mercredi 25 mars 2015

mouvements

Dans le métro, Mladic tonne et tonitrue par-dessus un monologue de Richard III. Écouter du Godspeed en lisant du Shakespeare est tout simplement épique, d'une extraordinaire intensité. Les drones oscillent et s'entremêlent à même les émotions de Richard, sa fureur et sa désertique solitude sur le champ de bataille ensanglanté, et les cordes de la musique le lacèrent comme des épées électriques. Ensuite, c'est l'essai de Kott qui me submerge. Depuis quatre jours, il n'y a que ma tête qui dépasse, la bouche peine à se maintenir hors du flot des mots des mots des mots, juste assez pour les murmurer ; mes yeux lisent, mes oreilles écoutent l'encre et le vent tourne les pages, des centaines de pages. Je saute d'une à l'autre les marches du Grand Escalier, cherchant à m'extirper du Grand Mécanisme. Chaque page tournée est une pelure d'oignon qui tombe aux pieds des larmes, qui lentement dénude l'homme jusqu'à son coeur, jusqu'à son humanité, et c'est la solitude, notre inhérente solitude, qui se révèle à l'ombre des mots. C'est une sensation d'assèchement que rien n'étanche, mais c'est dans cet état de vulnérabilité qu'on remarque plus facilement les détails stellaires de beautés insoupçonnées. Et leur fragilité, leur espérance de vie. La beauté a une espérance de vie et il n'en tient qu'à nous de la prolonger.

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