de l'homme mon texte est long et confus j'ai dû perdre la majorité de mes lecteurs inconnus déjà personne ne le lira jusqu'au bout personne ne comprendra rien mais peut-être que de cette confusion naîtra un certain charme qui emportera le lecteur ailleurs (devrais-je ponctuer ce texte, question de le rendre plus intelligible?) non parce que ce qu'il y a dans ma tête est inintelligible les idées partent dans tous les sens je pense en même temps à l'Écosse à l'ostie d'Angleterre que je découvre encore et encore et encore dans la massive bio de Shakespeare que je suis en train de lire je pense au bout de la route 138 où l'océan Atlantique fait entendre son chant au calvaire des vacances qui m'attendent à l'angoisse de ne rien faire qui me fera comme d'habitude capoter un peu ces heures et ces heures de vélo d'écriture de lecture de ménage de promenades de procrastination de digressions de difficulté à regarder le temps qui passe mêmes images qui reviennent encore et avec elles lassitude et distraction finir mon recueil de poésie que je ne reconnais plus écrire quelque chose pour teinter le banal quotidien avec l'encre et le charme du chaos peut-il vraiment s'opérer dans cette illusion qu'est ce texte dans toutes les illusions que sont tous mes textes le temps file mon cours se termine dans deux minutes et je n'ai pas envie de reprendre le fil de mes pensées plus tard encore une fois ce texte sera incomplet je n'ai pas eu le temps d'écrire sur tout comme je n'ai jamais le temps d'écrire sur tout j'ai oublié de parler du temps dehors des nuages bleus où s'entassent et se dessinent l'orage à venir nervures invisibles que trace le vent tempête de pluie bienfaitrice éventail d'incohérences assumées superbes monstres d'ébène et idoles profanes de mes songes le temps que ce texte tombe dans l'oubli et l'indifférence ce texte est incomplet comme tout travail comme tout poème et comme toute vie et tout destin qu'il soit aimé accepté ou pas.


jeudi 5 mai 2016



fenêtre grande ouverte
Jules couché sur l'appui
son pelage boit le soleil
                  à grandes gorgées

rue St-Denis       fin d'après-midi
cortège bruyant de chars pressés
       de rentrer chez eux pour
       oublier le tumulte du jour

les mécaniques grondent
       sur Godspeed à tue-tête
déferlantes urbaines
       drones et gammes arabisantes

grésillements et bruits de la lumière
       les faisceaux se fendent
je force le chemin vers la source
                                 vers le magma du vide

échos souples venant des feux
          lointains poumons immolés
on peut presque sentir
     la sueur des asphyxies

je m'arrête            assourdi
    je n'entends plus rien
            dans le chaos sonore
        des distorsions du temps


mardi 3 mai 2016

Aphorisme 341

"Le poids le plus lourd - Que dirais-tu si un jour, si une nuit, un démon se glissait jusque dans ta solitude la plus reculée et te dise : "Cette vie telle que tu la vis maintenant et que tu l'as vécue, tu devras la vivre encore une fois et d'innombrables fois ; et il n'y aura rien de nouveau en elle, si ce n'est que chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque gémissement et ce tout ce qu'il y a d'indiciblement petit et grand dans ta vie devront revenir pour toi, et le tout dans le même ordre et la même succession - cette araignée-là également, et ce clair de lune entre les arbres, et cet instant-ci et moi-même. L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être renversé à nouveau, et toi avec lui ô grain de poussière de la poussière!" - Ne te jetterais-tu pas sur le sol, grinçant des dents et maudissant le démon qui te parlerait de la sorte? Ou bien te serait-il arrivé de vivre un instant formidable où tu aurais pu lui répondre : "Tu es un dieu, et jamais je n'entendis choses plus divines!" Si cette pensée exerçait sur toi son empire, elle te transformerait, faisant de toi, tel que tu es, un autre te broyant peut-être : la question posée à propose de tout : "Voudrais-tu de ceci encore une fois et d'innombrables fois?" pèserait comme le poids le plus lourd sur ton action! Ou combien ne te faudrait-il pas témoigner de bienveillance envers toi-même et la vie, pour ne désirer plus rien que cette dernière, éternelle confirmation, cette dernière, éternelle sanction."

- Le seul et unique Friedrich Nietzsche,  Le Gai savoir 


j'ai entendu tes soupirs
se lamenter dans mes souvenirs
languissant à la recherche
de nos baisers absents