vendredi 24 avril 2015

dialogue

Elle : Pourquoi ça te fait tripper tant que ça, lire? Fais-moi ça short and sweet.
Lui : Euh...ok. (Genre de pause servant à rapailler tout ça) Ben j'aime lire parce que je crois que la lecture me fait vivre des émotions diverses que je suis incapable de vivre autrement ; mais ça sollicite pas des émotions faciles, je ne parle pas de tristesse ou de joie, je parle d'émotions qui te traversent comme rien d'autre, comme quelque chose d'inexplicable, mais il faut se laisser embarquer, pis je parle pas de livres qui te racontent une tite histoire cute ou épeurante, je parle de lectures qui transcendent criss! Moi c'est la curiosité mon truc, quand je lis un livre qui pique ma curiosité insatiable, qui peut me permettre de me rendre plus intelligent, qui me permet d'élargir mes connaissances, d'avoir accès à ce que je ne connaissais pas, ça comble un trou, un vide, ça peut faire de soi une meilleure personne, c'est pas comme le cinéma par exemple où on te criss l'image en pleine face. C'est ça qui est malade avec les mots, tu te fais l'image, pis des fois, c'est juste trop beau. Je suis capable de voir la beauté de quelqu'un, un homme ou une fille, tu le ou la regardes, il est beau elle est belle pis that's it! Eille gros effort!? Les mots c'est pas la même chose, la beauté se fait plus discrète mais quand tu tombes dessus, quand tu la trouves, ça peut être une épiphanie! Une putain de révélation qui te montre quelque chose que peut-être juste toi vois! Ça devient à toi, du moins t'as l'impression que ça devient à toi ; ça peut-être aux autres aussi, c'est peut-être déjà à quelqu'un d'autre, mais ça tu le sais pis c'est parfait de même. La poésie, merde, moi ça me fait tripper... pis ça permet de mieux vivre la solitude aussi, même si elle peut la créer de façon impitoyable, en tout cas... tout ça pour dire qu'à quelque part en d'dans d'moi, je suis ben pessimiste, la littérature me donne un peu d'espoir. Tu voulais ça short and sweet hein!? désolé. 
Elle : Non ça va c'est correct.

jeudi 23 avril 2015

hockey


"Comment on peut être fiers d'avoir un chandail des Sénateurs? Une équipe plate dans une ville plate dans un pays plate."
- Chevalier Gaulin

mercredi 22 avril 2015

"Voilà pourquoi je vis seul depuis plusieurs années dans l'arrière-pays plutôt qu'à Montréal. Bien qu'elle soit pleine de tracas, la solitude a ceci de particulier qu'elle vous force à toujours rester debout parce qu'elle fait la vie dure à votre corps et à votre esprit : il n'y a pas de demi-mesure dans la solitude, et c'est pourquoi elle demande autant d'énergie. Elle vous porte souvent au vacillement et quand ça arrive, aucune main ne se tend vers vous, aucune voix ne se fait entendre. C'est un dur apprentissage, car on n'en a jamais fini avec lui, il ne cesse pas d'exiger - et soi-même, on ne peut cesser de résister, car la vie se retire aussitôt comme le refoule la marée en mer Océane, qui ne laisse sur la grève que des débris.
- Victor-Lévy Beaulieu

mardi 21 avril 2015

Dans le ventre de l'ogre

Depuis le 1er février, je m'efforce de nourrir un tant soit peu ce blogue. Au début, un ami et moi l'avons fait par défi et, ensuite, je me suis laissé prendre au jeu et j'ai continué sans relâche d'écrire des posts, à chaque jour, refusant de me censurer et abandonnant dans l'univers des interwebs mes bribes ici et là, sans savoir qui me lit, fortuitement. Aujourd'hui, peut-être plus qu'aucun autre jour depuis presque trois mois, je pensais être arrivé au fin fond du cul de sac et, à mesure que le jour avançait vers son inéluctable fin, je commençais à me convaincre que je ne publierais rien. Je peux bien prendre congé ne serait-ce qu'un jour après tout. Donc, j'ai refermé mon ordinateur et j'ai rouvert le Nietzsche de VLB que j'ai commencé hier. Plus ma lecture avançait et plus les images se déployaient en ma tête trop pleine pour que je ne prenne pas la parole. Je me suis donc servi un verre de whisky cheap, mon scotcheap de semaine, et je me suis laissé aller au gré des mots.
L'objet est superbe. Gros comme un dictionnaire, une magnifique police Garamond, truffé d'images, les pages sont d'un blanc mat avec une infinitésimale teinte beige ou crème. L'odeur de la colle est encore très nette. Lorsqu'on ouvre l'ouvrage et qu'on commence à lire, on ne peut que se laisser absorber. Dire que VLB est au sommet de son art, de son arbre, est un euphémisme. J'ai lu tous ses essais littéraires : son Hugo et son Kerouac semblent avoir été écrits à la va-vite ; c'est dans son Melville qu'il a assis son style de façon autoritaire - je ne compte pas son Foucault, espèce de coït interrompu qui se perd trop facilement -, et c'est dans son Joyce qu'il a pris des proportions titanesques. Cet essai fait encore parti des 10 plus grands livres que j'ai lus, et c'est le plus grand livre que j'ai lu d'un écrivain vivant - que je lis très peu, je le confesse. La barre n'est pas haute, elle est stratosphérique. 
Il m'a suffit de la première centaine de pages - sur 1400 - pour réaliser que je tenais dans mes mains l'objet d'un maître, dans le sens le plus évolué du terme. Je laisse de côté la trame narrative pour l'instant et me consacre à la trame essayistique. Le premier chapitre répertorie, avec une érudition et une éloquence monumentales, les racines idéologiques de Nietzsche en retraçant l'histoire de l'Allemagne, et surtout celle de Martin Luther et de son antisémitisme, pour en arriver à celle de sa famille. Je n'avais jamais réfléchi sur l'influence prépondérante que celle-ci eut sur Nietzsche pour la simple et unique raison que j'ai toujours lu Nietzsche et jamais sur lui. Certaines incompréhensions disparaissent. Mais ce ridicule résumé ne rend pas hommage à l'ouvrage : la somme d'informations que VLB déploit, dans une prose irrésistible à mille lieux de son joual de bataille de ses débuts, est telle qu'il m'a fallu interrompre ma lecture et revenir en arrière à plusieurs reprises pour être bien sûr d'avoir tout saisi ce qu'il avançait, ce qu'il révélait. La richesse des informations n'a d'égal que sa complexité, ce qui alimente ma fascination irrépressible. J'en suis encore qu'au début, mais comprends facilement la portée du texte. 
Tout ça ne fait qu'alimenter ma profonde conviction de ce qu'est appelé à devenir la littérature, c'est à dire un maëlstrom mélangeant savamment trame narrative et prose essayistique. Et tout cela me ramène à mon projet pour cet été et je me rends compte de la commune démesure que celui-ci va prendre ; il me sera impossible de le mener à terme, comme je l'escomptais, cette année. 
Je n'oserais jamais me comparer aux grands qui nourrissent mes lectures, mon intellect, mes émotions et mon être, mais je vais essayer de m'offrir au moins les moyens de mes ambitions.
Cette entrée de blogue prend davantage les allures d'un journal, mais la lecture demande parfois qu'on l'allège, qu'on se libère de sa toute-puissante, et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour le faire et ne pas sombrer dans un solipsisme solitaire. 

lundi 20 avril 2015

beau


"With all this fever in my mind, I could drown in your kerosene eyes."

- The Tallest Man on Earth

dimanche 19 avril 2015

épiphanie

Viens de tomber sur une toune. Les poils me dressent par-dessus tout le corps. Pu capable de corriger. Je regarde dehors. Que du bleu pis du soleil pis toute. La toune su' repeat depuis tantôt. Les images dans ma tête se forment. Flashs, trains, avions, la mer, les montagnes, les forêts, les déserts de poussières abrasives, les villes inconnus, la terre. Juste envie de regarder ma blonde et de lui dire : "On crisse-tu notre camp à l'aut' bout du monde? Juste pour voir?"

samedi 18 avril 2015

La nuit

À la mi-nuit au coin de Masson et de Molson, les échos du vide se décuplent sur les réverbérations sourdes de If I had a heart de Fever Ray. Les trémolos électriques caressent ondoyants et lourds mes oreilles. Cette musique est à la fois chaude et froide. Dans quelques minutes l'autobus va me prendre et m'emporter m'engouffrer dans les rues imprévues de cette nuit calme et fraîche. Dans ma bouche, les relents du Isle of Jura Superstition. Goutter la tourbe. Sur l'île de Jura en Écosse, il n'y a qu'une route, un pub et une distillerie. 188 habitants sur un peu plus de 350 kilomètres carrés. Me semble que j'irais là demain matin. Pour voir et sentir la tranquillité qui a nourri Orwell qui s'y installa pour écrire 1984. Pour bosser dans la distillerie juste un été, pour goutter le vent et la mer, pour étancher cette soif de solitude, tantôt désirée tantôt crainte, qui me torture, me triture et me déchire en mille. Mais le bus arrive et m'emporte là où je dois aller, là où l'inattendu comatose. Les lumières grésillent et teintent l'atmosphère. Presque personne. Presque l'impression que la ville dort un peu. Ou qu'elle attend mon sommeil pour s'assoupir enfin.

vendredi 17 avril 2015

appréhension


Un ogre dort sur ma table et je vais - volontairement - le réveiller pour qu'il m'avale. Pour qu'il m'avale puis me recrache - je suis indigeste - transformé, à jamais. 

jeudi 16 avril 2015

"the most terrifying erotic poem..."

Sonnet 147. Shakespeare

My love is as fever, longing still
For that which longer nurseth the disease,
Feeding on that which doth preserve the ill,
Th'uncertain sickly appetite to please.
My reason, the physician to my love,
Angry that his prescriptions are not kept,
Hath left me, and I desperate now approve
Desire is death, which physic did except.
Past cure I am, now reason is past care,
And frantic mad with evermore unrest;
My thoughts and my discourse as madmen's are,
At random from the truth vainly expressed:
     For I have sworn thee fair, and thoughts thee bright,
     Who are as black as hell, as dark as night.

mercredi 15 avril 2015

printemps


hier sur mon balcon
pendant que dans la rue
les chairs s'offraient au soleil
le vent faisait chanter ma bière


mardi 14 avril 2015

Villeray


dans le ventre de la nuit
des sirènes hurlent
inhumaines
                      les morts prochaines



lundi 13 avril 2015


Il y a des fissures qui cachent des vides cosmiques dans toute création.

Tout dépend de l'envergure de la plaie.

dimanche 12 avril 2015

dialogue (extrait)

- Wooooouuh, on sait ben, depuis que monsieur lit des livres pis qu'y a une bonne job, ça se permet d'être hautain envers les autres, t'es là, tu dis rien pis tu restes calme comme si de rien n'était. Ben m'a t'dire rien qu'un affaire : t'es un loser anyway, tes ptits livres y'ont jamais rien changé pis y changeront jamais rien! dit le vieil homme dans un accès de colère dérangée. Il le regardait avec tout le défi de sa personne dans ses yeux injectés d'alcool. Le jeune homme bougea à peine, attendit une longue minute où il vit les regards baissés des autres convives qui ne disaient mot autour de la table. Il se leva de sa chaise, alla dans sa chambre qui donnait sur la cuisine et fit sa valise. 
- Qu'est-ce que tu penses que tu fais? Y'est ben'trop tard pour que tu retourne chez toi, tu vas pas te taper trois heures de char, pis en plus t'as bu, répliqua le vieil homme.
- Une chose est sûre : c'est que je ne resterai pas une seconde de plus ici, dit le jeune d'un ton très calme.
- T'es pas un homme ostie! Enweille, défends-toi criss! Fait d'quoi! J'ai pas élevé une moumoune! Tu serais pas plus loser que j'pense j'espère??
Le jeune homme ne répondit pas tout de suite, rapailla rapidement ses choses et était déjà prêt à partir.  
- Comme ça te ferait trop plaisir que je réplique, je vais juste fermer ma gueule. 
Sa soeur se leva et alla vers lui : 
- Tu peux pas partir comme ça, ça pas d'allure. 
Il lui répondit par un simple regard qui était lourd de sens et de sous-entendus. Il se retourna vers son père et dit :
- De toute façon, tous mes livres comme tu dis m'ont appris au moins une chose que tu m'a jamais appris, c'est de pas s'obstiner avec les abrutis, surtout s'ils sont chauds, fait qu'oublie ça. Tu voulais un fight, tu n'auras pas.
- Ben décalisse d'abord! cria le père plus enragé que jamais. Il était à deux doigts de passer du verbal au physique, le fils se tenait sur ses gardes en sortant. Il se dirigea à sa voiture :
- Sais-tu quoi? Je pourrais partir sur un start drette là, comme tu faisais dans le temps quand tu t'enrageais contre maman, tu partais toujours sur un start. Nous autres on t'ergardait de la fenêtre du salon, tu le savais pis tu partais en sauvage pareil, toujours sur un criss de start pour nous faire peur, pour nous rappeler que t'es fâché pis que c'est à cause de nous autres. Je sais pas c'qui t'a pogné à soir mais ça faisait longtemps en maudit que c'te famille-là avait pas eu d'engueulade, mais là c'en est une maudite belle. Le plus triste dans tout ça, c'est que tu vieillis en criss, on le voit ben, fait que t'es pas mal plus proche de la mort que tu le penses. Ç'aurait pu bien s'passer, on aurait pu bien finir ça, ben tabarnak, à place, ça va s'passer dans frustration pis dans l'amertume pis dans marde parce qu'après tout ce temps-là, t'es pas capable de tenir ton alcool pis t'es toujours aussi enragé. Tu m'verras pu à face icitte!
Il démarra la voiture lentement, sous les yeux muets du vieil homme, et s'enfonça tout aussi lentement dans la nuit noire.


samedi 11 avril 2015

inattendu


dans la boîte aux lettres hier
un recueil de poésie 
plus petit qu'un discompact
Vingt-sept petits poèmes pour jouer dans l'eau des mots
à l'intérieur 
écrit au gros stylo feutre :

  Cher 
François-Charles
       Désobéissons!
              VLB 
               1/4/15

Mon sourire fendu jusque par-delà mes oreilles

vendredi 10 avril 2015


un horizon éteint
regards noyés dans les gravats
prisme terne et plat

le ciel est tombé
et palpite de colère

la pluie tranchante
les douleurs réverbèrent
éclairs thoraciques
spasmes de l'orage

(soubresauts des quêtes
aller à toi)

déferlent les cascades
de nos fjords éphémères

jeudi 9 avril 2015

je triche un peu


"To my students and readers I will never meet I keep urging the work of the reader's sublime : confront only the writers who are capable of giving you a sense of something ever more about to be."
- Harold Bloom (again)

mercredi 8 avril 2015


Parfois, c'est en restant immobile que l'on va plus vite que la pensée.

mardi 7 avril 2015

6h 45 du mat'. Sufjan Stevens dans la ruelle vide ce matin. Tout est ensoleillé. Voix calmes. Douces musique. Le printemps se réveille. Ça paraît. Métro. Harold Bloom. The Anatomy on influence. C'est majeur. J'ai failli passer tout droit tellement j'étais dedans. Les drones de Godspeed. Cégep. Des affiches anti-austérité partout. Mais rien qui change. L'indifférence amènera une mort lente. Surveillance. Bloom encore. Litterature as a way of life. En effet. Merci professeur Bloom. Votre essai me transporte. Ailleurs. Là où je suis seul. Là où je commence à m'habituer à la solitude. Corrections. Retour à la maison. Corrections encore et encore. Toute la crisse de journée. Ce soir. Farniente. Bourbon du Kentucky. Hockey. Et rien d'autre. rien. Absolument R-I-E-N. Sinon ces quelques mots. Juste quelques-uns.

lundi 6 avril 2015

Godspeed. Asunder, Sweet and other distress' Une chandelle habite l'espace. Textures de toiles inconnues. Les bourdonnements déchirent les pages. Le vertige monte et percute les reliefs. La musique pénètre à même les fissures. Voyage immobile. Les lumières s'évanouissent. Les bourdons murmurent leur présence stridente. Glissantes langueurs de cordes. Choeurs d'instruments et canons valsent en chaos. Symphonie d'anaphores. Les tensions naissent et évoluent en matures distorsions. Ambiance suffocante des asphyxies sociales. Des désolations soufflent sur les ruines de royaumes déchus, d'idoles décapitées. L'écho d'un vide sidéral emplit ma chambre. Inquiétante étrangeté. Tout autres choses sont mortes étouffées dans leur absence. Confort de l'onde sonore, mélodies et méandres. Il y a quelque chose dans cette musique qui marche et m'emporte. Frissons, répétitions puissantes fabriquant l'épique à la fin de l'opus. Soudainement, peut-être me sens-je un peu moins seul. J'ouvre les yeux, il fait noir, le soir est arrivé dans un crépuscule mélangeant le gris et le rose. Mon chat dort et ronronne sa vie sur mes pieds.

dimanche 5 avril 2015

Vendredi, en plein soleil, en plein printemps, des jeunes se battaient devant tous ; des coqs en mal de mots pour protéger une fierté illusoire déchaînaient une violence ridicule mais vive. Sève puérile s'échauffant avec le ciel. Petites testostérones futiles. 

En même temps, des musiciens de rue jouaient un air sorti tout droit d'un vieux film de Woody Allen, ajoutant davantage d'absurdité à une scène déjà surréelle. Il fallut de longues minutes avant que des policiers arrivent et agissent. L'on a ensuite écouté les musiciens en paix, dans une magnifique insouciance.

Samedi, après s'être fait narguer par cinq centimètres de neige qui n'auront même pas duré trois heures, c'est la douce tristesse d'une autre musique qui a semé ses perles terrifiantes en moi. Deuil et violences exprimés dans un somptueux spleen épuré. Harmonies horizontales et nudités frêles des douleurs présentes qui montrent que les démons peuvent n'être que des murmures portés par le vent pour nous cingler le visage et nous faire pleurer de froid, ou d'effroi, c'est selon.

Toujours ces mêmes oxymores qui détaillent mes heures. Désir de simplicité qui n'arrive jamais. Il faut embrasser nos contradictions avant qu'elles ne nous violent jusqu'à l'effondrement.

samedi 4 avril 2015


"We will be folded together in our common dust."
                                                                                            - Harold Bloom

vendredi 3 avril 2015


poussent les exhalaisons chaudes suivant l'orage
cette terre humide
le vent au-dessus du tertre sale de neiges mortes
lumière dans une nature crue
printemps fauve dans la vaste ville encore tiède
noire comme rouille poudreuse
torsades saturées de langueurs luxuriantes
torride nudité du jour

jeudi 2 avril 2015

Retour des majuscules

"L'atmosphère mortellement glaciale du collège paralysait le coeur de Stephen. Dans la stupeur de son impuissance, il se mit à sonder la plaie qu'est le catholicisme. Il lui semblait voir la vermine engendrée dans les catacombes à une époque de maladie et de cruauté se répandre sur les plaines et les monts de l'Europe. Telle la plaie des sauterelles décrite dans Calista, il la voyait obstruer les rivières et combler les vallées. Le soleil en était obscurci. Mépris de la nature humaine, faiblesse, tremblements nerveux, peur du jour et de la joie, méfiance envers l'homme et la vie, hémiplégie de la volonté obsédaient le corps appesanti, aux membres désaffectés, sous la noire tyrannie de ses poux. L'exultation de l'esprit devant la beauté pleine de joie, l'exultation du corps dans les libres activités collectives, l'impulsion naturelle vers la santé, la sagesse, le bonheur, tout était entamé par cette vermine. Ce spectacle du monde subjugué allumait en lui la flamme du courage. Lui du moins, bien que le plus éloigné du centre de la culture européenne, bien qu'abandonné sur une île de l'océan, bien que portant l'héritage d'une volonté rompue par le doute et d'une âme où la haine solide se dissolvait en eau dans les bras d'une sirène, il vivrait sa propre vie, se conformant à l'appel où il avait reconnu la voix d'une humanité nouvelle, agissante, sans peur et sans honte."
- James Joyce

Remplacez "catholicisme" par n'importe quel maux/mot, "l'Europe" par "le monde" et ce texte pourrait avoir été écrit aujourd'hui même.

mercredi 1 avril 2015

ce n'est pas un poisson d'avril

déception. colère. frustration. dégoût carabiné et pas possible. je pourrais continuer. en assemblée aujourd'hui mon cégep - le cégep où je travaille dis-je - a voté contre la grève. faudrait surtout pas perdre une journée de salaire. quel ostie de message ça envoie. la honte. j'ai envie de vomir. rien ne sort. ça mérite même pas des majuscules. pas capable d'écrire. trop en criss. pis y faut se forcer et rester optimiste. comme si j'avais besoin de me sentir plus seul encore. comme l'autre encore qui revient me hanter. mais j'écrirai pas son nom, ça prendrait une majuscule. un jour un ami m'a dit : si tu lis ça, tu voudras plus parler à personne. je l'ai lu et j'ai continué de parler. parce que j'avais pas saisi toute la portée de ce que je lisais. Mais j'ai la vague impression que le relire aujourd'hui ne ferait pas le même effet. anyway. trop déçu. pessimisme. ça va être un de mes posts les plus plates. j'aurais pu ne pas écrire, mais à quoi bon. j'aurais pu aussi y aller d'un pétage de coche dans les règles de l'art. mais à quoi bon. devant pareilles aberrations, le silence est devenu une forme de respect. quoi que je ne sois pas sûr qu'il soit mérité. je vais me taire et écouter. regarder. mais je ne me reconnais plus beaucoup dans ceux que je regarde. je vais aller me reconnaître dans ce que je lis.