jeudi 2 février 2012

Marilyn et Molly


Cette photo date de 1954. D'une sublime humanité, elle montre une Marilyn Monroe médusée en train de lire Ulysse. Elle a 28 ans, elle est au sommet de sa gloire mais on la voit ici dans un parc loin de tout, auréolée d'un naturel désarmant.
Si l'on se fie aux pages, Marilyn est en train de lire le chapitre ultime d'Ulysse, soixante pages découpées en huit paragraphes sans ponctuation, le soliloque de Molly

Volcanique Molly le chapitre de l'âme humaine aux limites de la folie fleuve de lave blonde Bloom a voyagé Molly voyeuse incapable de dormir car la fragrance de ses rêves d'autrefois est embaumée de la puanteur de son égout d'époux Molly femme adultère lascivesseulée délire sa salive amère et désenchantée d'aimer parce que perverse comme lui perverse comme tous les autres déviante rivière irriguant sexe et désir le long des corps érodés de solitude au-delà des souvenirs noyés peine de lettres d'amour elle rêve de flamboyante romance du viril Dache Boylan de la poésie du labyrinthique Dedalus et pourtant pourtant oui à Gibraltar une rose rouge dans les cheveux comme une jeune fille andalouse oui les roseraies les jasmins et les primevères oui baiser sous le mur des Maures oui torrent de mer écarlate oui fleur de montagne oui bras enlacés oui seins parfumés la peau fragile le coeur qui battambour elle avait dit oui oui je veux bien Oui

Le chapitre de l'acceptation résolue de la délivrance de l'affirmation absolue où dans le tonnerre des mots Jupiter Joyce l'irlandais fou a saisi la foudre à mains nues pour immortaliser des cendres de l'encre et ceindre d'éternité ce jour ce jeudi ce 16 juin 1904 une pluie d'éclairs toucha Dublin et frappa l'existence humaine de contingence la sortant du reflet de Narcisse les blanches fleurs aux rouges corolles se sont fanées marquant l'humanité en lui rappelant sa brièveté infinitésimale et microcosmique mais également ses ambitions homériques

"Les mots doivent changer parce que les temps changent." - Joyce

Nous sommes jeudi, je viens de finir Ulysse. Et dire que machinalement, j'ai remis mon signet, dans le livre, à la fin.


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