mercredi 11 janvier 2012

Boule à mythe

Catégorie spécifique où je ressortirai, sans rien changer, de vieux écrits non-négligables.

Ici, petit texte sympathique que j'ai retrouvé récemment, un des premiers que j'ai gardés.  C'est plein de clichés, mais je le reproduis sans en changer une virgule.  Dix ans déjà.  J'étais dans ma phase Lautréamont et Rimbaud.  Change-t-on tant en 10 ans?  

Je le relis : pourquoi l'ai-je gardé?

Pour la naïveté
Pour l'urgence 
Pour l'insouciance la plus plus totale
Et la béatitude qui parfois l'accompagne


Du fruit le plus pur au noyau décomposé

Une goutte de lune argentée se reflétait dans l'oeil d'onyx noir de la jeune femme, avec des stries de lèvres rouges dans son iris, neigeux comme les aurores de l'hiver.  Du givre se parsemait sur ses paupières à demi-closes et au bout des cils, telles des opales d'eau glacées où miroitaient faiblement les étoiles de cette nuit boréales.  Son regard indifférent fixait les arbres qui l'entouraient ; des vastes chênes d'hématite grisâtre aux branches comme les petites rivières brusque des profondes forêts, qui ont vu d'étincelants poissons migrer, et qui se déversent dans l'air, issues de cette colonne fluviale droite et dressée, aux sillages des bateaux intemporels l'ayant naguère navigué, qui prend racine dans la terre lourde et rêche.  Sur ses joues des veinules bleues, telles des parcelles d'éclairs captée par des regards étonnés d'enfants, se frayaient des chemins sur les dunes gelées de son visage jusqu'aux lèvres d'azurite, froides et immobiles, ayant auparavant ensoleillé le coeur de nombreux hommes.  De ses dents comme des cristaux de roches auxquels maints pilleurs ne pourraient résister, coulait un mince filet de grenat rouge coagulé dans la froideur précoce de l'hiver.  Sur son cou, des cheveux de jaspe et de jais lisse respiraient le vent froid qui les berçait, et ils valsaient doucement sur sa nuque émoussée que l'homme caressait comme un coquillage épuré par les eaux endormies des grands lacs miroitant.  Faisant dos à la nuque, sa gorge d'améthyste brisé se déversait sur le sol enneigé, et laissait voir le corail prendre la forme d'un récif morcelé entre les golfes las de sa poitrine blanche et dénudée, comme des monts finement sculptés par des vents sans nom et sans route.  Des ecchymoses ambres couvraient ses seins tailladés, ses épaules écrasées et ses bras torturés, ceux-ci se croisaient comme ceux d'un enfant effrayé qui implore la nature tout en tournant le dos à la peur qui l'assaille.  Sur son ventre se dessinait un trou d'obsidienne comme de l'encre profonde : une encre qui aurait nourrit toutes les plumes, qui aurait induit toutes les oeuvres et à l'intérieur de laquelle tout esprit créateur prend mystérieusement forme.  Les entrailles olivâtres comme des algues se vidaient de leurs essences transparentes et aqueuses : elles débordaient de cette cage corallienne de nacre rougie par l'écume baveuse et sanglante d"un loup, comme le serpent femelle qu'on éventre pour laisser sortir les serpenteaux morts étouffés.  La putréfaction prenait l'apparence d'une caverne sombre où les éclats de diamants auraient été volés, de la chair rongée par les insectes du temps, du fruit le plus pur au noyau décomposé, et l'arôme d'éther qui en émane ne fit m'évanouir lorsque je l'aperçus.

                                                                                                                            Chicoutimi, 2002


Ah nostalgie, quand tu nous tiens.

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