samedi 28 février 2015


L'Humanité est mûre pour un sérieux coup de honte.

vendredi 27 février 2015

télégramme

Rush de corrections. Avec un s. Vingt de faites. M'en reste quatre-vingt. Hockey hier soir. Défaite malgré l'excellent match que j'ai joué. Dormi seulement quatre heures. La fatigue. Réunion ce matin. Intéressant, mais trop tôt. Corrections. Six heures de temps au cégep. Le retour en métro. Heure de pointe. Un itinérant se réchauffe. Il sent la pisse. Je compatis mais son odeur m'écoeure tellement que je change de wagon. Quelques courses sur le plateau. Froid montréalais. Froid de février. Mois le plus froid enregistré au Québec depuis longtemps. Dans quelques semaines, le printemps. Streetlight manifesto dans mes écouteurs. Meilleur groupe de ska au monde. Section cuivre de débile. Ça me crinque comme jamais. One, two, three, SKA! Pas le temps d'écrire comme je veux. Autres corrections et mon récit que je dois terminer avant dimanche pour le concours de Radio-Canada. Envie de le mettre sur mon blog, mais je me disqualifierais en faisant ça. Je vais attendre. Plutôt content du résultat. Pour une rare fois. Mile-End, Dieu du ciel. Le Mont-Royal à côté. Juste là. Trop hâte d'aller le monter en vélo. J'attends un ami. Rauchbier en attendant. Ale au malt fumée. Entrée en matière violente. Une bière peut essayer d'imiter un whisky, mais elle restera toujours une bière. Fumée d'amateur. Je ne suis pas snob, j'aime le whisky c'est tout. Cette page devant moi que je noircis. Défi et discipline. Bon ou mauvais. On s'en fout. Ça peut pas être plus mauvais que le monde. Ami arrivé. Bières partagées. Discussions éparses que je ne peux rapailler. Du moins. Pas pour l'instant. Stop.

jeudi 26 février 2015

j'adore


- Ok, vous rangez toutes vos choses, vous ne gardez que votre livre et un crayon et, pour la prochaine heure, vous lisez.

- Pendant une heure??

- Oui.

Et moi de les regarder lire les Mousquetaires pendant une grosse heure. Pas un son. Quarante têtes penchées sur leur livre en train de rentrer, sans le savoir, dans une des plus grandes aventures qu'il m'ait été donnée de lire. J'écris au tableau cette citation :

"Ma foi, si je n'avais pas été là, je me serais bien ennuyé."
- Alexandre Dumas

Meilleur atelier ever.

mercredi 25 février 2015

les ogres de l'aube passent
et emportent avec eux le silence
ils s'enfoncent dans la forêt du jour
ils dérobent les rêves indomptables
les étincelles sauvages du brasier
          asphyxié
j'irai colporter le vent et les tempêtes
et tout ce qui transporte l'être

pendant que les ogres de l'aube
passent et dévorent le temps

mardi 24 février 2015

Un homme est attablé, un café noir fumant devant lui. Il verse un peu de lait lentement et fixe la spirale qui se crée. Les secondes passent puis il regarde le vide d'un oeil éveillé. Il n'y a pas dans son regard l'égarement propre à ceux scrutant dans le présent les contours flous du passé, ni rien qui suppose un hélas nostalgique. Il regarde toujours et observe ses réflexions. À la commissure de ses yeux, de petites larmes de glace sèchent et disparaissent. Ses mains creuses tiennent la petite tasse de café et s'y réchauffent pendant qu'il transpire encore la brume glacée du matin. Sa barbe hirsute est encore gelée, sa tuque croche laissent paraître les rides qui lui lacèrent le visage, l'âge trace les traits de sa peau ; il se lèche les lèvres aux trois secondes, tic anodin d'une nervosité bien ancrée depuis longtemps. Il ne parle ni ne regarde personne autour, sort un petit calepin et y inscrit quelque chose. Les minutes passent et il continue d'errer de son calepin à l'espace. Il déchire la feuille sur laquelle il écrit, la plie en huit et la met en dessous de la patte de la table qui tremble. Il se lève et s'en va. Personne ne me porte attention, je me lève, prends le papier et le lis. 

lundi 23 février 2015

corps endolori du trop de plaisir d'hier, je sens encore le vent, mes jambes sans cesse en mouvement, la vitesse et la neige, beaucoup de neige, froid glacial ce matin, Sibérie montréalaise, prose saccadée, clin d'oeil à un ami, merci pour l'inspiration, frimas sur ma paupière et mes cils pris collés, dehors dégradés de bleu ciel allant vers du blanc, j'allume une chandelle, j'allume toujours une chandelle ces temps-ci, le calme de la flamme, atomes pétillants à la rencontre des matières, limites inconnues de moi au monde, routine connue et possible mais au demeurant imprévisible, à la radio un printemps chaud est à prévoir, manifestations et perturbations contre l'austérité, corporations équilibre budgétaire relancer l'économie - je déteste ces mots, sauf le l apostrophe, il ne me dérange pas, il est là malgré lui -, livres devant moi, quoi lire? musique à côté, quoi écouter?, heureusement j'ai du choix, écrire pour lutter contre l'ennui, se maudire de ne pas avoir assez d'imagination, trop d'images floues, fermer les yeux pour mieux voir, voir, et regarder

dimanche 22 février 2015


entrer dans la nuit avec dans le corps toute la fatigue accumulée sur les pentes de la montagne le pressentiment d'un sommeil calme déserté d'insomnie avant de marcher sur le chantier des réalisations proches un peu de sérénité

samedi 21 février 2015

Réponse

Très cher Francis,

J'ai souri jusqu'aux oreilles quand je suis allé voir ton blog hier pour y trouver ta missive, et je me suis dit que ce ne serait que le logique retour du balancier que de te répondre sur le mien. Et comme il y a de cela trop longtemps que nous avons bu ensemble (c'est long un mois), j'ai l'impression d'avoir trop de choses à te dire, je sais que ça va aller dans tous les sens, donc pardonne à l'avance cette réponse décousue que constitue le présent texte.

Est-ce que mes insomnies se sont finalement endormies? Je ne veux pas être trop enthousiaste à ce sujet, car oui je dors mieux depuis trois nuits, mais elles étaient si intenses la semaine passée que c'est tout mon corps qui s'en est ressenti et épuisé, en proie à des spasmes qui m'ont plié en deux de douleur pendant 48 heures, je me suis ramassé à l'urgence dans la nuit de samedi dernier. Je prends des médicaments depuis dimanche, je me sens mieux et, surtout, je dors mieux. Quand je dors quatre heures consécutives, c'est un exploit. J'ai ralenti la cadence côté sport dernièrement, mon corps récupère et mon sommeil s'en ressent. Tant mieux. Ça reste quand même étrange de constater à quel point dormir peut m'être difficile. Comme s'il y avait un dragon battant sous la peau qui refusait de s'apaiser.

Hier soir, je n'ai rien fait. Maryse n'était pas là. J'ai écris un peu, à peine en fait, à peine lu aussi, j'ai tout fermé ; j'ai allumé des chandelles et j'ai écouté Bach, Beethoven, Schubert. En buvant un Tobermory 10 ans et un Lagavulin 12 ans, je voyais presque la musique. Sinon mes souvenirs d'Écosse. Tout ce vent et ce vert assombri de nuages.

Je suis présentement en train d'écouter le trio pour piano et cordes n°2 D.929 de Schubert, je t'en ai parlé dernièrement et je ne peux que te conseiller davantage de l'écouter, c'est magnifique. Je suis seul, à la lumière de chandelles, des bouquins autour et ça qui joue. Je n'entends rien sauf cette musique présentement. On ne dirait pas qu'il tempête dehors, je m'imagine facilement les rues désertes où ne s'engouffrent que le vent, la neige et les passants perdus qui cherchent à tout prix à retourner chez eux pour se réchauffer. Dame nature semble elle aussi avoir quelques spasmes ces temps-ci. Le mitan du deuxième mouvement est d'une intensité qui somme le monde de se taire. Ça ne dure que quelques secondes, mais ces secondes sont éternelles.

Comme tu peux le constater, je persiste et signe quant à notre petit défi, pour le meilleur et pour le pire. Certains de mes derniers textes/posts sont d'une insignifiance désolante, mais je ne me censure pas, je commence de plus en plus à en avoir rien à foutre on dirait. Mais ce n'est pas négatif au contraire, je crois que ça peut permettre de désacraliser un peu le travail d'écriture - on se met tellement de pression merde -, le but c'est d'écrire. Même si c'est mauvais, ça ne peut pas être pire que le monde dans lequel on vit (pardonne mon pessimisme, mais je viens de terminer True Detective - merci pour la découverte. J'ai déjà hâte de réécouter cette série, trop fort. Je veux d'ailleurs que tu me renvoies les clips que tu m'avais envoyés une première fois, je ne les trouve plus et je veux savoir quelles scènes t'ont le plus marqué.). En tout cas, ce petit défi est agréable, même si des fois je suis gêné de poster certains textes, mais ne serait-ce que pour la discipline que cela impose, ça me permet d'envisager positivement mon projet pour l'été prochain.

Comme ça tu es retourné à la recherche du temps perdu? Bon voyage mon ami! Je te comprends tellement et je t'envie aussi, j'y retournerais demain matin si ce n'était de mes présentes obsessions qui me gardent cloué à Joyce. Je viens de me taper tous ses poèmes de jeunesse (va falloir que je t'en reparle), une traduction que je ne connaissais pas de Dubliners et je commence à l'instant Stephen le héros, sa première version de Portrait de l'artiste en jeune homme. J'ai interrompu ma lecture du Wake, car je me suis rendu comte que pour rentrer dans ce labyrinthe, je dois (re)commencer par le début. On a toujours associé Joyce à Ulysse si bien qu'on délaisse souvent ses oeuvres de jeunesse, et si ses poèmes sont très inégaux, les nouvelles de Dubliners sont d'un naturalisme qui rendrait Zola jaloux comme un chat - jusqu'à l'épiphanie finale que j'ai postée avant-hier -, et les médiations sur l'art que l'on retrouve dans Portrait sont aussi transcendantes que celles de Proust. Bien sûr, tout ça est amené différemment, on ne peut pas comparer un volcan et un océan mais, crois-moi, c'est d'une puissance extraordinaire. Je viens d'écrire six lignes que je viens d'effacer, ça commençait à être trop long, va falloir qu'on s'en parle de vive voix. Déjà, cette réponse s'étire trop et pourtant, je pourrais écrire encore très longtemps. Faut croire que notre amitié m'inspire l'ami! 

On remet ça de vive voix cette semaine? Ou on continue notre correspondance au vu et au su des internets? Dans tous ces mots vains et leurs échos sourds, on dirait qu'il y a un certain silence qui plane sur cette page, ce n'est pas déplaisant. 

vendredi 20 février 2015


tout n'est que neige et vent
depuis les trois derniers jours
plus froids que froids

vendredi soir
je ne fais rien
sinon déguster un whisky
en regardant les flammes des chandelles danser
je ne lis pas
j'arrête d'écrire dans quatre vers

j'écoute Glenn Gould
murmurer par-dessus Bach
et je fugue
immobile et calme

jeudi 19 février 2015


"Elle était profondément endormie.
Gabriel, appuyé sur son coude, regarda quelques instants, avec animosité, ses cheveux entremêlés et sa bouche à demi ouverte, écoutant sa respiration profonde. Ainsi il y avait eu dans son existence cet événement romanesque : un homme était mort pour elle. Maintenant il ne souffrait plus guère la pensée du rôle dérisoire qu'il avait, lui, son mari, joué dans cette existence. Il l'observait dans son sommeil comme s'ils n'avaient jamais, lui et elle, vécu ensemble comme mari et femme. Avec curiosité ses yeux s'arrêtèrent longuement sur son visage et sur sa chevelure : et en pensant à ce qu'elle avait dû être alors, en ce temps de sa première beauté d'adolescente, un sentiment de pitié étrange, plein d'amitié, pénétra son âme. Il ne  tenait pas à reconnaître même dans son for intérieur que son visage avait perdu sa beauté, mais il savait que ce visage n'était plus le visage pour lequel Michael Furey avait bravé la mort. [...]
L'air de la pièce lui glaçait les épaules. Il s'allongea avec précaution sous les draps et se coucha près de sa femme. Un par un, ils devenaient tous des ombres. Mieux valait passer hardiment en cet autre monde, dans la plein gloire de quelque passion, que de s'effacer et se dessécher lamentablement au fil des années. Il songea à la façon dont celle qui reposait à ses côtés avait enfermé dans son cœur pendant tant d'années cette image des yeux de son amant à l'instant où il lui avait dit qu'il ne souhaitait pas vivre.
Des larmes généreuses emplissaient les yeux de Gabriel. Il n'avait jamais lui-même rien éprouvé de tel pour une femme, mais il savait qu'un tel sentiment devait être l'amour. Les larmes se pressèrent plus drues, et dans la demi-obscurité il crut voir la forme d'un adolescent debout sous un arbre dégoulinant de pluie. D'autres formes étaient à proximité. Son âme s'était approchée de cette région où demeurent les vastes cohortes des morts. Il avait conscience de leur existence capricieuse et vacillante, sans pouvoir l'appréhender. Sa propre identité s'effaçait et se perdait dans la grisaille d'un monde impalpable : ce monde bien matériel que ces morts avaient un temps édifié et dans lequel ils avaient vécu était en train de se dissoudre et de s'amenuiser.
Quelques petits coups légers sur la vitre le firent se tourner vers la fenêtre. Il avait recommencé à neiger. Il suivit d'un œil ensommeillé les flocons argentés et sombres qui tombaient obliquement dans la lumière du réverbère. Le temps était venu pour lui d'entreprendre son voyage vers l'Ouest. Oui, les journaux avaient raison : la neige était générale sur toute l'Irlande. La neige tombait sur chaque partie de la sombre plaine centrale, sur les collines sans arbres, tombait doucement sur le marais d'Allen, et, plus loin vers l'ouest, doucement tombait sur les sombres vagues rebelles du Shannon. Elle tombait, aussi, en chaque point du cimetière solitaire perché sur la colline où Michael Furey était enterré. Elle s'amoncelait drue sur les croix  et les pierres tombales tout de travers, sur les fers de lance du petit portail, sur les épines dépouillées. Son âme défaillait lentement tandis que qu'il entendait la neige tomber, évanescente, à travers tout l'univers, et, telle la descente de leur fin dernière, tomber, évanescente, sur tous les vivants et les morts."
- James Joyce

mercredi 18 février 2015

Écrire sur la nature, la beauté, la poésie, l'anarchie, la paix, l'amour, l'espoir intarissable, le don de soi, l'honneur, la reconnaissance, la connaissance, la tolérance, cette musique punk qui me coule dans les veines depuis plus de vingt ans, la contestation de l'autorité, les manifestations et les manifestes, les désirs de changer le monde, enseigner, les pulsions de vie, vouloir embrasser le monde, l'espace et l'univers, le temps, toutes ces putains d'étoiles, le mystère, le connu et l'inconnu, les whiskys de l'île d'Islay, les falaises, les hivers québécois, observer l'oeil alerte, respirer le monde, les bons sentiments, la sensation d'être utile, la famille, l'amitié, Albert Camus et René Char, les amis ici et partout à travers le monde, Cisfran Lussier, les beats, le jazz, les portes de la perception, fumer la pipe, le vin, la bière noire, le hockey, les sports, Rimbaudelaire, l'absinthe, l'alchimie, la science, les documentaires animaliers, le cinéma brillant, le Saguenay, les souvenirs, les écrivains russes, Glenn Gould, Beethoven, Bach et tous les autres, Nietzsche, Freud, les rêves, écrire, écrire la lumière, le confort de l'ombre, l'inépuisable nuit, Proust, les jeunes filles en fleurs qui parfument mon passé, la sonate de Vinteuil, le temps retrouvé, le Québec cette Irlande bleue, ses écrivains et sa langue, la folie et l'excès, la démesure, la bruit et la fureur, Walt Whitman et Dylan Thomas, l'automne et l'alcool, la mer et l'océan, Moby Dick, Don Quichotte et Sancho Pança, Django Reinhardt, monter des montagnes, marcher de sommets en sommets, les détours, les déroutes, les rues de Montréal en longboard, le vent, le feu, l'eau, l'histoire, la philosophie, la force, la volonté, l'indépendance, la liberté, l'impossible et le possible, le délire, la grandeur d'âme, la sagesse, l'érudition et le savoir, l'intelligence et le génie, la sensibilité, la compassion et la passion, cette ostie de vie inébranlable qui me court partout dans le corps, la fulgurance, tout ce que j'oublie, William Shakespeare et James fucking Joyce!!!

Je me contredis? Mais bien sûr que je me contredis, je suis large, je contiens des multitudes.
Anarchy and peace. Still.

mardi 17 février 2015

Ah ben criss! Pas de sujet, pas d'idée aujourd'hui. M'a être pogné pour écrire sur la plate plate réalité plate. Merde. Parce qu'après tout, qui a envie d'écrire sur les fous de dieu, tous les câlisses de prophètes sans exception, le racisme, l'intolérance, l'intégrisme, la haine, les médias sociaux, le triomphe de l'opinionage mesquin, le déclin de l'intelligence, la valorisation du narcissisme, les cerveaux lents, le déni du réchauffement climatique, les guerres, l'écart grandissant entre les riches et les pauvres, le culte de l'image plutôt que du talent, le capitalisme, les libertariens, l'austérité, le refus identitaire, le sacro saint argent - dieu de ceux en mal d'imagination -, la destruction de la nature, les fillettes utilisées comme bombes humaines, la droite comme la gauche, la politique, la musique merdique, la prostitution des âmes, le rejet des philosophes, les mépris des poètes, l'aveuglement volontaire, la soumission, l'esclavagisme, la disparition des bélugas, le gaspillage de l'eau potable, le divin pétrole, les blogueurs de merde, ceux qui refusent la culpabilité inhérente de l'homme, les bienheureux ignorants, la bêtise humaine, la stupidité collective, le droit des dire âneries au nom de la très haute liberté d'expression, l'absence totale d'une honte globale qui nous permettrait de renaître un peu et toutes les autres choses qui ne font que distiller en moi le plus profond nihilisme.

Écris le temps d'un album de vieux punk, par un vieux punk de 35 ans qui a juste envie d'envoyer chier le monde aujourd'hui. Fuck off! Anarchy and peace.

lundi 16 février 2015

"Les couteaux rouillés dorment dans leur proie pendant que sur de noires enclumes se forgent les lames vierges de demain."
- Roland Giguère

dimanche 15 février 2015

Du caprice des muses

Tom Waits, artiste on ne peut plus prolifique, ne s'est jamais considéré comme cet artiste qui à force de travail acharné crée des chansons : il a souvent dit qu'il en devait énormément aux muses, ces éclairs d'inspiration qui favorisent la création. Seulement, il n'a jamais su prévoir quand elles se manifestent, manifestations d'ailleurs assez rares selon lui. À compter la quantité de chansons qu'il a écrites, on serait porter à croire le contraire. Toujours est-il que toute sa vie il a cherché sans cesse à forcer leur apparition à travers tous les excès possibles, le plus souvent sans résultats probants. Ce qui l'a amené à l'anecdote suivante que je me souviens avoir entendue lors d'une vieille entrevue : après plusieurs semaines sans être capable d'écrire quoi que ce soit, il quitte son studio complètement furieux pour un rendez-vous prévu depuis quelques jours déjà. Il a deux heures de route à faire pour s'y rendre. Alors qu'il roule à pleine vitesse sur l'autoroute, l'éclair le frappe d'un coup impitoyable et soudain l'inspiration apparaît sans crier gare. Il ne peut arrêter sa voiture, il continue de rouler le plus vite possible pour arriver le plus tôt possible à destination et ne pas rompre ce lien privilégié avec cette généreuse muse qui daigne se montrer en un si mauvais moment. Il redouble de vitesse, mais la muse se fait plus insistante : c'est maintenant ou jamais, Waits doit noter ou écrire quelque chose sinon il va le perdre. Il arrête sa voiture en catastrophe sur le bord de l'autoroute et cherche un calepin, mais le temps de se concentrer sur cette simple manoeuvre, la muse a foutu le camp. Et lui de sortir de sa voiture brûlante, pris entre l'asphalte et un soleil de plomb, et de lever les bras dans les airs, les poings serrés, et de crier de sa voix de papier sablé au ciel : "What the fuck is wrong with you? Can't you see that I'm driving??"
J'adore cette anecdote et l'image que j'en ai est indélébile.
Et peut-être que je serais dû pour une ride de char.

samedi 14 février 2015

Je ne suis pas sûr si puiser son inspiration dans l'insomnie est une bonne chose - d'un coup que j'y prendrais goût. Toujours est-il que lors des trois dernières nuits, à scruter le noir une fois les yeux adaptés à l'obscurité, j'ai senti naître des images à approfondir - théâtre d'ombres -, des images invisibles le jour. De quoi dessiner davantage le projet à venir qui lentement se peaufine. 

vendredi 13 février 2015

cette fatigue du corps qui refuse le sommeil
de l'esprit incapable d'écrire

"Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore? ... Si oui, tout va bien. Ça suffit."
- Céline

jeudi 12 février 2015

Lire avec le sourire les poèmes de jeunesse de James Joyce et constater à quel point c'était un amoureux fini.

mercredi 11 février 2015

Réunion départementale dans une salle de classe beige hôpital pas possible. Mon ennui n'a d'égal que mon manque de mots pour le décrire. Pas de fenêtres où m'évader. J'essaie d'en ouvrir une. 

Une boule de foin poussée par le vent dans un désert perdu. Un désert brûlant hydraté au whisky où traîner ses pas et son regard plus loin que l'horizon. Accoté sur la voiture - une véritable fournaise -, tout empoussiéré, lire Leaves of Grass. Les pages sont tachées de sable et l'encre agrandit le ciel au-dessus. Le sentiment de tenir dans ses mains une Amérique si lointaine. (Comment traduire adéquatement le mot "Self"? "Soi" me paraît insuffisant.) Whitman est un géant à deux doigts de tenir le soleil dans ses mains. Et de le donner aux autres, dans sa poésie. Le vent fait chanter le métal rouillé d'un resto abandonné au milieu de nulle part.  

La réunion est terminée. Les images sont venues par flash, inconstantes. 

Quatre heures d'enseignement devant moi. 

La Renaissance.

mardi 10 février 2015

nous avons marché sur la nuit
et maintenant
nous avançons dans les failles de l'aube
remplies de restants de rêves
et attendons le lever du jour
que nous savons invincible
comme l'hiver qui hurle
un cri pur
celui qui fait vibrer les cordes
celui qui ébranle les fibres

il n'est pas de plus belle quête
que celle inutile
que celle insensée
tracée des spasmes de nos pas

lundi 9 février 2015

automatisme

Ça faisait longtemps que je n'avais pas mis ma tête sur le billot du papier où la plume est la hache, imaginant les coups tombés sur mon trop plein d'idées, tranchant tout, les blessures, les images multipliées par le prisme de l'insomnie. Déjà après une seule phrase je prends trop mon temps. Première image soudaine en tête : Jack Kerouac martelant sur sa machine à écrire, dans une épileptique frénésie créatrice, les mégots de cigarettes s'entassant à profusion dans ses poumons, heures et jours enfumés, le goulot jamais loin, débordant distillat de phrases, confusion des souvenirs à immortaliser sur le papier - faut pas perdre le passé -, le baume alcooleux des solitudes. Ginsberg pas loin lui disant d'écrire encore plus sans jamais s'arrêter ; la poésie à porter d'atteinte, l'écriture placé au-dessus de tout, beaucoup de vie à l'état pur. Dans son incongruité, son chaos, son feu d'artifices incontrôlable. L'écrivain comme spectateur ébahi devant les possibles. Je dois arrêter pour l'instant, car un ami m'attend à l'autre bout du quartier. Pour le rejoindre j'irai marcher dans le froid jusqu'à ne plus sentir mes os. Le paralysé avancera dans la nuit froide et rêvera au sommeil qui le fuit, étranger. 

dimanche 8 février 2015

dimanche

thé matinal aux lueurs des chandelles
la neige dehors danse en silence
trinité dominicale - Dvořák, Joyce, Herzog
Nouveaux Mondes

samedi 7 février 2015

"Some of them I have revisited a little, but if I went on revisiting everything that I now do not like in this book I should be so busy that I would have no time to try to write new poems." écrit Dylan Thomas dans l'introduction de Collected poems, son ultime anthologie, un an avant de mourir à l'âge ridicule de 39 ans. Même les ogres peuvent mourir d'excès, les alcools du poème tantôt éteignant tantôt ravivant le brasier des âmes débordantes. Lui arrivait-il de sonder en lui-même - ce que je fais ce matin - et de ne rien trouver? Dylan Thomas, inépuisable, et son artéfact, son infaillible bâton de sourcier.
J'essaie et je me sens forcer les absences. En moi et autour, que les échos du vide. Que les dieux du passé dans la pierre, que le néant voilé de la mante du monde. Une sensation de désert dénué de nuages - je plains ceux soumis à la tyrannie du soleil. Sûrement demain sera différent, mais si aujourd'hui était un jour inutile? Pris entre la transparence de l'être et l'impénétrabilité du monde?

vendredi 6 février 2015

La fascination du fou

Encore cette curiosité insatiable à voir le fou. Le vrai et le génial fou. Comme si nous accédions au troplein enfermé dans la psyché humaine. Le fou honnête et nu dont les spasmes annoncent le génie. Il y a une authenticité dans la folie qu'on ne retrouve nulle part. Hamlet se laissant emporter par son propre jeu. Kinski explosant de rage pour distiller l'émotion. Joyce écrivant l'illisible langage universel pendant dix-sept ans. Does nobody understand? Ses derniers mots avant de mourir, aveugle, lui qui voyait le monde comme personne. Je crois qu'il ne voulait pas qu'on comprenne son livre, mais pourquoi il l'a écrit. Comprendre. Chercher l'inconnu contenu en soi, jusqu'aux révélations, jusqu'aux épiphanies. L'impression de pincer la corde, la fibre nerveuse de la vie même. Et dans ses vibrations sentir les possibilités du génie.

jeudi 5 février 2015

Dans le métro

Laura Jane Grace cris sa vie démente dans mes écouteurs. "No more troubled sleep, there's a brave new world that's raging inside of me." C'est lorsqu'on connaît son histoire qu'on se rend compte de la puissance d'Against Me! Avec le point d'exclamation s'il vous plaît. Autour de moi, un étudiant de Blaise - le nez dans Le Nez qui voque - et un de Marie-Êve - La Nuit d'Élie Wiesel. C'est la dernière chose que je lirais en ce moment. De mon côté, mon Laferrière me tombe des mains, sa fatigue m'ennuie mortellement. Le degré zéro de la fulgurance. Faut parfois varier ses lectures qu'ils disent et sortir du ventre des monstres. Ok. Mais pourquoi? Pour apaiser un peu la rage en soi? Attendre l'explosion de nouveaux mondes? N'importe quoi. 

Je refuse de me nourrir de poussières vaines.

Je veux rugir. Je veux cracher du feu. Je veux créer des mondes.

mercredi 4 février 2015

"In the midst of the broken consciousness of mid twentieth century suffering anguish of separation from my own body and its natural infinity of feeling its own self one with all self, I instinctively seeking to reconstitute that blissful union which I experienced so rarely I took it to be supernatural and gave it a holy Name thus made hymn laments of longing and litanies of triumphancy of Self over the mind-illusion mechano-universe of un-feeling Time in which I saw my self my own mother and my very nation trapped desolated our worlds of consciousness homeless and at war except for the original trembling of bliss in breast and belly of every body that nakedness rejected in suits of fear that familiar defenseless living hurt self which is myself same as all others abandoned scared to own our unchallenging desire for each others. These poems almost unconsciousness to confess the beatific human fact, the language intuitively chosen as in trance & dream, the rhythms rising on breath from belly thru breast, the hymn completed in tears, the movement of the physical poetry demanding and receiving decades of life while chanting Kaddish the name of Death in many mind-worlds the self seeking the Key to life found at last in our self.
- Allen Ginsberg

mardi 3 février 2015

requiem

Il y a quelques jours à peine, un des mes anciens professeurs est décédé et il n'aura jamais su à quel point il m'a inspiré.

Parce qu'il y a des moments pour écrire et qu'il y en a d'autres pour garder le silence.

lundi 2 février 2015

"La nostalgie est une forme de drogue, avec ses bons et ses mauvais côtés." Entendu cette phrase ce matin à la radio, prononcée par jsais pu qui. Il semblerait vraiment les astres et les désastres s'alignent dernièrement par rapport à cela. L'essai de Jonathan Livernois, celui d'Isabelle Daunais et cette citation ce matin témoignent de cette certaine conjoncture qui m'obsède de plus en plus. Notre rapport au passé comme une déficience freinant notre erre d'aller vers l'avenir à courtmoyenlong terme. 

Comme notre nation s'est construite d'inachèvements en inachèvements, et que cet inachèvement global, par contingence, est devenu permanence, l'on regarde vers le passé pour comprendre ce qui a mal tourné, la larme à l'oeil à l'évocations des idylliques "prochaines fois" à l'écho résonnant, au lieu de regarder vers l'avenir pour créer cette prochaine fois.

Systématiquement pris entre le passé et l'avenir, dans la permanence d'un long fleuve tranquille, c'est comme si l'on attendait que les digues poussent toutes seules.

La poésie se fait rare dans la tempête de nos émotions paralysées.

dimanche 1 février 2015

Vendredi après 12h

Tronçon crotté crade sur la Sainte et révérée Catherine entre Berri et Beaudry. Un jour sans soleil. Le blanc se superpose au gris et rien ne brille d'aucun feu. De gros badauds sentent le rancie et la pisse dans l'après-midi menant à la fin de semaine. Tout pu aujourd'hui on dirait.

Un être humaimprobable en haut de l'escalier. Il voit mon Kaddish de Ginsberg et il m'interpelle. Une voix impossible, haut perché, asexué ; j'ai dû lui demander son nom pour savoir. Il me dit qu'il est allé à San Francisco quand il avait 15 ans et qu'il est le petit petit petit neveu d'Émile Nelligan. Je le crois, naïvement peut-être, mais je ne pose pas de questions.

Il me dit qu'il écrit de la poésie et qu'il médiumnise. Lorsqu'il lit de la (bonne) poésie, les mots créent des vibrations qui lui permettent d'entrer en contact avec le poète. S'ouvre alors de nouvelles portes de nouvelles perceptions. Je le crois un peu moins.

Ses propos disent vague entre cohérence et confusion. Derrière ses grosses lunettes fumées en mal de soleil se cache l'impénétrable. Je suis las de préjuger. Je l'écoute, souriant tantôt de sa candeur, soupirant ensuite quand il se montre envahissant. Les dix cussions sont terminées et il quitte. Transmigration de l'électron libre dans la nuit qui se lève. Parce que les nuits ne font pas que tomber.

Le sax de Coltrane blow doucement pendant que l'escalier se remplit. Non, vraiment, la nuit se lève et la bière a mer. La semaine vient de muer, elle perd sa vieille peau et s'en fera une neuve pendant le week-end.

Pendant ce temps, les échanges solidifient l'amitié. Il faut tester les piliers de l'existence pour se rappeler leur force et leur importance.

On se lance un défi. Qu'on va relever. L'enjeu? Une bière qu'on boira entre amis. Sans vainqueur ni perdant. Juste des mots. Des mots. Des mots. Des mots.