vendredi 30 mars 2012

Épiphanie

"Un jour pommelé de nuages marins. La phrase, le décor et le jour s'accordaient harmonieusement. De simples mots pourtant. Était-ce à cause de leurs couleurs? Il vit flamboyer et s'éteindre leurs teintes une à une. Or du soleil levant, rouge et vert des pommeraies, azur des vagues, franges grises au toison des nuages. Non, cela ne tenait pas à leurs couleurs, mais à l'équilibre, à la cadence de la période elle-même. Aimait-il donc le rythme ascendant et retombant des mots mieux que leurs rapports de sens et de couleur? Ou bien était-ce que, faible des yeux et timide de l'esprit, il goûtait moins de plaisir à voir les yeux de l'ardent Univers sensible dans le prisme d'un langage multicolore et somptueusement expressif, qu'à contempler le monde intérieur des émotions individuelles, parfaitement reflétée dans les périodes d'une prose lucide et souple?"
- James Joyce

Estomaqué, je reviendrai toujours à ces mots. À travers cette épiphanie inégalable, véritable chef-d'oeuvre de pureté, toute la démarche de Joyce est là.

mardi 27 mars 2012

Au midi

Après une semaine surchauffée, le soleil en son midi refroidissait les ardeurs du printemps.  Un homme, peu inspiré, alla traîner sa solitude dans un parc voisin, trou vert dans une ville faussement tranquille. Il vit un homme là-bas, tout de noir vêtu, avec un masque et une batte de baseball à la main, frapper dans l'air des balles invisibles, entre des pas de danse ridicules. La folie est souvent plus proche qu'on ne le croit. Le fou répéta ce manège pendant une longue demi-heure. 
Plus l'homme marchait et plus se dévoilait autour de lui le caractère profondément illusoire de l'isolement qu'il était venu chercher. Certes, au regard le parc était paisible : il y avait ici et là quelques passants, les habituels joggers et d'autres qui jouaient avec leur chien dans une indifférence béate. Mais petit à petit, l'homme se rendit compte de la marée sonore qui montait autour de lui. Deux avions passèrent coup sur coup et chargèrent le bleu du ciel d'un tonnerre mécanique, le bruit des travaux du quartier avoisinant  grondait en modulations amélodiques, et ce qui le frappa le plus fut l'extraordinaire cacophonie exponentielle et inlassable, comme une avalanche ascendante, de goélands surexcités s'entredéchirant l'ouïe à qui mieux-mieux, insouciance animale, et évoquant vaguement les échos des discours discordants de ce printemps mouvementé. Les cris confrontés aux sourdes oreilles, les idéologies sorties de l'hibernation, s'élevant et s'entrechoquant dans les fracas des différences.
Tranquillement assis devant l'étang, près des berges de quenouilles jaunies, l'homme se coupa du son qui l'entourait, tenta de s'isoler complètement et finalement n'entendit que le bruit de petites pattes dans les feuillemortes, accompagné du doux roucoulement des pigeons. Il fixa l'eau longtemps, se leva puis partit. Rien dans les poches, sans réfléchir, aucune pensée, mais reposé.

vendredi 23 mars 2012

Citation appropriée à méditer

"Je me révolte, donc nous sommes. Et nous sommes seuls."
- Albert Camus

mercredi 21 mars 2012

Printemps des jours (ou révérence affairée)

pensées bleues envahies par les sciences funestes
est resté de la nuit un saphir céleste
j'ai farfouillé les dieux et j'ai trouvé l'azur
j'ai cherché les mots preux aux creux des commissures
les nuages absents ont déserté mes rêves
et l'angoisse du temps ne connaît plus de trêve
et je passe inconstant plombé d'incertitudes
arrive le printemps et toutes ses habitudes

caresser une peau un moment presque proche
il est né de cette eau une fleur sur la roche
et cette eau déversée était-elle mes pleurs
ou les lueurs fanées quand s'écoulent les heures
encore un autre jour dénué de merveille
ou bien j'ai les yeux sourds et le coeur qui sommeille
quand le recommencement crépuscule la fin
je suis las du présent j'attends déjà demain

mardi 20 mars 2012

Une semaine

à respirer dans l'air de ce printemps précoce alourdi du poids des luttes d'un côté bottes de ciment tête droite coeur battant en rythme empanaché d'idéal dans l'indifférence du dieu Mars et des autres révoltespoir et de l'autre langue de bois des matraques et la vacuité d'un langage incompréhensible suranné empreint de mauvaise foi injustice nulle part ne me reconnais plus impression de l'homme moderne réduit au plus petit dénominateur son nombril

mardi 13 mars 2012

s'arrête le temps des nuits effleure les fleurs du malt

impalpable parfum
s'effrite à travers
le filtre de l'or blond
liqueur du bout du monde
les fleurs du malt
épines amères
pétales de peines pleurent
irisent la rosée neigeuse
manteau de montagne
camphre d'idéal
puise au douvet des trèfles
au berceau des vals
les bourgeons de l'ivresse
maux de mon mal
s'entremêlent ce printemps
ces échos incongrus
ces espoirs
ces étoiles

jeudi 8 mars 2012

mystérieuse inspyralion

se déroule le long de l'encre
spirale de lalangue
fluideffusion
la lyre dorée des anges
saint ptaumes chants possessions
insistants fantômes
sporasmes poumons
réinspirent entre deux inactions
et dévoilent avéclats le souffle des proses

mardi 6 mars 2012

Déambulentement

marchant par les tranchées
ras les murs aux mille briques
là bas un parc blanc

scrutant le point de fuite
lointain aval de la rue lever de ville
on va
s'engouffrant

deux âmes
des images et des mots par milliers
sous une lune impossible
dans l'air froid
déambulant

Temps des jours

L'hiver a repris un peu de force et avec février la cinquième saison a disparu. Mars. La semaine passera dans le souffle des manifs. Ici l'attente. Toujours sous Le ciel de Québec je continue de lire cette épopée drôlatique, et toujours j'erre et reste, pèlerin poli, aux aguets du génie. Ou c'est peut-être moi qui ne voit rien.