vendredi 21 décembre 2012

pensée du soir

I gave my youth to yelling at rivers that refused to flood with angry tears
Now abundant beers await to erase redundant years
-Patrick Stickles

dialogue

Il n'a d'effet sur moi que le pouvoir de son odeur et le râle de son chant. Il souffle sur cette humanité désolée que je me construis et mets en ruines pour constituer ma voix d'un semblant de signifiance. Il n'a d'effet sur moi que celui de glacer le sanglot de son extraordinaire indifférence. Conjuguant l'âge et l'être, il est la monture du temps où s'égarent les thèmes, il défait les passages devant afin d'y marcher jusqu'à s'y perdre. Et dans la peur éclatée dans l'arbitraire d'un clignement de paupière s'exposent ta morsure et ma peine. La voix du vent que j'avale, cette voix qui m'engouffre et m'explose. Il décuple ma colère, ma violence et ma révolte. Il décuple l'écho des nymphes et mon amour effrayé dans les parallèles défaits de l'asymétrie du coeur, dans l'abattement emporté dans l'implacable, et il hurle son mystère avec toute-puissance. Il n'y a rien à faire sinon s'étourdir à son cri aigu, et attendre qu'il revienne et repartent avec les mêmes illusions. Le vent n'a d'effet sur moi que mon incapacité à lui rendre justice et m'en départir.

après-midi grise en tout sens

The scent of Thyme carried on the wind
Stings my face into remembering
Cruel nature has won again
Cruel nature has won again

On Battleship's Hill's caved in trenches
A hateful feeling still lingers
Even now 80 years later
Cruel nature
Cruel, cruel nature

The land returns to how it has always been
The scent of Thyme carried on the wind
Jagged mountains, jutting out
Cracked like teeth in a rotten mouth
On Battleship Hill I hear the wind
Say "Cruel nature has won again"
"Cruel nature has won again"
"Cruel nature has won again"
"Cruel nature has won again"

                                               -PJ Harvey

mardi 18 décembre 2012

la goisse

La goisse c'est l'immondice accumulée en raclures dans les ventricules psalmodiques du coeur. L'immondice tâchant le sang, interpénétrant les globules et déplaçant sa glaise dans le trémail du corps. C'est la morve de l'ombre mélangée au crachâme. Le mal aise le malêtre. L'inepte babil, le caillot noir indicible, la goisse engorgée dans le hoquet du temps et que tranquillement je régurgite au dehors des mots. 

lundi 17 décembre 2012

le mot ment

L'inéluctable désir oblique du regard. Les sens inaffranchis étournés vers les trottoirs où marchent monocordes quelques épines dorsales. Agrémentées de roses à leur cou, à leur nuque fragile de neige. Et dans le souffle des foulards, quelques beautés passent. Que des phases. Superbes ficielles. Et les couleurs autour s'évadent, comme sur toi ma folie constellée du temps, comme ta présence et ton parfum dans les marées du rêve. De ce moment. Insaisissable.

drones

...dans l'écho du tunnel de briques réverbère le bourdon mécanique de l'inhumanité sublimée enfoncée dans les cratères de l'inconcevable et l'inconsolable... chantent dans ma tête les hélicoptères d'un ciel interminable d'un printemps de neige miné de dirigeants minables... à mes côtés un homme violonne Vivaldi, l'été en plein décembre sous la tempête rouillée du violon de l'itinérance vivant dans cette musique un peu plus longtemps... étouffé par une nouvelle rame, un autre train emportant dès maintenant l'impossible originalité du quotidien, routine en métro majeur, l'âme mineure éperdue dans le drone du matin...

mardi 4 décembre 2012

temps du jour

Ma mère nature bipolaire aujourd'hui prise de fièvre, tandis que non loin dort l'hiver en attendant je ne sais quoi, probablement rien. Cette odeur hallucinante de bois, de terre humide et de feuilles mortes. L'automne de décembre dans une douce agonie pousse un dernier souffle sur un petit poème de marche.

vendredi 23 novembre 2012

lourdes heures

le terne éclaté pousse l'échaotique cri désarticulé de l'énigme 
les colères, les spasmodiques chocs, la veine vitriole
la crainte irriguée des frustrations amères et basses, 
le pied invisiblement pesant sur ma tempe arrêtée
à l'angle obtus et bornée des frontières

l'oreille sanglante, la vaine cathode, 
le prisme métamorphe des fantasmes fantômes
la constriction du vortex, 
le poids du monde sur les désolations

ne pouvoir supporter ce poids dans le cercle de l'être, 
suis désolé du poids du monde, je suis désolé pour tout,
suis désolé pour la furieur violant le granit des lits,
déchirant les remords des rages assourdies 

on peut prendre et broyer et détruite et créer sa propre fin du monde
ne jamais se soustraire, rester entier - ne pas écouter ce que je dis - 
quoique perdu à portée de l'arc dénué des flèches de l'oeil, 
la continuité du mouvement aux limites de l'idée soumise aux sens, 
l'arc bandé du poids des espoirs des douleurs des désirs des violences
et lancer une flèche sans but en plein ciel, 
l'absence de cible, l'élan lourd de l'ellipse latente, 
la parabolique beauté du temps évanoui, 
mon visage de larmes, le troublant artifice du noyau triste, 
l'épileptique éclair-obscur des souvenirs 
mon visage alourdi
mon visage de pluie dans l'incapacité de me rendre à toi
dans l'heure noire et seule
dans l'hypnose de mon esclave solitude

mardi 20 novembre 2012

Temps des jours

Dehors novembre
un autre ciel troplein,
diffus...

L'étendu létale à proximité
sous mes pas pris en étau
fuit les lieux de mes pensées

Un autre matin froid où le noir boit le soleil.
Et la muse m'est furtive
captive qu'elle est d'une altérité indifférente,
d'une altérité différente.

Mais le silence m'égorge
(blessure superficielle)
alors qu'au lointain
la courbe de l'horizon gazeux pleure fumées et larmes de morts...

mardi 13 novembre 2012

Pärt au parc

cette musique composée
par et pour les voix du vent
cette musique n'a de maître
n'a de maître que le temps

(et encore...)

jeudi 8 novembre 2012

On a trane

Alors que je m'enfonce dans la fourmilière souterraine, dans les artères bouchées du métro, le maître souffleur, the master blower Johnny Johnny Johnny Coltrane!!! s'époumone toute fureur dans son sax dans mes oreilles. C'est un amour suprême qui rythme ce retour à la maison qui semble déjà plus vivant.  L'heure de pointe est passée, tous se sont tirés. La soirée est bien commencée. Dans le wagon en face, le dernier, un rouquin impossible d'environ seize ans, avec des broches, embrasse sa copine comme c'est pas permis, il lui maltraite le goulot à en donner des envies à un alcoolique repenti. Ils sont seuls, ils ont l'air bien. J'ai soudainement la gorge sèche. Le Trane devait avoir la gorge sèche à souffler dans son sax comme ça. Cette musique m'inspire des lampadaires dans une ruelle de soir d'heure reculée, une ruelle silencieuse où des ombres se meuvent sans but. Trois stations plus tard, deux lancinantes lesbiennes se frôlent les mains et se dévorent des yeux. L'électricité est palpable. A love supreme. Elles débarquent du train à la station suivante. Ô lascives lesbiennes! Je ne peux m'empêcher de sourire dans ma tête. Y'a-t-il pleine lune dehors? Hmm, ça doit être Coltrane. Cette parenthèse d'urbanité prend un sens différent, plus intéressant dirais-je, lorsqu'on la considère avec de la musique. Une fois sorti, il fait totalement nuit. La lumière des lampadaires est granuleuse, une lumière à gros grains comme dans Eyes wide shut de Kubrick. J'ai les yeux pourtant bien ouverts. Et tandis que je marche, la lumière ne s'estompe pas sur le trottoir mouillé et son reflet ne diminue pas sur le sax de Trane. 
A love supreme, a love supreme...

dimanche 4 novembre 2012

rare aurore

un régiment d'images passe et marche 
dans ma tête consumée de cette aube lourde
éveillé pendant que même le temps dort
s'éteint le clignotement de l'architecture du rêve 
toujours repousser l'aurore étale à coup d'impossible

samedi 3 novembre 2012

vileville

soir de béton
désarmé
pendant le jour
l'écho des
colères résonne
résonner dans la
fondation
dorsale dans le
prisme animal
la fissure brutale la
fracture les os s'ouvrent
évidés gorgés matures
dans les caniveaux
poisseux de rage
l'esprit fumant des pulsions
inarrêtables
la forme
vaine la
vision
inénarrable

jeudi 1 novembre 2012

Comme une odeur de feuilles mortes

Une file longue de deux autobus m'a fait rebrousser chemin pour me diriger vers le parc. Le soleil se couchait à gauche en avant, je ne voyais que les dernières dorures des rayons frôler la cime des arbres dénudés. Le sol et le sentier étaient complètement recouverts de feuilles mortes, on aurait dit des flocons pastels craquant sous chaque pas, des corps fragiles ramassées en bruissements et frémissements. Il avait plu toute l'après-midi, mais elles étaient déjà sèches et la terre en-dessous avait bu toute l'eau de pluie. N'entendais rien que le bruit de mes pas sur le sol. Parfois, le bruit que l'on fait en marchant semble justifier et décider notre marche, pourtant futile car le plus souvent strictement pratique. Après cinq minutes, se répandit une odeur mate de bois rappelant un fût, le côté légèrement épicé d'une sève pas encore sèche, redoublé de terre humide et de relents d'écorces somnolentes. De mes pas remuant le sol monta une odeur de feuilles mortes qui m'habita complètement pendant dix minutes. Elle disparut lorsque j'entrai dans le métro, mais ne me quitta pas complètement, me laissant reposé, calme et serein. Me laissant ailleurs.

samedi 27 octobre 2012

passage obligé

Cette écriture est une écluse oubliée aux abords d'une ville épave, d'une ville à la déficience lente et décomposée. En amont s'amoncellent les os immobiles isolés, les miroirs pendus où sont venus s'y perdre et pleurer quelques déprimés à l'envers, quelques renversés de l'ârme. Tout est reflou déformé dans ce courant enchaîné, dans cette marée inerte. Silence s'amassent les restes d'écumes rocheuses, la salive prise aux commissures de l'embouchure crispée de cette ville qui ne va et mène nulle part. Et en aval se perdent les poèmes à vapeur, les poèmes qui disparaissent dans l'écartèlement du désordre. L'orgueil démesuré de l'homme est mûr pour un sérieux coup de honte.

vendredi 26 octobre 2012


devant la multiplicité des inepties, je tente, temps, bien que mal, de fusionner ma fureur à d'autre passion que la rage

dimanche 14 octobre 2012

follerrance

un horizon rompu où tremblent les sueurs d'une âme bouillante
oublier le monde sous le poids des nuages
un baiser brisé tente d'étreindre l'écume de l'ombre
frotter l'étain terne de la carapace des âges
un mal veillent les formes mariées du brasier des corps
chercher son honneur dans quelconque cimetière
le noeud coulant d'un filant éclair
disperser les parallèles de l'alcôve du mort

vendredi 12 octobre 2012

Temps des jours passés

Dans la disparition des ondes de toutes sortes s'étaient déployés, au travers des ratures du temps et des pensées parentes, certains chants réels comme appels migratoires. Emmurés dans les caveaux coniques du coeur, les proses interrompues battaient dans les vaisseaux du jour. Et toujours cette incapacité à fixer des marées le vertige des vagues.

jeudi 4 octobre 2012

Le temps du jour

se fraie dans l'immobilité des brumes. Les rêves vides et les pensées prisemprisonnées dans l'hésitation en arrière de l'oeil. Le paralysé alerte à l'art absent, à la quête informe dans la fosse du silence. Et bullitionne un dérèglement des matières et la perte du sens. À quoi bon zéventer des cendres de spasmes quand seule la mort dit la vérité.

jeudi 27 septembre 2012

(pour Catherine)

L'oeil fixe sur l'onde floue de la mer aux confins de l'infini présent. Ce présent qui s'éternise lorsque que l'on ferme les yeux. Parfois, tu fermeras les yeux par respect pour le soleil, par respect aussi pour ce vent qui soufflera sur ton front et celui de ta famille les parfums du monde dans son entièreté. Les yeux fermés sur le soleil, tu ressentiras le confort de son ombre. Te viendront alors à l'oreille le chant et les rires de tes filles et dans tes paupières fermées et brûlantes ton coeur battra invincible des moments si vivants. Tu ouvriras les yeux et verra la mer, l'étendu du monde ; l'océan, l'étang du monde. Les temps du monde. Et ces quelques mots comme cadeau, comme présent. Ce bien simple cadeau pour ton voyage aux limites du compréhensible et de cette chaotique complexité. Ce bien simple cadeau, cette poésie où entre soleil et mer se dévoile l'horizon des possibles, où se dévoile tout pour les Noces de tes sens au monde. Bon voyage.

mardi 25 septembre 2012

mot au mentor

je m'ennuie de vos paroles lumières
de vous entendre parler d'honneur de volonté
de vous entendre parler d'amour et de fierté

(les théorèmes du savoir symphonique
les diagrammes d'une symbolique appliquée  
à la conjonction des personnes, le verbe-maître 
oscille et raisonne et martèle l'être)

alors qu'hélas autour le devoir se perd
se confrontent morts les paysages désertés
des absinthes bouillantes de votre âme solaire

lundi 17 septembre 2012

impressions

Voir de loin des amis lointains, des amis perdus. Ressurgit la courbe du temps plié le long de l'oeil ; tout s'arrête autour du temps rassemblé. De longtemps ces amis maintenant réussissent où mon échec se fracasse - l'âme mal assumée humaine jalousie en vie détestée - où mon échec de glace brisée de n'aboutir à rien est soumis à l'arbitraire signifiance du poème.

vendredi 14 septembre 2012

fragment

c'est une saison dépossédée où tombe
le fruit des ruptures des unités équivoques
dans le matin laiteux dans le phylactère du jour
le pied prudent sur l'eau froide des vérités
l'exhalaison la réalité de l'expiration
une trêve mélopée où l'anarchante grève
les vagues d'un liminaire qui n'en finit plus

mardi 4 septembre 2012

brouillon des abus et honnête

Non, je n'ai pas pris la parole, je me suis tu et ai freiné le réflexe oblique pendant toute une campagne en ville dépossédée des fondements des structures, ma province bipolaire, mon état limite. Je me suis tué dans une agonie de cire devant les oreilles refermées sur leur écervelle bornée, leur écervelée vaine, la vile vomisère des derniers mois où l'on a vu pulluler le polluant mépris de la masse envers la déférence, bien là la pustule sur le nez, les peaux mortes sur le panache édifiant, sur les idées édifiées. La mort de l'art et la mare de l'or. Les gens en fusion psychotique de masse ignorance sous le signe du dollar solaire. Mes solitudes se sont repliées sur elles-mêmes n'entendant que les échoses de certains de mes frères d'âme et de pensée. Eau mes frères dans le désert urbain, éloignez-moi des vanités ceintes en tempête des sables, je veux boire à la gourde des proches encore une autre pinte en attendant les maîtres absents mirages, les ondoyants funambules dansant au ras du vide dans le néant suggestif. Essayer de comprendre toute la valeur et la force d'une révolte à hauteur d'homme, appuyée et méditée, d'un anarchisme humaniste, pour au final faire état d'un profond sentiment d'incompatibilité avec la plupart de mes cons citoyens. Et curieusement, cette incapacité à joindre fureur et urgence, comme si les mots m'en empêchaient. Déshâmeçonné, en proie aux colères automatiques, je ne sais pas jauger la révolte des proses. Rester alerte. Toujours. Dans la fureur et l'urgence.

mercredi 29 août 2012

pause

tout passe sans que mots s'arrêtent
les pensées planent insaisissables
les songes perdus dans l'encens du soir

ici reposent les poussières du présent

mardi 21 août 2012

...well...

"...well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well I want to be well...
...I'm not fucking around..."
Sufjan Stevens

vendredi 17 août 2012

lentement

j'avance dans l'océan l'ancre dans l'âme 
et bute amer sur les amibes lovant les pensées vaseuses 
partout autour l'onde lente des miroirs absents

mardi 7 août 2012

temps des jours

Défaire les spleens encrés. L'action ultrarapide entre les secondes entre la mue des éclairs peut encore sublimer le mobile. Pourquoi se réduire au silence alors qu'on peut crier dans une foule sans être entendu. Ce n'est pas une question. S'égosiller à gorge perdue plutôt que se tairétouffer à cou pendu. La révolte dans l'oscillation de l'oeil, pertinente. La révolte issue des décantations des statuts perfides, du sédiment social, de la fiente des foules. La métabolisation d'une esth'éthique personnelle. Viendra le gravats des colères édifiées. La ligne est mince entre l'effacement et l'affirmation.

jeudi 2 août 2012

(pour Francis)

Viens d'apercevoir Amir Khadir sur la terrasse du Dieu du Ciel. Carré rouge à la chemise - il le garde lui! Et non il ne buvait pas de sangria Richard -, il parlait aux gens, répondait à leurs questions et leur en posait à son tour. L'écoute active dans toute sa pertinence. Non il ne faisait pas la belle vie, Richard. Parce que vois-tu, Khadir, il ne prend rien pour acquis ; il ne passe pas sa campagne dans un bus de tournée à se flatter l'ego en complotant sur des stratégies médiatiques manipulatrices et sur d'insidieuses rhétoriques, il va là où ça compte, à commencer par la rue, avec les gens. Et sachez, bonzes poubelles de certaines radios, qu'il n'était pas en train d'intimider qui que ce soit et il n'incitait ni au terrorisme ni à la violence ; il prenait une bière et parlait avec tous, sans discrimination et sans préjugés (vous savez cette chose que vous avez faite discipline et dans laquelle vous êtes devenus maîtres). Trouve que cette proximité est renversante. Et cette grande force tranquille... Viens de me rendre compte que ça faisait looonnngtemps que je n'avais pas vu un politicien dans la cité, avec le peuple (ce qui demeure la base d'la politique). C'était qui déjà? Ah oui, c'était encore Khadir, le jour du Jour de la Terre. C'est inspirant cette dévotion nimbée de charisme qui impose le respect.


La beauté est narrative et elle détache ses syllabes lentement, témoignage d'une âme à la parole amoureuse.

mardi 31 juillet 2012

cent titres

Les mots lus les oubliés mots relus et écrits les raturés détruits. La création sous-cache l'évacuité. Appliquer le risque à tracer par l'écriture et l'abandon les pourtours d'ensembles vides où s'essoufflent les braises blanches dimages difformes. Parti tenter après les étourdissements et les noyades, égarés les messages, engourdi des lumières lamant les entiers zobliques. Malgré l'hostilité de l'insomnie, attendre la nuit. 

lundi 30 juillet 2012

Temps des jours

De fournaise. L'amertume anisée d'un laiteux filtre reste dans la gorge comme le bourgeon flétri du jour. Soif soif 'fait chaud! Sans raison me suis t'ennuyé de l'hiver un court instant, il est privilège et me manque déjà. L'amertume est clairement une forme d'ennui.

Invincible Char

   "Je redoute l'échauffement tout autant que la chlorose des années qui suivront la guerre. Je pressens que l'unanimité confortable, la boulimie de justice n'auront qu'une durée éphémère, aussitôt retiré le lien qui nouait notre combat. Ici, on se prépare à revendiquer l'abstrait, là on refoule en aveugle tout ce qui est susceptible d'atténuer la cruauté de la condition humaine de ce siècle et lui permettre d'accéder à l'avenir, d'un pas confiant. Le mal partout déjà est en lutte avec son remède. Les fantômes multiplient les conseils, les visites, des fantômes dont l'âme empirique est un amas de glaires et de névroses. Cette pluie qui pénètre l'homme jusqu'à l'os c'est l'espérance d'agression, l'écoute du mépris. On se précipitera dans l'oubli. On renoncera à mettre au rebut, à retrancher et à guérir. On supposera que les morts inhumés ont des noix dans leurs poches et que l'arbre un jour fortuitement surgira.
   Ô vie, donne, s'il est temps encore, aux vivants un peu de ton bon sens subtil sans la vanité qui abuse, et par-dessous tout, peut-être, donne-leur la certitude que tu n'es pas aussi accidentelle et privée de remords qu'on le dit. Ce n'est pas la flèche qui est hideuse, c'est le croc."
- René Char

lundi 23 juillet 2012

Haïku

arriva l'orage
avec sa simplicité 
avec sa violence

jeudi 19 juillet 2012

Seulétude (suite)

Le sens des choses en ataraxie désaxée. Ne voir ni les parts ni l'ensemble. L'espacetemps dépareillé. Le frôlement défait les phrase perdues dans l'obtuse distance. L'être fini parmi les formes. Une ivers in fini. Le vertige défile sur les cimes altières dans les hauteurs audessus des précipices. Marcher sur les flancs d'une vie, le trépas dans la crachée. Les défauts tranchent la fracture des hontes. Déserté des refus, tout happe et s'écroule, le déplacement des autres en de ruines immobilités. Dévoile les stries de l'iris aveugle des nuages. Coup de vent. Devant les cumeuses marées des tumeurs, des morts lointaines. Ce n'est pas la souffrance, c'est l'indifférence. Dépossédé. La volonté assoupie, le mat terne des tombes. L'espéré lapidé d'un coup de paupières. Trauma neigeux du sommeil. Qui ne vient pas. L'or cède au bronze, au cuivre des pauvres, à l'alcool ferreux de l'espoir dégorgé des fièvres. Toutérien se déploie dans l'ordre déchiré de la spirale. Le verbe du temps des jours désordonné en impossibilités. Dans l'essai une liberté. Les vérités comme de la rosée d'ombre éphémère s'empêtrant dans les racines des désirs et des élans trompeurs.

samedi 7 juillet 2012

Seulétude (suite)

Sensation d'une solitude profondément ancrée dans les fondations d'une demeure qui n'est pas sienne. S'effritent les structures autour de. Poésie espoir anagramme imparfait. Réduit au dalot social, bouleversé, s'observe le dérèglement du rêve. L'âme tranchée au fil du miroir sale sans tain. Ne se reconnaît plus nil part. Id. Entité. L'isolement dans les mots inutiles. Ce temps perdu dans les limbes des songes. Ce n'est pas la souffrance mais la différence. La moiteur abyssale des crevasses, les fissures glaciales du présent. Ne se recon. N'est plus. N'être.
Naître.

jeudi 5 juillet 2012

L'ivre

"Hypogée de pensées autour de moi, momies compartimentées, embaumées dans les aromates des mots. Toth, dieu des bibliothèques, un dieu-oiseau à couronne lunaire. Et j'entendais la voix de ce grand prêtre égyptien. Dans des chambres peintes aux murs de briques qui sont des livres. Immobiles à présent. Vivantes naguère dans le cerveau des hommes. Immobiles : mais rongées d'une sépulcrale démangeaison de me larmoyer leurs confidences dans le tuyau de l'oreille, pour me pousser à accomplir leurs volontés."
- James Joyce

lundi 2 juillet 2012

elle erre

Elle pleure ses errances sous la valse hypnotique des crépuscules, où couvent les prophéties taries des clairobscurs. Les décalques disloqués des lucidités filtrent au travers des étroits passages quelques clairvoyances, quelques espoirs passagers. Et tombe l'esprit au piège d'un chant tonal. Elle danse en reflet, elle se défoule et s'illimite ; elle se perd en son évasion dans les eaux noires de la beauté.

mardi 26 juin 2012

ailleurs

Des mains ont déchiré l'éther d'une aube orgrisée. Se taillader à plier les lames du temps pour découvrir où se terrent les dimensions siamoises. Arrachés, les parallèles se frôlent le long délétère des mots.

mercredi 20 juin 2012

Temps des fours

balcon bruyant sur St-Denis
(ils appellent ça chaleur accablante)
cherchant une poésie possédant
l'élégance de la soie.

samedi 16 juin 2012

Le jour de Bloom

   Sur les balcons donnant sur la place publique, les fleurs remplissant les boîtes à fleurs virent, avant tout le monde, fleurir le jour dans toute sa splendide aurore. Gourmandes, elles burent les gros rayons lumineux jusqu'à s'enivrer de couleurs et c'est en bleu, rouge, rose, jaune, orange, violet et blanc que naquit le prisme du jour. En bas, les commerçants du marché s'affairèrent.
   Un peu plus tard, un homme plutôt ventru du nom de Léonard Larose, après s'être levé, avoir bu un verre d'eau, avoir pissé, s'être douché, rasé, pommadé et habillé, sortit de chez lui pour aller chercher un café noir goudron et des croissants bien chauds. Le fumet du boulanger était irrésistible, les croissants doraient au soleil, le café torréfiait, et Larose, toutes narines flattées, ne perdit pas de temps à s'attabler au bistrot, journal en main avec deux croissants au beurre, de la marmelade de pêche et un café très fort. Dans le journal, les nouvelles n'étaient guerreluisante :
   "Les autorités répètent sans cesse les mêmes idées froides, ils envahissent la Perspective!" Un peu plus bas : "Cynismes en rabais au Marché public! En rupture de stock de poésie, trois pour un sur le mépris!" Ou encore plus loin : "Une autre manifestation tourne mal parce que les manifestants sans itinéraire tournent en rond." Dans la section voxpop : "Certains étaient nus et masqués, c'est le chaos!" - G. Couture, 64 ans.
   Se questionnant sur la pertinence des tels titres, Leonard lâcha son journal pour porter toute son attention sur ses croissants et la marmelade de pêche.
   À la table à côté, il y a avait trois hommes qui venaient d'arriver. Bien sapé, enfoulardé de rouge, arborant carré jaune sur veston bleu marin le premier déclama, rouge gorge : "Tout est question d'une transubstantification des valeurs néants de notre société pronihiliste. Évidemment les surpenseurs de notre époque obtuse ont garanti qu'à travers l'assimilation des absconsités postcontemporaines, ou préfutures si vous préférez, nous pourrions redéfinir un langage de nous seuls compris qui permettrait d'établir une fois pour toute que l'intellect se mesure en réflexions aiguës, en mots bien tournés et non en sentiments creux de bas étage, de bas étage dis-je de sous-d'sous-sol! Ha ha ha! L'évolution de notre société se fera dans un néobarbarisme désensibilisé et transcendé, au diable les soucis relativistes, donc veuillez bien délaisser votre poésie de pacotille et utiliser un langage approprié : le moins vous serez compris, le plus d'intelligence vous pourrez vous octroyer! Car après tout, la plèbe reste la plèbe et il est de notre devoir de nous élever au-dessus d'elle et, si possible, en prenant notre élan sur leur dos bien accroupi! Ha ha ha! Et tant et aussi longtemps que le peuple se bornera à ne pas se subconscientiser en se pliant aux tangentes fixes du paradigme pragmatique, leur incompréhension de l'herméneutique postépistémologique ne sera que l'extension du résultat de l'hermétisme de leur pensée. Me réduire à leur échec non seulement me rendrait coupable de laxisme égotiste mais également me plongerait dans la plus inextinguible aporie. N'est-ce pas?"
   Les deux personnes acquiescèrent sans trop avoir compris. Le deuxième pensa : "Aporie, c'est quoi une aporie? On dirait une sorte de champignon. Oh, j'ai encore faim." Distrait, le troisième essuya la salive naissante aux commissures de sa bouche, salive due au céleste cul d'une passante qui eut décidé, choix judicieux, de relacer sa chaussure au moment même, à deux pas en avant, dévoilant à qui voulait bien voir une corolle de courbes. Elle avait des formes d'une rondeur qui juraient merveilleusement avec la tirade carrée qu'il venait de subir. Il observa et imagina à ce fessier une douceur de pèche et un petit duvet divin qui frémirait sous les caresses dodelinodantes de ses mains baladeuses. L'épiphanie fut de courte durée et la damoiselle repartit, ne laissant dans la pensée du troisième homme que le sillage de ses formes et dans ses caleçons, la naissance flasque d'une érection. "Vous disiez? dit-il.
   Léonard Larose avait terminé ses croissants et buvait son café à petites gorgées. Il regarda autour de lui. La terrasse du café était maintenant pleine, les commerçants avaient déployé leurs étals de nourritures multicolores. Les passants affluaient, saluant tout le monde, faisant leurs courses pour la journée. Ils voulaient sans doute en finir avec les courses pour pouvoir profiter de ce jour qui s'annonçait radieux. Et de toute façon, le Marché se remplissait horriblement en après-midi, le stress de la semaine empiétant sur la fin de semaine, empêchant ainsi toute forme de détente contemplative. Pendant ce temps, le rouge gorge avait monté le ton et continuait, avec son lexique bien à lui, de vilipendre les uns pour ensuite se justifier soi. Étrange personnage, pensa Léonard.
   Sans peur, sans doute, sans certitude, à mi-chemin du présent passe le fleuve instable et incessant des heures. Se refuser à suivre, les pieds trop gros dans les traces, il est dans son spasme radical noyé de colère. Époque en surface où sont célébrés les abrutis et l'opinioniaise des opinioneux. Le terreau riche d'un terroir abandonné par les pensées incendies d'une langue agonie. O cristaléclispe superposition de l'orange et du vert, des feux de forêt en l'âme, on chante l'ode yeux des micelles solaires. Le décor ouvert troplein des filtres du jour, horizonlointain filant rayons d'ébène blanc. Remettre les attentes à plus tard à temps.
   Léonard reçut un message texte sur son cellulaire : Le plan tient toujours? Vite, on n'a pas toute la journée! En regardant machinalement sa montre, il vit la date d'aujourd'hui, le 16 juin. Il répondit : Oui, je suis toujours partant et, au contraire, aujourd'hui, nous avons toute la journée! 

jeudi 7 juin 2012

Ce rien venu de nulle part

L'état d'être déserté des formes. Le spectre plat, atone. L'innommable représentation sienne. Cette impression du néant en surface. Les antennes du jour ont frôlé la pellicule, le vent sur l'eau, la danse d'une libellule, une main sur la peau.  Ce poids du coeur qui manque pour y plonger. Rien. Le désordre des plans, la division nulle des dimensions vaines.

"Celui qui veut nager dans l'océan de vérité, doit se réduire à zéro."  
- Indira Gandhi

vendredi 1 juin 2012

Tout est illuminé

La liberté

   Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule.    
   Elle passa les grèves machinales; elle passa les cimes éventrées.    
   Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau.     
   Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s'inscrivit mon souffle.    
   D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche. 
- René Char  

Fixation abstraite

Point de naissance. La violence de l'origine d'une abstraction fixe. Sensible à l'appel des déchirures, j'ai vu une image se décanter dans le puits du monde. L'affaiblissement du phosphène, la mortalité de l'illusion, ce trou noir comme le scotome, l'hypnosmose des irréalités. Une infinie dimension. Le long de l'espacetemps parallèle des corps se collapsent et se constellent en éclats de chrome les souvenirs et les désirs. Les radicaux excès multiformes des sens distillés en le parfum du divin pistil des métamorphoses. Impudence isolée. Révélation dans le voile d'une apparence. Ton être en écho, ce fixe flou.

mardi 29 mai 2012

Éclair

Le temps gris, ce matin-là, l'avait amené dehors très tôt. Il aimait le temps incertain, ce vent poussant les armées de nuages envahissant le ciel de leur profondeur et cette odeur de terre humide grouillante de vie. Il la sentait se mouvoir sous ses pieds, il voyait les vers sortir de terre, il foulait l'herbe molle. Cette impression d'un magma vert. 
Il allait bientôt pleuvoir, il pouvait sentir un souffle humide le traverser. L'orage arriva comme torrent, un véritable rideau de pluie déferla comme une avalanche et le paralysa. Il était impossible de l'éviter de toute façon donc il l'accepta. Sans bouger, il attendit la vague. La pluie était chaude. Il devint instantanément trempé, l'eau coula le long de ses jambes jusque dans ses bottes. Le parc était, sans surprise, désert et il profita du moment. Des flaques d'eau et des petites mares de boue se formèrent rapidement autour de lui. Il marcha lentement et la pluie ne diminua pas. Il n'entendit plus le tumulte de la ville, mais que le grondement et le crépitement endiablé de l'orage.
Alors tomba du ciel, autrement dit de nulle part, un formidable éclair à environ trente pieds de lui. Ce fut une implacable chaîne électrique aveuglante. Simultanément, une onde électrique se dispersa et l'atteignit dans les jambes, il vacillât et tomba, les jambes raides, les nerfs barrés. Sa respiration coupa. Le saisissement décupla la douleur et il finit pas se relever après être passé au sol des secondes semblables à des heures. Il avait l'impression que ses jambes tressaillaient et grésillaient. Il alla voir, à trente pieds de lui, la marque laissée par l'éclair, un cercle de terre brûlée : "Il s'en est fallu de peu, fatal destin que d'être frappé par la foudre." Peu après, doucement, la pluie cessa. 
Privilégié, il partit en boitant, les muscles encore tendus. Il arriva chez lui, dix minutes plus tard ; il y avait un soleil magnifique dans le ciel.

jeudi 24 mai 2012

Temps des jours

Le plomb du soleil est venu lourd d'une immense solitude. Un néant bleu, implacable, totalement dénué de mystères. Le jour passe sans que rien n'avance.

mardi 22 mai 2012

La persévérance des foules

L'aube s'est levée dans le crissement des voitures sur la chaussée trempée. Tout est bruit déjà. Le remous des foules monte. Soudainement l'air est salé, partout le vert de l'herbe. Des milliers de gens iront fouler les fleurs de l'asphalte. Sous le cielte, leur force avancera plus vite que le jour et à travers le gris des nuages, un phare, une lumière qui tourne, le guide étourdi des révolutions. Ce sont les hommes qui construisent les phares. Personne ne les arrêtera.

lundi 21 mai 2012

Temps du soir

En cette veille de révolte, une averse de vent entreouvre la ville. Le soleil s'est hâtivement retiré ce soir, laissant se dévoiler l'éventail gris d'une mer de nuages. Dans Villeray, de la rue St-Denis s'élève une chorale de casseroles, de klaxons et de cris, et hurle une cacophonique cadence. Cinq minutes à toutes les heures. Un appel à la désobéissance. Échos à l'unisson qui demain deviendront marche pour un centième jour de grève. Mais il y a la crainte que les matraques abattront le rythme. Ce sera un jour total. Il fera orage et l'aube sera sombre. 

Manifeste brouillon

Je voudrais écrire sur les manifs, mais tout ce qui me vient en tête c'est : Et le souffle des luttes, alors qu'il vente à tout rompre, alors que tout déferle en emportement au nom d'idéaux divisés, déchire les liens d'un peuple mal tissé. Je voudrais écrire sur les manifs, mais le conflit dérive dans un épavepays et la poésie a déserté les rues sous les poings d'un barbarisme multicolore.
Je voudrais écrire sur les manifs mais je manifeste pour la poésie ; pour la prose se révoltant contre l'actuel ; pour l'union des mots créant nouveau langage ; pour sonder l'essence des choses ; pour approfondir les rapports à l'autre ; pour disséquer les systèmes et les structures ; parce que le mystère règne dans l'énigme ; la poésie du monde dans l'image libre qui passe.
La colère est de feu. L'encre côtoie l'huile. La plume et le poivre à canon. Je voudrais écrire sur les manifs, mais je n'écris que brouillon.

Des mots et des hommes

"René Char est le plus grand marieur de mots. Je ne parle ici que des mots les moins faits, par leur sonorité ou leur sens, pour aller ensemble. Des mots que la fatalité de leur nature vouait à ne se rencontrer jamais. Non seulement le poète juxtapose le concret au concret, le concret à l'abstrait, mais encore les mots abstraits entre eux, qui prennent là un éclat jamais vu. Notre perception ordinaire du monde s'en trouve ruinée et, sur ces décombres, brille un nouveau soleil. On comprend l'autre ambition, l'autre espoir de René Char : ce que l'on peut faire avec les mots, pourquoi ne le réussirait-on pas avec les hommes?"
- Yves Berger (1967)

jeudi 17 mai 2012

Les images libres

Pour une image à l'intersection du mot et du sens, toutes allées avenues. Pour une géographie de la prose, une géologie de l'être, une science artiste poétisant théorème. Abstraction libre. Dans le parcours des révoltes se déchaîne une urgence hardie, une irrésistible quête jusqu'aux courbes du gouffre, jusqu'à la voûte des songes. Se défaire des limites du monde pour une déflagration du beau. Ne chanterai jamais le requiem des révoltés, saisi par la violence d'une brusque conviction, de l'étalement d'une volonté à perte du vue. Ouverture dans l'étendu.

mercredi 16 mai 2012

orage

il y a un formidable orage dehors
la violence d'une force tranquille
qui oblige à tout arrêter
juste un court instant

Les images prisonnières

Les sens en manque d'anarchie. Les abîmes barrières du cerveau. L'impression d'un coeur encagé, les spasmes battant dans ce dinosaure ce thorax. Déjà fossile, l'humanité sédiment. Sensation de sable inconstant. Mer et désert des signes qu'efface l'incompletemps. De l'informe flou des images naissent des miragemots, des refoulements de réel où se superposent l'infime et l'immense. Les sens confrontant la surface des choses doivent sonder l'essence.  L'inconnu est ici, détenu.

mardi 15 mai 2012

Un peu de fureur et de bruit

Dessine les villes où tu te trouves, anonyme, dans l'espace blanc vidé des runes. L'étal azur phrase les ruines, les chants d'une symétrique rupture ; un entredeux noir et blanc où chorale une nouvelle peste, fléau d'une société orquestre. La fureur et le bruit. La fureur appelle tonitorrent de rage anamorphe le monstruand tapie. Et coeurs et ventricules étranglés, monde réduit à une cavité aux parois lacérées. Le bruit est amer, tumeur incontrôlable, tu meurs d'avoir bu jusqu'alalie le sel de l'or blond et la râpeuse folie. Ictolle foliquéfiée, explosion des bruits grotesques, le decrescendo des échos estropiés. Le bruit et la fureur de l'âmécorchée passent comme grains en un drone, la détresse en liesse des tissus, un vortex mauve. Elles fouettent en silence ces souffrances promesses, furieuses du désespoir en l'âme qui chante le divorce des espérances. 

mardi 8 mai 2012

Temps des jours

Hier, trois heures sous le soleil à revoir et corriger de la prose mille-pattes, des poésies insectes, à dépoussiérer des mots fossiles ; des scorpions, des crabes et scarabées qui, vers vains haineux, triturent et truculent l'oreille et le coeur dans le désert qui nous aride. 

L'espoir amène une indicible, une solaire invincibilité. 
Dans l'insouciance des actemps qui passent.

Aujourd'hui, rien. La pluie et le vent tempêtent. Le poêle et la cafetière qui crissent puis le café qui blopblop et fleure corsé. Des livres et des pages à n'en plus finir. La ville évanouie en avant m'indiffère. Que la pluie et le vent et les vers déterrés qui glissent le long de l'asphalte. Les images et les mots.

lundi 7 mai 2012

Seulétude

Tout crie autour de. Il se désaxe et se satellise, entre attraction et rétraction, soumis à l'indiscernable. Une autre semaine de révolution à dériver vague dans l'orbite. Un irrésistible souffle le pousse, étourdivre. À sa nébuleuse futile, il souhaite une finalité. Une concrétude. Tout crie autour. Il erre dans l'incertain, sourd.

mercredi 2 mai 2012

Érik Satie

...dans le silence brumeux de l'aurore grise.
Les Gnossiennes.
L'âme et le démiurge.
La constriction du temps.

lundi 30 avril 2012

Je vais m'en souvenir

Dans les rues se lèvent à chaque nuit des manifs comme des murs à partir desquels on se donne des poussées vers l'avant.
Il est beau de se souvenir, mais un passé, des mémoires, ça s'écrit.
Cette impression que c'est tout un pan qui s'écrit maintenant.

mercredi 25 avril 2012

humeur aqueuse

   long indolent de l'aulne ô fleuve l'eau faune endiguée dans le courant de l'aube. Le temps s'écoule rivière dans la fuite des flots. Le long des rameaux des saules il a plu aléas d'ambre dans le remous errant dans le lit de l'eau les humeurs les amours. La belle Ophélie partit respirer les lys noyés de Narcisse. Le monde expire des frémissements d'ondes dans les rivelandes étreintes et cherche en vain les lueurs tout le

vendredi 20 avril 2012

La censure

"La censure? La censure! La censure, c'est la gargouille qui vomit hideusement son plomb liquide sur la chaire vive de la poésie! La censure, c'est l'acéphale aux milles bras aveugles qui abat comme un sacrifice sans défense chaque érection de sensibilité délicate au moyen de ses moulinets vandales! La censure, c'est l'apothéose de la bêtise! La censure, c'est le rasoir gigantesque rasant au niveau du médiocre toute tête qui dépasse! La censure, c'est la camisole de force imposée au vital! La censure, c'est la défiguration imprégnée sur la grâce par un sourcil froncé saugrenu! La censure, c'est le saccage du rythme! La censure, c'est le crime à l'état pur! La censure, c'est l'enfoncement du cerveau dans un moulin à viande dont il surgit effilochement! La censure, c'est la castration de tout ce qu'il y a de viril! La censure, c'est la chasse obtuse à la fantaisie et à l'audace illuminatrice! La censure, c'est la ceinture de chasteté appliquée à tout con florissant! La censure, c'est l'interdiction de la joie à poivre! La censure, c'est le morose enduisant tout! La censure, c'est l'abdication du rare et du fin! La censure, c'est la maculation et le hachage en persil de l'unique toujours gaillard! La censure, c'est l'abdication de la liberté! La censure, c'est le règne ignorantiste du totalitarisme intolérant envers tout objet qui n'est pas monstruosité rétractile! La censure, c'est l'injure homicide à la loyauté des sens! La censure, c'est le pet par-dessus l'encens! La censure, c'est l'éteignement de l'esprit! Où il y a censure, serait-elle la plus bénigne du monde, il n'y a plus qu'avortement généralisé. La censure, c'est la barbarie arrogante. La censure, c'est le broiement du coeur palpitant dans un gros étau brutal! Oui, mille fois la censure, c'est la négation de la pensée!"

- Claude Gauvreau

Je n'allais pas censurer un seul mot de cette longue citation. (Et par ricochet ne me censurerai plus)

Le cataracte du nyctalope (suite)

(Reproche-t-on aux peintres de créer de nouvelles couleurs?)

Gartagavreuse amibe achoua a cru ta gavée, ta lave ectoplasme, ton oeil aquilé. Transpoigne arde mon âme t'as tuée, alvauréole le coeur sangtrifuge de sang pompé, l'épice de ta peau, tes baisers coagulés. Évide ma mie, mon infinité. Échoué mes sens auscultpés à ragravir des murs esclaves, mes yeux ornièrés, ton zénith. Aubade ma mie, difforme barde je suis. Muse mon langage déformé. Pielle tortriturée buvant gloutte au mirage de l'encre. Le larmoiement des horizons sous les nuages de cendres, ancêtres des corps vapeux. Elle trombla la terre meule sous nos genoux, cette terre scellée sous nos ongles à jamais saignants. Tes ancreuses hanches mon refuge. Dans l'étiolement de ton cou, baisers in verténèbres et lèvres méduses, ta langue sangsue. Tes cris m'ont ponctué l'âme cent fois. Tua multiformiser mon langage, ma mie racle. Elle existe la chorale des dieux, elle est la portée de tes yeux. Engouffre-moi, dépaupièrise-moi, cataracte-moi d'avalanches. Spectre libellule, spectre sauterelle, inspectre, mon feu-folie filet de nuit. Comète et galaxe ton être, ton être obscurci d'insomnuit, astralisé, mon coeur splasme et te pleure, infinie. Je vois ton sourire quand je cligne de l'oeil, je vois dans la nuit ton invisibilité. Ô larmeux visage! Ma désolation. Oublitude mon érosion, mon passage gravé au solstice de tes yeux. Phoenix aveugles consumés sous les cieux, réticence, ta brûlure dans ma rétine, la déroute des sens. J'invente des mots à défaut de t'inventer. Navance plus malamour amatraque abattue couché dans les lys ventropale fracâme et baies et. Pure. Sang. Foi.

mardi 17 avril 2012

"Words, words, words."

Des mots sans cesse sans qu'aucun vaille l'encre qui les trace. Pris dans les pages d'un livre léviathan, pris entre une sourde oreille et un inlassable cri de révolte, pris entre la dépression et l'acceptation, pris dans un printemps indifférent, un printemps rouge automne. Les mots fusent, insécures, se fusionnent, créent des sens invisibles qui orientent une déroute, une aubébauche ; des mots qui disent tout et qui ne disent rien.

lundi 9 avril 2012

tant de jours

la pluie tombe les gouttes ploc ploc sans but alors que l'onde mobile de l'encre dessine les cécités l'ellipse levée à hauteur d'ombre et globulorme noir engouffrant des songes

toujours les mêmes mots et les mêmes images répétition des jours qui passent comme si belliqueux le temps et le rêve s'obstinaient en soi le front borné s'heurte aux oeillères du monde et les illusions prennent fin où le regard ouvre les yeux

mercredi 4 avril 2012

Point de fuite

aveuglé par le kaléidoscope des infinis de l'aube
là tes mains comme du sable fin sur ma peau
soufflé par les flots les parfums d'atomes
multicolores rimes d'images morts mots
éclats de vers affûtant le silex du sang
microcules parties vaine monologie
rythmée au pluriel des âges
circonvolutions spleen
d'où n'échappe
d'où il n'y a
point de
fuite

vendredi 30 mars 2012

Épiphanie

"Un jour pommelé de nuages marins. La phrase, le décor et le jour s'accordaient harmonieusement. De simples mots pourtant. Était-ce à cause de leurs couleurs? Il vit flamboyer et s'éteindre leurs teintes une à une. Or du soleil levant, rouge et vert des pommeraies, azur des vagues, franges grises au toison des nuages. Non, cela ne tenait pas à leurs couleurs, mais à l'équilibre, à la cadence de la période elle-même. Aimait-il donc le rythme ascendant et retombant des mots mieux que leurs rapports de sens et de couleur? Ou bien était-ce que, faible des yeux et timide de l'esprit, il goûtait moins de plaisir à voir les yeux de l'ardent Univers sensible dans le prisme d'un langage multicolore et somptueusement expressif, qu'à contempler le monde intérieur des émotions individuelles, parfaitement reflétée dans les périodes d'une prose lucide et souple?"
- James Joyce

Estomaqué, je reviendrai toujours à ces mots. À travers cette épiphanie inégalable, véritable chef-d'oeuvre de pureté, toute la démarche de Joyce est là.

mardi 27 mars 2012

Au midi

Après une semaine surchauffée, le soleil en son midi refroidissait les ardeurs du printemps.  Un homme, peu inspiré, alla traîner sa solitude dans un parc voisin, trou vert dans une ville faussement tranquille. Il vit un homme là-bas, tout de noir vêtu, avec un masque et une batte de baseball à la main, frapper dans l'air des balles invisibles, entre des pas de danse ridicules. La folie est souvent plus proche qu'on ne le croit. Le fou répéta ce manège pendant une longue demi-heure. 
Plus l'homme marchait et plus se dévoilait autour de lui le caractère profondément illusoire de l'isolement qu'il était venu chercher. Certes, au regard le parc était paisible : il y avait ici et là quelques passants, les habituels joggers et d'autres qui jouaient avec leur chien dans une indifférence béate. Mais petit à petit, l'homme se rendit compte de la marée sonore qui montait autour de lui. Deux avions passèrent coup sur coup et chargèrent le bleu du ciel d'un tonnerre mécanique, le bruit des travaux du quartier avoisinant  grondait en modulations amélodiques, et ce qui le frappa le plus fut l'extraordinaire cacophonie exponentielle et inlassable, comme une avalanche ascendante, de goélands surexcités s'entredéchirant l'ouïe à qui mieux-mieux, insouciance animale, et évoquant vaguement les échos des discours discordants de ce printemps mouvementé. Les cris confrontés aux sourdes oreilles, les idéologies sorties de l'hibernation, s'élevant et s'entrechoquant dans les fracas des différences.
Tranquillement assis devant l'étang, près des berges de quenouilles jaunies, l'homme se coupa du son qui l'entourait, tenta de s'isoler complètement et finalement n'entendit que le bruit de petites pattes dans les feuillemortes, accompagné du doux roucoulement des pigeons. Il fixa l'eau longtemps, se leva puis partit. Rien dans les poches, sans réfléchir, aucune pensée, mais reposé.

vendredi 23 mars 2012

Citation appropriée à méditer

"Je me révolte, donc nous sommes. Et nous sommes seuls."
- Albert Camus

mercredi 21 mars 2012

Printemps des jours (ou révérence affairée)

pensées bleues envahies par les sciences funestes
est resté de la nuit un saphir céleste
j'ai farfouillé les dieux et j'ai trouvé l'azur
j'ai cherché les mots preux aux creux des commissures
les nuages absents ont déserté mes rêves
et l'angoisse du temps ne connaît plus de trêve
et je passe inconstant plombé d'incertitudes
arrive le printemps et toutes ses habitudes

caresser une peau un moment presque proche
il est né de cette eau une fleur sur la roche
et cette eau déversée était-elle mes pleurs
ou les lueurs fanées quand s'écoulent les heures
encore un autre jour dénué de merveille
ou bien j'ai les yeux sourds et le coeur qui sommeille
quand le recommencement crépuscule la fin
je suis las du présent j'attends déjà demain

mardi 20 mars 2012

Une semaine

à respirer dans l'air de ce printemps précoce alourdi du poids des luttes d'un côté bottes de ciment tête droite coeur battant en rythme empanaché d'idéal dans l'indifférence du dieu Mars et des autres révoltespoir et de l'autre langue de bois des matraques et la vacuité d'un langage incompréhensible suranné empreint de mauvaise foi injustice nulle part ne me reconnais plus impression de l'homme moderne réduit au plus petit dénominateur son nombril

mardi 13 mars 2012

s'arrête le temps des nuits effleure les fleurs du malt

impalpable parfum
s'effrite à travers
le filtre de l'or blond
liqueur du bout du monde
les fleurs du malt
épines amères
pétales de peines pleurent
irisent la rosée neigeuse
manteau de montagne
camphre d'idéal
puise au douvet des trèfles
au berceau des vals
les bourgeons de l'ivresse
maux de mon mal
s'entremêlent ce printemps
ces échos incongrus
ces espoirs
ces étoiles

jeudi 8 mars 2012

mystérieuse inspyralion

se déroule le long de l'encre
spirale de lalangue
fluideffusion
la lyre dorée des anges
saint ptaumes chants possessions
insistants fantômes
sporasmes poumons
réinspirent entre deux inactions
et dévoilent avéclats le souffle des proses

mardi 6 mars 2012

Déambulentement

marchant par les tranchées
ras les murs aux mille briques
là bas un parc blanc

scrutant le point de fuite
lointain aval de la rue lever de ville
on va
s'engouffrant

deux âmes
des images et des mots par milliers
sous une lune impossible
dans l'air froid
déambulant

Temps des jours

L'hiver a repris un peu de force et avec février la cinquième saison a disparu. Mars. La semaine passera dans le souffle des manifs. Ici l'attente. Toujours sous Le ciel de Québec je continue de lire cette épopée drôlatique, et toujours j'erre et reste, pèlerin poli, aux aguets du génie. Ou c'est peut-être moi qui ne voit rien.

mercredi 29 février 2012

Éveil

vouloir vivre à tout rompre les parois lumineuses du gouffre du jour s'extirper de terre gravir les murs s'élever libre et embrasser les muses invisibles sorties de tempête chantant une nouvelle aube
je n'ai rêvé à rien 

vendredi 24 février 2012

Hockey

Ils étaient tous plus gros que nous, meilleurs buteurs que nous, deux lignes d'attaque plus fortes contre les nôtres, inégales. Dès le dévoilement de l'alignement, on saurait qu'elle serait difficile. Les patins ont fendu et mangé la glace, entrechocs des bâtons et des casques et coups d'épaules. Le corps inondé de sueur, alourdi, ankylosé; la fatigue alors que le coeur pompe tout le sang du corps, les tempes en furie. L'adrénaline, tout va vite, l'étrange ivresse de l'essoufflement, on ne pense à rien, on agit, par réflexes. On dirait que des forces invisibles retiennent leur souffle à chaque descente, à chaque lancer, à chaque arrêt. Les cris d'encouragement fusent de tous côtés ; les cris de joie, seulement du nôtre. On joue notre meilleur match, en équipe, notre défense est solide, notre gardien arrête tout et on gagne ce match qu'on ne croyait jamais gagner, en équipe. Je m'étais promis de ne pas parler d'hockey, mais peu importe. De toute façon, le sport est aussi poésie.
Vous connaissez la bière de la satisfaction? C'est elle je bois présentement, et elle a rarement été aussi bonne.

mercredi 22 février 2012

La cinquième saison

Février, Montréal, Villeray. Ne cours plus les mardis car trop d'ordures dans les rues. Saletés crasses et coagglutinées. Mais mercredi n'est pas mieux et malgré la pluie, les rues sont toujours sales. File alors vers le parc. Personne. Je suis un peu de solitude qui court. Croise un tamoul édenté tout droit sorti d'un film tordu, qui me regarde comme si j'étais un extra-terrestre. Va plus vite. Au-dessus du stade de tennis et des terrains de soccer, on voit la tour de la faculté de musique de l'Université de Montréal et l'Oratoire Saint-Joseph. Suis jamais allé là en six ans et c'est pourtant si proche. Les mots d'Émile me viennent en tête "ah comme la slush a slushé..." La neige n'est plus. Qu'une immense flaque d'eau le parc. Couche superficielle de glace sur le lac qui reflète le gris mat du ciel. Je déteste cette cinquième saison, exclusive à Montréal, celle entre l'hiver et le printemps, comme si aucune des deux ne la voulait. L'hiver la repousse alors qu'en la voyant venir se sauve le printemps. Et nous pris dedans.

vendredi 17 février 2012

Coïncidence (ou peut-être pas)


Lou Andreas-Salomé, née Louise von Salomé, fut tout sauf une femme ordinaire. Femme de lettres allemande d'origine russe, incarnant la liberté intellectuelle, féministe avant même que le mot existe, trilingue, élevée à la noblesse par nul autre que le tsar Nicolas 1er, elle fut tour à tour le seul et unique amour de Nietzsche, la muse de Rainer Maria Rilke, la meilleure amie d'Anna Freud et la brillante disciple, ainsi qu'une des plus fidèles correspondantes de ce cher Sigmund. On peut sans craintes parler d'un destin en tout point hors du commun, pour ne pas dire extraordinaire. 
Je ne connais pas beaucoup les écrits de Salomé, sinon une description de Nietzsche qui témoigne de sa remarquable plume, mais inutile de dire que je suis désormais tout à fait intrigué par cette femme et je me suis promis d'y venir dans un avenir très rapproché.  Toujours est-il que connaissant plutôt bien ceux du philosophe poète à moustache et ceux du psychologisant barbu fumeur de cigare, j'ai eu, hier, l'idée bien inoffensive de me renseigner un peu sur l'oeuvre du poète allemand dont elle fut la muse, poète qui m'est, à vrai dire, en dehors de son nom, absolument inconnu. J'emprunte donc Lettres à un jeune poète à la bibliothèque, ouvrage que monsieur Grasset lui-même (oui l'éditeur) qualifie de "véritable guide spirituel", de "manuel de la vie créatrice de portée universelle", rien de moins. Je suis alors convaincu qu'il représente la meilleure introduction à l'oeuvre de Rilke.
J'ouvre donc ce matin, le 17 février 2012, ledit livre qui est un recueil de dix lettres que Rilke a écrites à Franz Xaver Kappus (le jeune poète en question) et quelle est ma surprise de voir que la première lettre que Rilke adresse à Kappus est datée du 17 février 1903. 109 ans jour pour jour après l'écriture de cette lettre, je la lis.  Dans une autre époque, dans une autre langue, à un tout autre moment. La fulgurance des mots a traversé le temps sans rien faire sinon exister ; une ellipse de 109 ans bouclée en un clignement de paupières.
J'aurais lu cette anecdote dans un roman de fiction et je ne l'aurais pas crue. À trop vouloir jouer avec la chance, il est facile d'abuser la naïveté. Mais en même temps, je me refuse à croire qu'il ne s'agit là que d'une vulgaire coïncidence et je me plais à y voir autre chose. De la poésie, un privilège unique, une anecdote dépassant l'entendement parce qu'il y a justement des signes au sens dépassant l'entendement humain. Et là, et c'est peut-être moi qui est naïf, mais j'y vois un peu de vie ; un peu de vie dans toute son abstraction presque saisissable, dans tout son mystère - comme la profonde douceur du regard de cette femme ci-haut - un peu de vie, à l'état pur.


jeudi 16 février 2012

Lire Nietzsche

"Nietzsche est illisible pour ceux qui le lisent avec les yeux de la raison, il est impensable pour ceux qui veulent le penser avec les instruments de la pensée. Il est le penseur de ce qui ne se pense pas, de ce qui est hors pensée - et là est son véritable mystère : "comment penser l'impensable?" Non pas en le rendant pensable, car ce serait tomber dans le piège philosophique, mais en respectant jusqu'à l'hallucination sa nature d'impensable ; en le vivant dans son corps, dans sa chair, avec ses muscles, ses nerfs, son coeur, avec la conscience que son corps, cet autre moi, sait mieux que la pensée notre vérité d'humain."
- Bernard Edelman

vendredi 10 février 2012

Chopin le matin

belles Nocturnes matinales
un chaud café, la brume figée dehors
le jour s'est levé
sans couleur
tranquillement
ces mélodies comme si le temps n'existait pas

mercredi 8 février 2012

Insomnie

pluie nocturne
orée de l'ombre
claire hier lumière de lune

désir d'inverser la pluie
flocons follet d'obscurité
folies noyées dans
le calme de l'eau froide

corps subimmergé
âme aqueuse
à mi-chemin de la vase et du vent
entre l'étranglement des algues
et l'étreinte du néant
un torrent de nuit s'écroule sur moi

et je dérive
je cherche les vagues du rêve

mardi 7 février 2012

Temps des jours

le soleil distille un proche printemps
dans la rue les passants sans foulard
plissent les yeux sous les reflets du ciel 
un ciel nimbé d'or bleu éclatant

après quelques songes sombres et clairs
le temps des jours passe en jeux de lumière

jeudi 2 février 2012

Marilyn et Molly


Cette photo date de 1954. D'une sublime humanité, elle montre une Marilyn Monroe médusée en train de lire Ulysse. Elle a 28 ans, elle est au sommet de sa gloire mais on la voit ici dans un parc loin de tout, auréolée d'un naturel désarmant.
Si l'on se fie aux pages, Marilyn est en train de lire le chapitre ultime d'Ulysse, soixante pages découpées en huit paragraphes sans ponctuation, le soliloque de Molly

Volcanique Molly le chapitre de l'âme humaine aux limites de la folie fleuve de lave blonde Bloom a voyagé Molly voyeuse incapable de dormir car la fragrance de ses rêves d'autrefois est embaumée de la puanteur de son égout d'époux Molly femme adultère lascivesseulée délire sa salive amère et désenchantée d'aimer parce que perverse comme lui perverse comme tous les autres déviante rivière irriguant sexe et désir le long des corps érodés de solitude au-delà des souvenirs noyés peine de lettres d'amour elle rêve de flamboyante romance du viril Dache Boylan de la poésie du labyrinthique Dedalus et pourtant pourtant oui à Gibraltar une rose rouge dans les cheveux comme une jeune fille andalouse oui les roseraies les jasmins et les primevères oui baiser sous le mur des Maures oui torrent de mer écarlate oui fleur de montagne oui bras enlacés oui seins parfumés la peau fragile le coeur qui battambour elle avait dit oui oui je veux bien Oui

Le chapitre de l'acceptation résolue de la délivrance de l'affirmation absolue où dans le tonnerre des mots Jupiter Joyce l'irlandais fou a saisi la foudre à mains nues pour immortaliser des cendres de l'encre et ceindre d'éternité ce jour ce jeudi ce 16 juin 1904 une pluie d'éclairs toucha Dublin et frappa l'existence humaine de contingence la sortant du reflet de Narcisse les blanches fleurs aux rouges corolles se sont fanées marquant l'humanité en lui rappelant sa brièveté infinitésimale et microcosmique mais également ses ambitions homériques

"Les mots doivent changer parce que les temps changent." - Joyce

Nous sommes jeudi, je viens de finir Ulysse. Et dire que machinalement, j'ai remis mon signet, dans le livre, à la fin.


mercredi 1 février 2012

Détente

À la verticale de la nuit
calme
l'ambiance échappe ses soupirs
monotonnant silence
je n'entends rien
plongé dans les possibles
d'une simple prose

vendredi 27 janvier 2012

Secousses

Parce qu'il faut jouer le jeu de la création furieuse et vaine
effrénénergie trouble qui remue la mare
quotidienne endormie d'habitude
sansrientoucher

surtension surémotion
la journée dans une parenthèse inextricable
deux courbes s'opposant juste au-delà de l'être
à peine aux limites de la peau
du derme délicat du vet fin
où vit

petit néant d'incompréhension et d'incertitude
le doute invisible mais présent
impalpable transparence

brusque apparence

donner forme à l'informe
à l'infirme capacité secouée
au secours des jours passés

jeudi 26 janvier 2012

Phaute d'orthograffe

À la question : En quoi il est important d'apprendre le français? Une étudiante a répondu :

"L'apprentissage du français est important parce que ça vise 
la mélioration du français."

J'aurais voulu inventer cette faute que je n'aurais pas été capable. 

mercredi 25 janvier 2012

Ce qu'une photo ne pourra jamais dire

"Sans soute une première rencontre avec Nietzsche n'offrait-elle rien de révélateur à l'observateur superficiel. Cet homme de taille moyenne, aux traits calmes et aux cheveux bruns rejetés en arrière, vêtu d'une façon modeste bien qu'extrêmement soignée, pouvait aisément passé inaperçu. Les traits fins et merveilleusement expressifs de sa bouche étaient presque qu'entièrement recouvert par les broussailles d'une épaisse moustache tombante. Il avait un rire doux, une manière de parler sans bruit, une démarche prudente et réfléchie qui lui faisait courber légèrement les épaules. On se représentait difficilement cette silhouette au milieu d'une foule : elle était marquée du signe qui distingue ceux qui vivent seuls et en marche. Le regard en revanche était irrésistiblement attiré par les mains de Nietzsche, incomparablement belles et fines, dont il croyait qu'elles trahissaient son génie. (...) Ses yeux aussi le révélaient. Bien qu'à moitié aveugles, ils n'avaient nullement le regard vacillant et involontairement scrutateur qui caractérise beaucoup de myopes.  Ils semblaient plutôt des gardiens protégeant leurs propres trésors, défendant des secrets muets sur lesquels aucun regard indésirable ne devait se porter. Sa vue défectueuse donnait à ses traits un charme magique et sans pareil : car au lieu de refléter les sensations fugitives provoquées par le tourbillon des événements extérieurs, ils ne restituaient que ce qui venait de l'intérieur de lui-même. Son regard était tourné vers le dedans, mais en même temps - dépassant les objets familiers - il semblait explorer le lointain - ou, plus exactement, explorer ce qui était en lui comme si cela se trouvait loin."

- Lou Andreas-Salomé (1894)

Plus qu'une description physique, il y a beaucoup de son âme, de son coeur et de son génie dans ces mots. 

Ses mains fines de pianiste ayant écrit sans arrêt. 
Et ses yeux sondeurs d'infinouïs.

mardi 24 janvier 2012

Dégoûtemps des jours

Vingt minutes au pas de course dehors. Mais l'effort est double puisqu'il a plu hier et je cours en sautillant pour éviter les flaques d'eau. C'est inutile, après cinq minutes, mes pieds sont trempés d'une gadoue tiède de janvier. Les gens ont sorti leurs ordures aujourd'hui. Les déchets jonchent le sol. Les boîtes de carton moisi ; emballages et sacs de plastique de toutes sortes, éventrés ; noupourritures ; circulaires, factures et papiers divers, deux billets de loterie piétinés : tout à la rue!
Le trop-plein d'inutile de crasse qui déborde des foyers "hume sweet hume" et ça n'hume pas bon dans les chaumières gadoue grise et brune car multitude d'excréments canins ressuscités sous la neige fondante la rue vomit son haleine puante.
Toutes ces saletés me font regretter l'insaisissable blancheur de la neige. Me font haïr ce faux hiver citadin, tentative bâclée, comme si cette ville était au-dessus des saisons. Ne pas contrôler la nature les excuse de ne rien contrôler ici où s'amoncellent immondices et débris.
Montréal n'a jamais été aussi laide et aujourd'hui je ne sortirai plus.
"N'ayez crainte fermiers! Les porcs sont encore là! Ils ne quitteront pas la porcherue!"

mardi 17 janvier 2012

Magnétisme moustachu

Je marche dans la bibliothèque ; des dizaines de milliers de livres m'entourent mais je n'ai pas le temps de m'attarder davantage je suis pressé. Puis une image me frappe : un de mes moustachus préférés apparaît et me happe ; je suis attiré, mes pas se dirigent vers la revue en question, plus rien n'existe, je suis avalé par un aimant.  Je prends la revue, je l'emprunte sans même la feuilleter. Dans le métro, je commence ma lecture : 

"Nietzsche dérange tout le monde : les philosophes, les universitaires, les théoriciens politiques, les conservateurs, les théologiens, les moralistes, les nationalistes, les libéraux, les penseurs de gauche, les égalitaristes, les démocrates.  [...] Pour Nietzsche, l'humain, trop humain, a perdu l'énergie vitale, foisonnante, dionysiaque qui le soulevait à l'époque grecque, quand il se laissait posséder par le désir et la danse, acceptait le destin et le tragique de toute vie. Depuis, l'homme a pris peur, il a préféré l'asservissement de l'idéal et du bien-être, croire en un Dieu abstrait et un État salvateur, laisser l'argent corrompre jusqu'à la Terre.  Pour échapper à cette course folle jusqu'au nihilisme et la morbidité, retrouver la joie, la créativité et le respect de la "Vie", l'homme doit inverser toutes les valeurs, se réinventer. Se surmonter. 

Toute une intro. Les vrais traits d'une philosophie qui a été falsifiée, tronquée, récupérée par le fascisme et l'extrême gauche. Nietzsche le "sans patrie", appelant à une philosophie artiste et poétique, d'une terrible rigueur ; pensée en éclats, hanté par Dionysos, dieu tragique et dansant.

"Notre monde est un caillou jeté dans l'univers, l'homme une créature mal fichue apparue par hasard, soumise à des jeux de force qui la dépassent, empêtrée dans le vivant, dépendante de la Terre qui l'a vue naître." 

C'est vrai qu'il dérange.  Un mélange de doutes, de questionnements, de réflexions, de révélations, de poésie.

Continue de me déranger.

lundi 16 janvier 2012

Les couleurs invisibles

lumière prise dans le prisme du lustre
éprise
incandescent phosphène
étheressence
l'éclair tigré oscille entre
arc-en-ciel et terre
et déferle le soufrefeu

spectre des couleurs volages
volutes infinies vapeurs fauves
que tisse
invisible
l'étherescence

Temps des jours

Dernier après-midi tranquille avant le retour au travail. Et mon livre qui ne me tombe pas des mains, vortex aux mille couleurs inconnus, et des mots, des mots et encore des mots. L'infini à porter d'atteinte, juste là sous les yeux. Ici du thé brûlant repose sur la table. Quel temps fait-il dehors? Je ne sais pas, je n'en ai cure.

Boule à mythe

Fossile pseudo-surréaliste retrouvé en fin de semaine, en pleine séance d'important ménage, dans un vieux cahier raturé, déchiré et grossièrement noirci dont je ne soupçonnait plus l'existence. Encore une fois, l'urgence de l'écriture et la recherche d'images prenaient le dessus sur le rythme et le sens.


C'est dans un rêve de carbone que j'ai respiré les murmures aveugles
En bas des grattes-ciels ils sont des fières statues qui scrutent l'invisible
Dans l'ombre je tombe de la falaise et gît sur l'écume bitumeuse
Dos au sol mon crâne écarlate s'ouvre au ciel de porcelaine
Et je suis le fils des oiseaux
Mon sang est un vin que les bourgeois avalent mais ne goûtent pas
À la coupe de mon cou, mon âme est deux amants que l'on arrache l'un à l'autre
Soudain je me soulève du sol sous le vent des voitures et les cris muets des passants
Ils me voient sans me regarder je suis leur indifférence et leur adoration
Je pleure des pierres et oublie des terres
Je vis la liberté futile des ailes des soldats
Je suis en guerre
Le sang est une rivière en furie qui viole le granit des lits
Mes cris se meurent dans les feuilles d'arbres à la lumière diamantée
Le fusil dans ma main vit dans la grisaille de mes songes
Je vois toutes les parties sans en voir l'ensemble
Et j'appuie sur la détente
Ma passion est un charme
Le ciel explose et les flammes brûlent ma peau
Les nuages sont des notes dans la grande portée bleutée
Je n'entends pas cette musique triste
Silence fracassant
Mon coeur brûle vif en mon sein un dragon crache en moi
Et je bois mes éveils immobiles pour l'apaiser.

Chicoutimi, 2003

jeudi 12 janvier 2012

Hommage aux grosses madames irlandaises (ou délire éthylique de ce très cher Bloom)

"Niam! Regarde.  Elle estconfortablement charpentée.  Elle est calfatée d'une sérieuse couche de graisse.  Un mammifère ça ne fait pas de doute étant donné le volume de la poitrine, tu remarqueras qu'elle présente en façade et à portée de la main deux protubérances de respectable dimension, qui ne demandent qu'à tomber dans son assiette à soupe, tandis qu'à l'arrière, sur un plan inférieur, s'offrent deux protubérances supplémentaires qui indiquent une certaine puissance rectale, tumescences qui appellent la palpation et ne laissent rien à désirer sauf pour la fermeté.  Des parties aussi charnues sont le produit d'une alimentation méthodique.  Le gavage sous la mue amène le foie à un volume éléphantesque.  Des boulettes de pain frais, de fenugrec et de gomme de benjoin, ingurgitées avec accompagnement de thé vert, les dotent pendant leur brève existence d'une barde de lard aussi colossale que celle d'une baleine. Ça c'est dans vos cordes, pas vrai?"

- Joyce

mercredi 11 janvier 2012

Isolement

Ruines bleues des cieux invisibles.  Les nuages dans le désert, ombres-miroirs des regards brisés, des pensées éperdues.  Néant fuyant inatteignable noirceur de l'inconnu réconfortant du réel au rêve.  Puis l'inquiétant cauchemar, la part de l'autre en soi.  Limites des rives du mirage ondoyant de fureur solaire.  La pensée emprisonnée s'évade en tempête.  Couper la pensée.  Revenir en soi.  Temps sans repères.  Que les murs devant moi.  Et le verre de l'oeil se brise sur les parois.

Boule à mythe

Catégorie spécifique où je ressortirai, sans rien changer, de vieux écrits non-négligables.

Ici, petit texte sympathique que j'ai retrouvé récemment, un des premiers que j'ai gardés.  C'est plein de clichés, mais je le reproduis sans en changer une virgule.  Dix ans déjà.  J'étais dans ma phase Lautréamont et Rimbaud.  Change-t-on tant en 10 ans?  

Je le relis : pourquoi l'ai-je gardé?

Pour la naïveté
Pour l'urgence 
Pour l'insouciance la plus plus totale
Et la béatitude qui parfois l'accompagne


Du fruit le plus pur au noyau décomposé

Une goutte de lune argentée se reflétait dans l'oeil d'onyx noir de la jeune femme, avec des stries de lèvres rouges dans son iris, neigeux comme les aurores de l'hiver.  Du givre se parsemait sur ses paupières à demi-closes et au bout des cils, telles des opales d'eau glacées où miroitaient faiblement les étoiles de cette nuit boréales.  Son regard indifférent fixait les arbres qui l'entouraient ; des vastes chênes d'hématite grisâtre aux branches comme les petites rivières brusque des profondes forêts, qui ont vu d'étincelants poissons migrer, et qui se déversent dans l'air, issues de cette colonne fluviale droite et dressée, aux sillages des bateaux intemporels l'ayant naguère navigué, qui prend racine dans la terre lourde et rêche.  Sur ses joues des veinules bleues, telles des parcelles d'éclairs captée par des regards étonnés d'enfants, se frayaient des chemins sur les dunes gelées de son visage jusqu'aux lèvres d'azurite, froides et immobiles, ayant auparavant ensoleillé le coeur de nombreux hommes.  De ses dents comme des cristaux de roches auxquels maints pilleurs ne pourraient résister, coulait un mince filet de grenat rouge coagulé dans la froideur précoce de l'hiver.  Sur son cou, des cheveux de jaspe et de jais lisse respiraient le vent froid qui les berçait, et ils valsaient doucement sur sa nuque émoussée que l'homme caressait comme un coquillage épuré par les eaux endormies des grands lacs miroitant.  Faisant dos à la nuque, sa gorge d'améthyste brisé se déversait sur le sol enneigé, et laissait voir le corail prendre la forme d'un récif morcelé entre les golfes las de sa poitrine blanche et dénudée, comme des monts finement sculptés par des vents sans nom et sans route.  Des ecchymoses ambres couvraient ses seins tailladés, ses épaules écrasées et ses bras torturés, ceux-ci se croisaient comme ceux d'un enfant effrayé qui implore la nature tout en tournant le dos à la peur qui l'assaille.  Sur son ventre se dessinait un trou d'obsidienne comme de l'encre profonde : une encre qui aurait nourrit toutes les plumes, qui aurait induit toutes les oeuvres et à l'intérieur de laquelle tout esprit créateur prend mystérieusement forme.  Les entrailles olivâtres comme des algues se vidaient de leurs essences transparentes et aqueuses : elles débordaient de cette cage corallienne de nacre rougie par l'écume baveuse et sanglante d"un loup, comme le serpent femelle qu'on éventre pour laisser sortir les serpenteaux morts étouffés.  La putréfaction prenait l'apparence d'une caverne sombre où les éclats de diamants auraient été volés, de la chair rongée par les insectes du temps, du fruit le plus pur au noyau décomposé, et l'arôme d'éther qui en émane ne fit m'évanouir lorsque je l'aperçus.

                                                                                                                            Chicoutimi, 2002


Ah nostalgie, quand tu nous tiens.

vendredi 6 janvier 2012

Temps des nuits

Saint-Denis. Rue muette, si rarement muette en-dessous de moi. Tu avales cette soirée qui file. Quelques voitures, loin déjà.  Bruit étouffé dans le silence nocturne, exhalaison sur le froid bitume, et la neige viendra.  La nuit passe et personne ne l'aperçoit.