samedi 21 février 2015

Réponse

Très cher Francis,

J'ai souri jusqu'aux oreilles quand je suis allé voir ton blog hier pour y trouver ta missive, et je me suis dit que ce ne serait que le logique retour du balancier que de te répondre sur le mien. Et comme il y a de cela trop longtemps que nous avons bu ensemble (c'est long un mois), j'ai l'impression d'avoir trop de choses à te dire, je sais que ça va aller dans tous les sens, donc pardonne à l'avance cette réponse décousue que constitue le présent texte.

Est-ce que mes insomnies se sont finalement endormies? Je ne veux pas être trop enthousiaste à ce sujet, car oui je dors mieux depuis trois nuits, mais elles étaient si intenses la semaine passée que c'est tout mon corps qui s'en est ressenti et épuisé, en proie à des spasmes qui m'ont plié en deux de douleur pendant 48 heures, je me suis ramassé à l'urgence dans la nuit de samedi dernier. Je prends des médicaments depuis dimanche, je me sens mieux et, surtout, je dors mieux. Quand je dors quatre heures consécutives, c'est un exploit. J'ai ralenti la cadence côté sport dernièrement, mon corps récupère et mon sommeil s'en ressent. Tant mieux. Ça reste quand même étrange de constater à quel point dormir peut m'être difficile. Comme s'il y avait un dragon battant sous la peau qui refusait de s'apaiser.

Hier soir, je n'ai rien fait. Maryse n'était pas là. J'ai écris un peu, à peine en fait, à peine lu aussi, j'ai tout fermé ; j'ai allumé des chandelles et j'ai écouté Bach, Beethoven, Schubert. En buvant un Tobermory 10 ans et un Lagavulin 12 ans, je voyais presque la musique. Sinon mes souvenirs d'Écosse. Tout ce vent et ce vert assombri de nuages.

Je suis présentement en train d'écouter le trio pour piano et cordes n°2 D.929 de Schubert, je t'en ai parlé dernièrement et je ne peux que te conseiller davantage de l'écouter, c'est magnifique. Je suis seul, à la lumière de chandelles, des bouquins autour et ça qui joue. Je n'entends rien sauf cette musique présentement. On ne dirait pas qu'il tempête dehors, je m'imagine facilement les rues désertes où ne s'engouffrent que le vent, la neige et les passants perdus qui cherchent à tout prix à retourner chez eux pour se réchauffer. Dame nature semble elle aussi avoir quelques spasmes ces temps-ci. Le mitan du deuxième mouvement est d'une intensité qui somme le monde de se taire. Ça ne dure que quelques secondes, mais ces secondes sont éternelles.

Comme tu peux le constater, je persiste et signe quant à notre petit défi, pour le meilleur et pour le pire. Certains de mes derniers textes/posts sont d'une insignifiance désolante, mais je ne me censure pas, je commence de plus en plus à en avoir rien à foutre on dirait. Mais ce n'est pas négatif au contraire, je crois que ça peut permettre de désacraliser un peu le travail d'écriture - on se met tellement de pression merde -, le but c'est d'écrire. Même si c'est mauvais, ça ne peut pas être pire que le monde dans lequel on vit (pardonne mon pessimisme, mais je viens de terminer True Detective - merci pour la découverte. J'ai déjà hâte de réécouter cette série, trop fort. Je veux d'ailleurs que tu me renvoies les clips que tu m'avais envoyés une première fois, je ne les trouve plus et je veux savoir quelles scènes t'ont le plus marqué.). En tout cas, ce petit défi est agréable, même si des fois je suis gêné de poster certains textes, mais ne serait-ce que pour la discipline que cela impose, ça me permet d'envisager positivement mon projet pour l'été prochain.

Comme ça tu es retourné à la recherche du temps perdu? Bon voyage mon ami! Je te comprends tellement et je t'envie aussi, j'y retournerais demain matin si ce n'était de mes présentes obsessions qui me gardent cloué à Joyce. Je viens de me taper tous ses poèmes de jeunesse (va falloir que je t'en reparle), une traduction que je ne connaissais pas de Dubliners et je commence à l'instant Stephen le héros, sa première version de Portrait de l'artiste en jeune homme. J'ai interrompu ma lecture du Wake, car je me suis rendu comte que pour rentrer dans ce labyrinthe, je dois (re)commencer par le début. On a toujours associé Joyce à Ulysse si bien qu'on délaisse souvent ses oeuvres de jeunesse, et si ses poèmes sont très inégaux, les nouvelles de Dubliners sont d'un naturalisme qui rendrait Zola jaloux comme un chat - jusqu'à l'épiphanie finale que j'ai postée avant-hier -, et les médiations sur l'art que l'on retrouve dans Portrait sont aussi transcendantes que celles de Proust. Bien sûr, tout ça est amené différemment, on ne peut pas comparer un volcan et un océan mais, crois-moi, c'est d'une puissance extraordinaire. Je viens d'écrire six lignes que je viens d'effacer, ça commençait à être trop long, va falloir qu'on s'en parle de vive voix. Déjà, cette réponse s'étire trop et pourtant, je pourrais écrire encore très longtemps. Faut croire que notre amitié m'inspire l'ami! 

On remet ça de vive voix cette semaine? Ou on continue notre correspondance au vu et au su des internets? Dans tous ces mots vains et leurs échos sourds, on dirait qu'il y a un certain silence qui plane sur cette page, ce n'est pas déplaisant. 

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