vendredi 27 janvier 2012

Secousses

Parce qu'il faut jouer le jeu de la création furieuse et vaine
effrénénergie trouble qui remue la mare
quotidienne endormie d'habitude
sansrientoucher

surtension surémotion
la journée dans une parenthèse inextricable
deux courbes s'opposant juste au-delà de l'être
à peine aux limites de la peau
du derme délicat du vet fin
où vit

petit néant d'incompréhension et d'incertitude
le doute invisible mais présent
impalpable transparence

brusque apparence

donner forme à l'informe
à l'infirme capacité secouée
au secours des jours passés

jeudi 26 janvier 2012

Phaute d'orthograffe

À la question : En quoi il est important d'apprendre le français? Une étudiante a répondu :

"L'apprentissage du français est important parce que ça vise 
la mélioration du français."

J'aurais voulu inventer cette faute que je n'aurais pas été capable. 

mercredi 25 janvier 2012

Ce qu'une photo ne pourra jamais dire

"Sans soute une première rencontre avec Nietzsche n'offrait-elle rien de révélateur à l'observateur superficiel. Cet homme de taille moyenne, aux traits calmes et aux cheveux bruns rejetés en arrière, vêtu d'une façon modeste bien qu'extrêmement soignée, pouvait aisément passé inaperçu. Les traits fins et merveilleusement expressifs de sa bouche étaient presque qu'entièrement recouvert par les broussailles d'une épaisse moustache tombante. Il avait un rire doux, une manière de parler sans bruit, une démarche prudente et réfléchie qui lui faisait courber légèrement les épaules. On se représentait difficilement cette silhouette au milieu d'une foule : elle était marquée du signe qui distingue ceux qui vivent seuls et en marche. Le regard en revanche était irrésistiblement attiré par les mains de Nietzsche, incomparablement belles et fines, dont il croyait qu'elles trahissaient son génie. (...) Ses yeux aussi le révélaient. Bien qu'à moitié aveugles, ils n'avaient nullement le regard vacillant et involontairement scrutateur qui caractérise beaucoup de myopes.  Ils semblaient plutôt des gardiens protégeant leurs propres trésors, défendant des secrets muets sur lesquels aucun regard indésirable ne devait se porter. Sa vue défectueuse donnait à ses traits un charme magique et sans pareil : car au lieu de refléter les sensations fugitives provoquées par le tourbillon des événements extérieurs, ils ne restituaient que ce qui venait de l'intérieur de lui-même. Son regard était tourné vers le dedans, mais en même temps - dépassant les objets familiers - il semblait explorer le lointain - ou, plus exactement, explorer ce qui était en lui comme si cela se trouvait loin."

- Lou Andreas-Salomé (1894)

Plus qu'une description physique, il y a beaucoup de son âme, de son coeur et de son génie dans ces mots. 

Ses mains fines de pianiste ayant écrit sans arrêt. 
Et ses yeux sondeurs d'infinouïs.

mardi 24 janvier 2012

Dégoûtemps des jours

Vingt minutes au pas de course dehors. Mais l'effort est double puisqu'il a plu hier et je cours en sautillant pour éviter les flaques d'eau. C'est inutile, après cinq minutes, mes pieds sont trempés d'une gadoue tiède de janvier. Les gens ont sorti leurs ordures aujourd'hui. Les déchets jonchent le sol. Les boîtes de carton moisi ; emballages et sacs de plastique de toutes sortes, éventrés ; noupourritures ; circulaires, factures et papiers divers, deux billets de loterie piétinés : tout à la rue!
Le trop-plein d'inutile de crasse qui déborde des foyers "hume sweet hume" et ça n'hume pas bon dans les chaumières gadoue grise et brune car multitude d'excréments canins ressuscités sous la neige fondante la rue vomit son haleine puante.
Toutes ces saletés me font regretter l'insaisissable blancheur de la neige. Me font haïr ce faux hiver citadin, tentative bâclée, comme si cette ville était au-dessus des saisons. Ne pas contrôler la nature les excuse de ne rien contrôler ici où s'amoncellent immondices et débris.
Montréal n'a jamais été aussi laide et aujourd'hui je ne sortirai plus.
"N'ayez crainte fermiers! Les porcs sont encore là! Ils ne quitteront pas la porcherue!"

mardi 17 janvier 2012

Magnétisme moustachu

Je marche dans la bibliothèque ; des dizaines de milliers de livres m'entourent mais je n'ai pas le temps de m'attarder davantage je suis pressé. Puis une image me frappe : un de mes moustachus préférés apparaît et me happe ; je suis attiré, mes pas se dirigent vers la revue en question, plus rien n'existe, je suis avalé par un aimant.  Je prends la revue, je l'emprunte sans même la feuilleter. Dans le métro, je commence ma lecture : 

"Nietzsche dérange tout le monde : les philosophes, les universitaires, les théoriciens politiques, les conservateurs, les théologiens, les moralistes, les nationalistes, les libéraux, les penseurs de gauche, les égalitaristes, les démocrates.  [...] Pour Nietzsche, l'humain, trop humain, a perdu l'énergie vitale, foisonnante, dionysiaque qui le soulevait à l'époque grecque, quand il se laissait posséder par le désir et la danse, acceptait le destin et le tragique de toute vie. Depuis, l'homme a pris peur, il a préféré l'asservissement de l'idéal et du bien-être, croire en un Dieu abstrait et un État salvateur, laisser l'argent corrompre jusqu'à la Terre.  Pour échapper à cette course folle jusqu'au nihilisme et la morbidité, retrouver la joie, la créativité et le respect de la "Vie", l'homme doit inverser toutes les valeurs, se réinventer. Se surmonter. 

Toute une intro. Les vrais traits d'une philosophie qui a été falsifiée, tronquée, récupérée par le fascisme et l'extrême gauche. Nietzsche le "sans patrie", appelant à une philosophie artiste et poétique, d'une terrible rigueur ; pensée en éclats, hanté par Dionysos, dieu tragique et dansant.

"Notre monde est un caillou jeté dans l'univers, l'homme une créature mal fichue apparue par hasard, soumise à des jeux de force qui la dépassent, empêtrée dans le vivant, dépendante de la Terre qui l'a vue naître." 

C'est vrai qu'il dérange.  Un mélange de doutes, de questionnements, de réflexions, de révélations, de poésie.

Continue de me déranger.

lundi 16 janvier 2012

Les couleurs invisibles

lumière prise dans le prisme du lustre
éprise
incandescent phosphène
étheressence
l'éclair tigré oscille entre
arc-en-ciel et terre
et déferle le soufrefeu

spectre des couleurs volages
volutes infinies vapeurs fauves
que tisse
invisible
l'étherescence

Temps des jours

Dernier après-midi tranquille avant le retour au travail. Et mon livre qui ne me tombe pas des mains, vortex aux mille couleurs inconnus, et des mots, des mots et encore des mots. L'infini à porter d'atteinte, juste là sous les yeux. Ici du thé brûlant repose sur la table. Quel temps fait-il dehors? Je ne sais pas, je n'en ai cure.

Boule à mythe

Fossile pseudo-surréaliste retrouvé en fin de semaine, en pleine séance d'important ménage, dans un vieux cahier raturé, déchiré et grossièrement noirci dont je ne soupçonnait plus l'existence. Encore une fois, l'urgence de l'écriture et la recherche d'images prenaient le dessus sur le rythme et le sens.


C'est dans un rêve de carbone que j'ai respiré les murmures aveugles
En bas des grattes-ciels ils sont des fières statues qui scrutent l'invisible
Dans l'ombre je tombe de la falaise et gît sur l'écume bitumeuse
Dos au sol mon crâne écarlate s'ouvre au ciel de porcelaine
Et je suis le fils des oiseaux
Mon sang est un vin que les bourgeois avalent mais ne goûtent pas
À la coupe de mon cou, mon âme est deux amants que l'on arrache l'un à l'autre
Soudain je me soulève du sol sous le vent des voitures et les cris muets des passants
Ils me voient sans me regarder je suis leur indifférence et leur adoration
Je pleure des pierres et oublie des terres
Je vis la liberté futile des ailes des soldats
Je suis en guerre
Le sang est une rivière en furie qui viole le granit des lits
Mes cris se meurent dans les feuilles d'arbres à la lumière diamantée
Le fusil dans ma main vit dans la grisaille de mes songes
Je vois toutes les parties sans en voir l'ensemble
Et j'appuie sur la détente
Ma passion est un charme
Le ciel explose et les flammes brûlent ma peau
Les nuages sont des notes dans la grande portée bleutée
Je n'entends pas cette musique triste
Silence fracassant
Mon coeur brûle vif en mon sein un dragon crache en moi
Et je bois mes éveils immobiles pour l'apaiser.

Chicoutimi, 2003

jeudi 12 janvier 2012

Hommage aux grosses madames irlandaises (ou délire éthylique de ce très cher Bloom)

"Niam! Regarde.  Elle estconfortablement charpentée.  Elle est calfatée d'une sérieuse couche de graisse.  Un mammifère ça ne fait pas de doute étant donné le volume de la poitrine, tu remarqueras qu'elle présente en façade et à portée de la main deux protubérances de respectable dimension, qui ne demandent qu'à tomber dans son assiette à soupe, tandis qu'à l'arrière, sur un plan inférieur, s'offrent deux protubérances supplémentaires qui indiquent une certaine puissance rectale, tumescences qui appellent la palpation et ne laissent rien à désirer sauf pour la fermeté.  Des parties aussi charnues sont le produit d'une alimentation méthodique.  Le gavage sous la mue amène le foie à un volume éléphantesque.  Des boulettes de pain frais, de fenugrec et de gomme de benjoin, ingurgitées avec accompagnement de thé vert, les dotent pendant leur brève existence d'une barde de lard aussi colossale que celle d'une baleine. Ça c'est dans vos cordes, pas vrai?"

- Joyce

mercredi 11 janvier 2012

Isolement

Ruines bleues des cieux invisibles.  Les nuages dans le désert, ombres-miroirs des regards brisés, des pensées éperdues.  Néant fuyant inatteignable noirceur de l'inconnu réconfortant du réel au rêve.  Puis l'inquiétant cauchemar, la part de l'autre en soi.  Limites des rives du mirage ondoyant de fureur solaire.  La pensée emprisonnée s'évade en tempête.  Couper la pensée.  Revenir en soi.  Temps sans repères.  Que les murs devant moi.  Et le verre de l'oeil se brise sur les parois.

Boule à mythe

Catégorie spécifique où je ressortirai, sans rien changer, de vieux écrits non-négligables.

Ici, petit texte sympathique que j'ai retrouvé récemment, un des premiers que j'ai gardés.  C'est plein de clichés, mais je le reproduis sans en changer une virgule.  Dix ans déjà.  J'étais dans ma phase Lautréamont et Rimbaud.  Change-t-on tant en 10 ans?  

Je le relis : pourquoi l'ai-je gardé?

Pour la naïveté
Pour l'urgence 
Pour l'insouciance la plus plus totale
Et la béatitude qui parfois l'accompagne


Du fruit le plus pur au noyau décomposé

Une goutte de lune argentée se reflétait dans l'oeil d'onyx noir de la jeune femme, avec des stries de lèvres rouges dans son iris, neigeux comme les aurores de l'hiver.  Du givre se parsemait sur ses paupières à demi-closes et au bout des cils, telles des opales d'eau glacées où miroitaient faiblement les étoiles de cette nuit boréales.  Son regard indifférent fixait les arbres qui l'entouraient ; des vastes chênes d'hématite grisâtre aux branches comme les petites rivières brusque des profondes forêts, qui ont vu d'étincelants poissons migrer, et qui se déversent dans l'air, issues de cette colonne fluviale droite et dressée, aux sillages des bateaux intemporels l'ayant naguère navigué, qui prend racine dans la terre lourde et rêche.  Sur ses joues des veinules bleues, telles des parcelles d'éclairs captée par des regards étonnés d'enfants, se frayaient des chemins sur les dunes gelées de son visage jusqu'aux lèvres d'azurite, froides et immobiles, ayant auparavant ensoleillé le coeur de nombreux hommes.  De ses dents comme des cristaux de roches auxquels maints pilleurs ne pourraient résister, coulait un mince filet de grenat rouge coagulé dans la froideur précoce de l'hiver.  Sur son cou, des cheveux de jaspe et de jais lisse respiraient le vent froid qui les berçait, et ils valsaient doucement sur sa nuque émoussée que l'homme caressait comme un coquillage épuré par les eaux endormies des grands lacs miroitant.  Faisant dos à la nuque, sa gorge d'améthyste brisé se déversait sur le sol enneigé, et laissait voir le corail prendre la forme d'un récif morcelé entre les golfes las de sa poitrine blanche et dénudée, comme des monts finement sculptés par des vents sans nom et sans route.  Des ecchymoses ambres couvraient ses seins tailladés, ses épaules écrasées et ses bras torturés, ceux-ci se croisaient comme ceux d'un enfant effrayé qui implore la nature tout en tournant le dos à la peur qui l'assaille.  Sur son ventre se dessinait un trou d'obsidienne comme de l'encre profonde : une encre qui aurait nourrit toutes les plumes, qui aurait induit toutes les oeuvres et à l'intérieur de laquelle tout esprit créateur prend mystérieusement forme.  Les entrailles olivâtres comme des algues se vidaient de leurs essences transparentes et aqueuses : elles débordaient de cette cage corallienne de nacre rougie par l'écume baveuse et sanglante d"un loup, comme le serpent femelle qu'on éventre pour laisser sortir les serpenteaux morts étouffés.  La putréfaction prenait l'apparence d'une caverne sombre où les éclats de diamants auraient été volés, de la chair rongée par les insectes du temps, du fruit le plus pur au noyau décomposé, et l'arôme d'éther qui en émane ne fit m'évanouir lorsque je l'aperçus.

                                                                                                                            Chicoutimi, 2002


Ah nostalgie, quand tu nous tiens.

vendredi 6 janvier 2012

Temps des nuits

Saint-Denis. Rue muette, si rarement muette en-dessous de moi. Tu avales cette soirée qui file. Quelques voitures, loin déjà.  Bruit étouffé dans le silence nocturne, exhalaison sur le froid bitume, et la neige viendra.  La nuit passe et personne ne l'aperçoit.