mardi 29 mai 2012

Éclair

Le temps gris, ce matin-là, l'avait amené dehors très tôt. Il aimait le temps incertain, ce vent poussant les armées de nuages envahissant le ciel de leur profondeur et cette odeur de terre humide grouillante de vie. Il la sentait se mouvoir sous ses pieds, il voyait les vers sortir de terre, il foulait l'herbe molle. Cette impression d'un magma vert. 
Il allait bientôt pleuvoir, il pouvait sentir un souffle humide le traverser. L'orage arriva comme torrent, un véritable rideau de pluie déferla comme une avalanche et le paralysa. Il était impossible de l'éviter de toute façon donc il l'accepta. Sans bouger, il attendit la vague. La pluie était chaude. Il devint instantanément trempé, l'eau coula le long de ses jambes jusque dans ses bottes. Le parc était, sans surprise, désert et il profita du moment. Des flaques d'eau et des petites mares de boue se formèrent rapidement autour de lui. Il marcha lentement et la pluie ne diminua pas. Il n'entendit plus le tumulte de la ville, mais que le grondement et le crépitement endiablé de l'orage.
Alors tomba du ciel, autrement dit de nulle part, un formidable éclair à environ trente pieds de lui. Ce fut une implacable chaîne électrique aveuglante. Simultanément, une onde électrique se dispersa et l'atteignit dans les jambes, il vacillât et tomba, les jambes raides, les nerfs barrés. Sa respiration coupa. Le saisissement décupla la douleur et il finit pas se relever après être passé au sol des secondes semblables à des heures. Il avait l'impression que ses jambes tressaillaient et grésillaient. Il alla voir, à trente pieds de lui, la marque laissée par l'éclair, un cercle de terre brûlée : "Il s'en est fallu de peu, fatal destin que d'être frappé par la foudre." Peu après, doucement, la pluie cessa. 
Privilégié, il partit en boitant, les muscles encore tendus. Il arriva chez lui, dix minutes plus tard ; il y avait un soleil magnifique dans le ciel.

jeudi 24 mai 2012

Temps des jours

Le plomb du soleil est venu lourd d'une immense solitude. Un néant bleu, implacable, totalement dénué de mystères. Le jour passe sans que rien n'avance.

mardi 22 mai 2012

La persévérance des foules

L'aube s'est levée dans le crissement des voitures sur la chaussée trempée. Tout est bruit déjà. Le remous des foules monte. Soudainement l'air est salé, partout le vert de l'herbe. Des milliers de gens iront fouler les fleurs de l'asphalte. Sous le cielte, leur force avancera plus vite que le jour et à travers le gris des nuages, un phare, une lumière qui tourne, le guide étourdi des révolutions. Ce sont les hommes qui construisent les phares. Personne ne les arrêtera.

lundi 21 mai 2012

Temps du soir

En cette veille de révolte, une averse de vent entreouvre la ville. Le soleil s'est hâtivement retiré ce soir, laissant se dévoiler l'éventail gris d'une mer de nuages. Dans Villeray, de la rue St-Denis s'élève une chorale de casseroles, de klaxons et de cris, et hurle une cacophonique cadence. Cinq minutes à toutes les heures. Un appel à la désobéissance. Échos à l'unisson qui demain deviendront marche pour un centième jour de grève. Mais il y a la crainte que les matraques abattront le rythme. Ce sera un jour total. Il fera orage et l'aube sera sombre. 

Manifeste brouillon

Je voudrais écrire sur les manifs, mais tout ce qui me vient en tête c'est : Et le souffle des luttes, alors qu'il vente à tout rompre, alors que tout déferle en emportement au nom d'idéaux divisés, déchire les liens d'un peuple mal tissé. Je voudrais écrire sur les manifs, mais le conflit dérive dans un épavepays et la poésie a déserté les rues sous les poings d'un barbarisme multicolore.
Je voudrais écrire sur les manifs mais je manifeste pour la poésie ; pour la prose se révoltant contre l'actuel ; pour l'union des mots créant nouveau langage ; pour sonder l'essence des choses ; pour approfondir les rapports à l'autre ; pour disséquer les systèmes et les structures ; parce que le mystère règne dans l'énigme ; la poésie du monde dans l'image libre qui passe.
La colère est de feu. L'encre côtoie l'huile. La plume et le poivre à canon. Je voudrais écrire sur les manifs, mais je n'écris que brouillon.

Des mots et des hommes

"René Char est le plus grand marieur de mots. Je ne parle ici que des mots les moins faits, par leur sonorité ou leur sens, pour aller ensemble. Des mots que la fatalité de leur nature vouait à ne se rencontrer jamais. Non seulement le poète juxtapose le concret au concret, le concret à l'abstrait, mais encore les mots abstraits entre eux, qui prennent là un éclat jamais vu. Notre perception ordinaire du monde s'en trouve ruinée et, sur ces décombres, brille un nouveau soleil. On comprend l'autre ambition, l'autre espoir de René Char : ce que l'on peut faire avec les mots, pourquoi ne le réussirait-on pas avec les hommes?"
- Yves Berger (1967)

jeudi 17 mai 2012

Les images libres

Pour une image à l'intersection du mot et du sens, toutes allées avenues. Pour une géographie de la prose, une géologie de l'être, une science artiste poétisant théorème. Abstraction libre. Dans le parcours des révoltes se déchaîne une urgence hardie, une irrésistible quête jusqu'aux courbes du gouffre, jusqu'à la voûte des songes. Se défaire des limites du monde pour une déflagration du beau. Ne chanterai jamais le requiem des révoltés, saisi par la violence d'une brusque conviction, de l'étalement d'une volonté à perte du vue. Ouverture dans l'étendu.

mercredi 16 mai 2012

orage

il y a un formidable orage dehors
la violence d'une force tranquille
qui oblige à tout arrêter
juste un court instant

Les images prisonnières

Les sens en manque d'anarchie. Les abîmes barrières du cerveau. L'impression d'un coeur encagé, les spasmes battant dans ce dinosaure ce thorax. Déjà fossile, l'humanité sédiment. Sensation de sable inconstant. Mer et désert des signes qu'efface l'incompletemps. De l'informe flou des images naissent des miragemots, des refoulements de réel où se superposent l'infime et l'immense. Les sens confrontant la surface des choses doivent sonder l'essence.  L'inconnu est ici, détenu.

mardi 15 mai 2012

Un peu de fureur et de bruit

Dessine les villes où tu te trouves, anonyme, dans l'espace blanc vidé des runes. L'étal azur phrase les ruines, les chants d'une symétrique rupture ; un entredeux noir et blanc où chorale une nouvelle peste, fléau d'une société orquestre. La fureur et le bruit. La fureur appelle tonitorrent de rage anamorphe le monstruand tapie. Et coeurs et ventricules étranglés, monde réduit à une cavité aux parois lacérées. Le bruit est amer, tumeur incontrôlable, tu meurs d'avoir bu jusqu'alalie le sel de l'or blond et la râpeuse folie. Ictolle foliquéfiée, explosion des bruits grotesques, le decrescendo des échos estropiés. Le bruit et la fureur de l'âmécorchée passent comme grains en un drone, la détresse en liesse des tissus, un vortex mauve. Elles fouettent en silence ces souffrances promesses, furieuses du désespoir en l'âme qui chante le divorce des espérances. 

mardi 8 mai 2012

Temps des jours

Hier, trois heures sous le soleil à revoir et corriger de la prose mille-pattes, des poésies insectes, à dépoussiérer des mots fossiles ; des scorpions, des crabes et scarabées qui, vers vains haineux, triturent et truculent l'oreille et le coeur dans le désert qui nous aride. 

L'espoir amène une indicible, une solaire invincibilité. 
Dans l'insouciance des actemps qui passent.

Aujourd'hui, rien. La pluie et le vent tempêtent. Le poêle et la cafetière qui crissent puis le café qui blopblop et fleure corsé. Des livres et des pages à n'en plus finir. La ville évanouie en avant m'indiffère. Que la pluie et le vent et les vers déterrés qui glissent le long de l'asphalte. Les images et les mots.

lundi 7 mai 2012

Seulétude

Tout crie autour de. Il se désaxe et se satellise, entre attraction et rétraction, soumis à l'indiscernable. Une autre semaine de révolution à dériver vague dans l'orbite. Un irrésistible souffle le pousse, étourdivre. À sa nébuleuse futile, il souhaite une finalité. Une concrétude. Tout crie autour. Il erre dans l'incertain, sourd.

mercredi 2 mai 2012

Érik Satie

...dans le silence brumeux de l'aurore grise.
Les Gnossiennes.
L'âme et le démiurge.
La constriction du temps.